La biographie de Philip Roth, par Blake Bailey, fourmille d’anecdotes.
L’écrivain américain n’apparaît pas toujours comme quelqu’un de très sympathique.
Son plus grand succès de librairie, « Portnoy et son complexe », lui attire les foudres de la communauté juive qui l’accuse d’antisémitisme ou au moins de haine de soi, en donnant l’image d’un juif obsédé sexuel, fantasmant sur les shiksés ( femmes non juives ).
Le philosophe, spécialiste de mystique juive, Gershom Scholem, écrira dans le journal “Haaretz” :
« C’est le livre que les antisémites appellent de leurs vœux, et ce sera nous, les Juifs, qui en paieront le prix et non pas l’auteur qui se vautre dans ses obscénités… »
Ce à quoi, Philip Roth répondra simplement :
« Il ne s’agit pas de haine de soi, j’ai juste voulu parler de ma bite. »
…
Roth entretient avec les autres écrivains des rapports complexes.
Beaucoup d’admiration pour Saül Bellow et Aharon Appelfeld, et une distance ironique avec Bernard Malamud.
Un grand respect pour Milan Kundera, et une opinion mitigée sur Salman Rushdie, selon lui « un écrivain de grand talent doublé d’une ordure intéressante ».
En novembre 1984, Philip Roth revient d’un voyage en Israël. Il y a assisté au sauvetage et au retour des Juifs éthiopiens.
Il est enthousiasmé. Pour l’éternel pessimiste, l’éternel sceptique qu’est Roth, il s’agit d’un événement messianique.
Il a organisé une petite fête dans sa maison de Londres. Salman Rushdie est invité. Il écoute le récit du voyage de Roth, puis lui demande avec provocation :
« Et alors ? Vous avez mis tous ces Noirs dans des camps de concentration à leur arrivée en Israël ? »
Roth lui répond :
« Va te faire foutre ! »
…
Philip Roth est rancunier.
Lui aussi est capable de faire une blague de mauvais goût.
Quelques années plus tard, il croise Rushdie lors d’une autre réception.
La sécurité est maximale, avec des agents secrets partout, car depuis février 1989, Rushdie est menacé de mort, sous le coup d’une fatwa de l’ayatollah Khomeini.
Roth décroche un téléphone et se met à chuchoter dans le combiné, mais de manière à être entendu par tout le monde.
« Allô, l’Ambassade d’Iran ?
Je ne peux pas vous dire mon nom… mais IL est là… »
…
Le grand mérite de cette biographie, qui a été controversée, est d’inciter à lire ou relire Roth.
Derrière le personnage fictif de Nathan Zuckerman, son double, Philip Roth en dit beaucoup plus sur lui-même que n’importe quel biographie.
© Blake Bailey
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