FIGAROVOX/CHRONIQUE – L’émoi suscité par les déclarations de Michel Houellebecq dans Front Populaire et la clémence médiatique dont a bénéficié l’écrivaine Virginie Despentes après ses propos sur les terroristes du Bataclan montrent où se situe l’idéologie dominante, explique notre chroniqueur.
La constatation du double standard m’a toujours aidé à peser le poids de l’idéologie et à mesurer l’injustice du temps.
J’ai souvent tenté de demander à mon lecteur de sous-peser avec moi ces deux poids et d’évaluer ces deux mesures selon, par exemple, que l’on regarde à gauche ou à droite.
Ainsi, le Figaro Magazine, cette semaine, citant Gaspard Proust, illustre drôlement ce deux poids deux mesures sémantique décérébrant que je ne cesse de dénoncer : « La France est un pays où l’extrême gauche réussit à se faire appeler la gauche quand la droite réussit à se faire appeler l’extrême-droite ».
L’actualité nationale et internationale me donne l’occasion de me livrer à cet exercice de mesure de l’iniquité qui ne tient pas que de la seule lamentation mais aussi de l’appréhension du pouvoir idéologique qui pèse sur nos esprits.
Commençons par l’intérieur. Les propos reprochés à Michel Houellebecq dans son long dialogue avec Michel Onfray dans la revue Front Populaire ont enflammé le landerneau médiatique.
Je ne parle certes pas du désir de la Grande Mosquée de Paris d’exiger de l’écrivain d’en répondre judiciairement, celle-ci était dans son droit le plus strict de lui en demander raison, avant que d’y renoncer après concertation.
Je parle de cette débauche d’anathèmes, d’invectives et de malédictions prononcés ex cathedra par le clergé médiatique , à commencer par celui de l’audiovisuel public. Un éditorialiste politique citait notamment la semaine dernière ces propos pour y apercevoir la marque noire de l’ultra-droite se profiler à l’horizon ténébreux.
Le préposé à la revue de presse matinale de jeudi reprochait pour sa part aigrement au magazine Le Point d’avoir laissé Houellebecq, se défendant dans ses colonnes, profaner mensongèrement la mémoire sacrée de Sartre en prétendant que l’auguste défunt avait appelé à tuer des blancs dans sa préface aux Damnés de la terre» de Fanon.
Dans un article électronique du Point daté du 6 janvier intitulé : « Affaire Houellebecq – Le gros mensonge de France Inter », Bérénice Levet démontra impitoyablement que ce n’était pas Houellebecq le menteur : « En le premier temps de la révolte , il faut tuer : abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups , supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ». Cette citation est extraite de la préface de Jean-Paul Sartre dans Les Damnés de la terre de Frantz Fanon.
J’ai pour ma part toujours considéré cette froide sentence de mort sartrienne comme l’un des premiers signes du racisme anti-blanc qui germait. Dans ces présentes réflexions sur le double standard, il est vertigineux de voir que les mêmes qui s’offusquent d’une phrase de Houellebecq contenue dans un dialogue non relu de plusieurs heures, ne trouvent rien à redire sur une phrase froidement pesée .
À côté du scandale national Houellebecq, je veux montrer combien l’invraisemblable encensement par Virginie Despentes des assassins du Bataclan – dont on commémore le huitième anniversaire du massacre qu’ils ont commis – n’a pas empêché celle-ci d’être encensée par la presse de progrès à l’occasion de la sortie de son livre Cher connard.
Je cite Virginie Despentes à propos de ces terroristes islamistes : « J’ai aimé aussi ceux-là qui ont fait lever leurs victimes en leur demandant de décliner leur identité avant de viser au visage. J’ai aimé aussi leur désespoir. Leur façon de dire – vous ne voulez pas de moi, vous ne voulez pas me voir, vous pensez que je vais vivre ma vie accroupi dans un ghetto en supportant votre hostilité sans venir gêner votre semaine de shopping soldes ou votre partie de golf – je vais faire irruption dans vos putains de réalités que je hais parce que non seulement elles m’excluent mais en plus elles me mettent en taule et condamnent tous les miens au déshonneur d’une précarité de plomb ».
Ces phrases de Virginie Despentes figurent en toutes lettres dans un texte publié dans « Les Inrocks », le 17 janvier 2015, deux mois après l’attentat du Bataclan. L’écrivaine ne se contente pas d’apprécier les bourreaux, elle les plaint. Et pourtant, nul n’a porté plainte. Nul ne peut soutenir sérieusement qu’il y ait eu un scandale équivalent à celui touchant Houellebecq. Nulle radio de progrès ou nul journal du soir n’a demandé à l’autrice adulée de s’expliquer au moment de la publication de son Cher connard adoré .
Nul n’y a vu la dérive de l’extrême gauche artistique ou intellectuelle. Nul évidemment n’aurait eu seulement l’idée de lui reprocher comme à Sartre une fascination pour l’extrémiste musulman ou un mépris symétrique pour la vie d’un petit blanc.
Sinon c’eût été démonter le mécanisme idéologique même de ce double standard qui vicie la vie publique et atteint nos vies privées.
À ce stade de mes explications, j’aborderai en quelques mots la question extérieure à travers le conflit proche-oriental.
Selon le communiqué de l’ONG U.N Watch daté du 1er janvier, la République islamique d’Iran a fait l’objet d’une seule résolution critique de l’Assemblée générale durant l’année écoulée tandis que l’État d’Israël essuyait l’opprobre de quinze condamnations rituelles.
Un poids, quinze mesures, tel est l’indice du double standard qui frappe l’état Juif. La détestation anti- occidentale me paraît, ici encore, l’explication idéologique la plus prégnante. Toutefois, à ce degré de forfaiture, certains comprendront pourquoi je renonce au débat rationnel.
© Gilles-William Goldnadel
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
« … l’invraisemblable encensement par Virginie Despentes des assassins du Bataclan » … L’écrivaine ne se contente pas d’apprécier les bourreaux, elle les plaint. » écrit Gilles <William Goldnadel.
Gérard Boyadjian avait également évoqué, en des termes nettement moins mesurés, mais tout aussi justes, le cas Despentes (Cf Tribune Juive du 2 mars 2020) . Il se livre à une brève et percutante analyse psychologique du personnage et évoque à son propos l'inversion des valeurs prôné par elle et ses semblables.
"L’inversion des valeurs consiste inéluctablement à ériger ce mensonge putride, allant jusqu’à vouloir le consacrer, le légitimer, le sanctifier, telle une statue éblouissante, féérique."
C'est très grave.