Hier soir, nous dinions mon épouse et moi chez un ami proche, excellent médecin, humain, proche et à l’écoute de ses patients…
En plein débat sur l’évolution de la loi Léonétti et l’accompagnement vers la fin de vie, le sujet est naturellement venu sur la table…
Nous traversons tous, l’âge faisant, la grande angoisse face à notre finitude inéluctable et se pose la question de savoir comment nous allons aborder le moment venu ce passage douloureux de la vie vers la mort…
Notre ami a été le patron d’une importante unité de soins palliatifs dans notre région, une unité de fin de vie connue et reconnue pour ses méthodes, il nous a longuement expliqué comment, selon lui, il fallait accompagner le mieux du monde, le moins douloureusement, les patients et les impatients à mettre fin à leurs vies involontairement ou volontairement.
Il nous a certifié à ce moment-là que dans plus de 3 cas sur 4 c’était l’entourage, la famille proche du malade qui décidait de l’euthanasie de son parent souvent inconscient et quand cela était le choix du patient c’est qu’il était épuisé, fatigué, si de plus il subissait d’épuisantes séances de radiothérapie et ou de chimio devenues inefficaces et que les grandes douleurs qu’il traversait étaient terrassantes et que la morphine administrée l’aidait certes à tenir. Il était tout de même au bout du rouleau et souhaitait “en finir au plus vite…”
Au detour de notre échange, il nous a indiqué:
” En effet la radio ou la chimiothérapie vous font vivre et tenir plus longtemps mais les soins palliatifs vous font vivre bien mieux mais pour un peu moins longtemps, c’est une réalité.”
Il faut pouvoir et savoir écouter le malade, lui donner la parole, lui expliquer clairement qu’il peut décider, et respecter sa volonté, ses volontés.
Il nous a raconté l’histoire de ce patient en fin de vie, couché, épuisé, à qui il a demandé quel était son plus vif souhait avant de passer de l’autre côté.
Et son patient de lui répondre:
“Je souhaite avant de mourir partir passer 8 jours au bord de la mer avec mon épouse.”
Notre médecin lui a répondu: “Je peux vous aider à exaucer votre vœu, je vous promets de vous mettre sur pieds et vous donner 8 jours de paix, mais au delà, je ne vous garantis rien.”
Cela fut fait et à son retour de la mer, ce patient s’est éteint en paix auprès des siens.
Écouter, écouter, écouter, aider et acvompagner le plus loin possible…
Vint le moment où nous avons évidement invoqué la question de Dieu, Spinoza, Pascal Descartes et les philosophes grecs sont tous passés par là, puis les positions des religions, panthéistes et monothéistes, les croyances bouddhistes, la grande question philosophique autour de l’absurde, selon Camus, la réincarnation comme possibilité et puis la décorporation, ce phénomène souvent invoqué par des patients revenus de ce tunnel et qui semblaient flotter sur leur propre corps, mais aussi le suicide assisté, l’euthanasie encadrée, et enfin les EMI, Expériences de Mort Imminente et le retour de ces voyageurs de l’eau-delà pour le vin-d’ici ( un peu d’humour tout de même).
Les études autour de ce phénomène sont importantes mais cela reste un vaste sujet à ne surtout pas prendre à la légère car on avance là en terres inconnues …
Un malade en fin de vie a le droit de choisir le moment de sa mort, pas par euthanasie car je suis contre cette pratique, je lui préfère celle de l’accompagnement dans une unité de soins palliatifs … selon mon ami.
ECOUTER, RESPECTER LES VOLONTÉS DU PATIENT ET L’AIDER À CHOISIR LE MOMENT ET LA VOIE DE SA FIN DE VIE…
Étonné, je lui demande: mais comment pouvait-on choisir la voie et qu’entendait-il par le possible choix de la voie de sortie hors l’euthanasie.
Oui il y a le choix selon moi, celui de se savoir condamné et de refuser le chemin qui mène à la mort ou d’accepter le chemin qui mène à notre propre mort.
L’arrivée en Unité de soins palliatifs est trop tardive à mon sens, elle intervient quand il est trop tard et cela est une erreur.
Il faut parallèlement au traitement par chimio ou par radiothérapie accompagner très tôt le patient et soulager ses douleurs dès qu’elles apparaissent et cela n’est pas le cas dans notre système hospitalier déshumanisé qui ne voit que la maladie et ignore souvent le malade.
Monde hospitalier qui minimise souvent ce que dit le patient quand il se plaint de douleurs éprouvantes, douleurs physiques mais aussi douleurs émotionnelles, et il faut soigner et apaiser ces deux douleurs.
Autour de nous, nous avons tous eu des proches qui ont traversé cette période douloureuse, qui nous ont quittés dans la peine et la douleur et d’autres qui ont avancé dans ce chemin en paix et avec beaucoup plus de sérénité…
Toutes ces épreuves nous conduisent à nous interroger sur notre propre fin de vie.
“Et pour moi, si je devais traverser cette épreuve, quel choix ferais-je, qu’est-ce que je souhaite vivre au moment de mourir ?
Quelle décision prendre et à quel moment ?
La conversation s’est prolongée fort tard dans la nuit, et de retour chez nous, je me suis couché et j’ai mis du temps à trouver le sommeil, et depuis je m’interroge comme nous tous.
Et vous qu’en pensez vous ?
© PTAH
Fils d’Alexandrie, de Memphis, de Jérusalem d’Athènes, de Rome et des Lumières…
Marsanne
Décembre 2022
La question des Ehpad et des maltraitances qui y sont parfois commises sur les personnes âgées (et plus encore pendant le confinement) devrait être évoquée : face à la mort aussi on n’est pas tous égaux en droit : on n’apprehende pas la fin de son existence de la même manière si l’on est riche et entouré de gens susceptibles d’apporter du réconfort ou si l’on est pauvre et enferme dans un ehpad dans des conditions indignes parfois sans même pouvoir compter sur un soutien familial. Mourir en étant millionnaire dans un château ce n’est pas DU TOUT la même chose que mourir en étant SDF dans la rue _ et ni la philosophie de Spinoza ni celle de Pascal n’y changent rien.