La coalition Front de salut national estime que Kaïs Saïed a perdu toute légitimité après la très faible participation (8,8 %) au premier tour des élections législatives, samedi.
Le fiasco des élections législatives en Tunisie, marquées samedi par une abstention record de plus de 90 %, est un camouflet pour le président Kaïs Saïed dont l’opposition réclame le départ, et qui se retrouve délégitimisé et très affaibli dans ses négociations avec le FMI autour d’un prêt crucial pour une économie aux abois. « L’échec », titrait dimanche 18 décembre le journal Maghreb.
Le chef de la principale coalition d’opposants, Ahmed Néjib Chebbi, a appelé le président à « quitter ses fonctions immédiatement » après l’annonce d’un taux de participation de seulement 8,8 % au premier tour d’un scrutin organisé pour renouveler le Parlement.
Selon la commission électorale tunisienne, seuls 8,8 % des électeurs, soit quelque 803 000 électeurs sur 9 millions, ont voté. Il s’agit du pire taux de participation à des élections en Tunisie depuis la révolution de 2011 qui avait chassé du pouvoir le dictateur Zine El-Abidine Ben Ali et fait émerger la première démocratie du monde arabe.
« Un grand désaveu populaire »
« C’est un grand désaveu populaire pour le processus », démarré le 25 juillet 2021 quand Kaïs Saïed avait gelé le Parlement et limogé son premier ministre, s’emparant de tous les pouvoirs, a déclaré dimanche Ahmed Néjib Chebbi, le chef de la principale coalition d’opposants en Tunisie. dans un entretien téléphonique avec l’Agence France-Presse.
« 92 % ont tourné le dos à son processus illégal qui bafoue la Constitution », a poursuivi M. Chebbi, président du Front de Salut national (FSN), dont fait partie le mouvement d’inspiration islamiste Ennahdha, bête noire de M. Saïed et ancien parti majoritaire au Parlement pendant les dix ans qui ont suivi la révolution tunisienne de 2011.
Il a appelé les autres formations politiques à « s’entendre sur la nomination d’un haut magistrat » capable de « superviser une nouvelle élection présidentielle ».
Pour le politologue Hamadi Redissi, l’extrêmement faible taux de participation aux législatives « est inattendu car même les prévisions les plus pessimistes tablaient sur 30 % » comme au référendum sur la Constitution. « C’est un désaveu personnel pour M. Saïed qui a décidé tout, tout seul », a ajouté l’expert, estimant que « sa légitimité est en cause ». Toutefois, selon cet expert, « la situation est bloquée », car « il n’existe aucun mécanisme juridique pour destituer le président » dans la nouvelle Constitution de 2022.
Le nouveau Parlement – qui ne sera constitué qu’après un deuxième tour d’ici début mars – n’a pas cette compétence et peut, au mieux, censurer le gouvernement.
Le FSN a lancé un appel à la mobilisation des différentes forces d’opposition, y compris via des manifestations. Mais l’opposition « est faible et divisée » entre d’un côté le camp laïc et progressiste, et de l’autre le FSN coalisé autour d’Ennahdha, a souligné M. Redissi. Il y a « peu de chances qu’elle s’unisse tant qu’on n’aura pas résolu la question Ennahdha », a-t-il ajouté, à propos de cette formation à laquelle une bonne partie des Tunisiens qui soutenaient au début le coup de force de M. Saïed, a imputé les échecs économiques et sociaux de la dernière décennie.
Des Tunisiens très inquiets de la situation économique
Après son coup de force puis la dissolution du Parlement, dénoncés depuis des mois comme « un coup d’Etat » par l’opposition, le président Saïed a fait adopter cet été par référendum une Constitution qui réduit très fortement les prérogatives du Parlement. Il a aussi réformé le mode de scrutin utilisé samedi pour les législatives, en interdisant toute affiliation politique pour les candidats, dont la plupart étaient inconnus, ce qui, pour les experts, a contribué à faire chuter la participation.
La plupart des partis tunisiens dont le Parti destourien libre d’Abir Moussi (opposition anti-islamiste) boycottaient le scrutin de samedi.
Depuis des mois, la crise économique est la préoccupation majeure d’une population très inquiète de la dégradation continue de ses conditions de vie : inflation galopante – près de 10 % –, chômage très élevé, des pénuries récurrentes de lait, de sucre, de riz et un taux de pauvreté qui touche quatre millions des douze millions de Tunisiens.
Le FSN ne s’y est pas trompé en qualifiant aussi de « désaveu » – international cette fois – le report par le Fonds monétaire international (FMI) à début janvier au plus tôt d’un accord définitif sur un nouveau prêt de 2 milliards de dollars, demandé par la Tunisie et qui aurait dû être donné ce lundi 19 décembre.
Des résultats préliminaires de ce premier tour des législatives seront annoncés lundi.
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