Jeanne Leboulleux-Leonardi. Le miracle agricole israélien séduit la Corse

Dimanche 11 décembre, une table ronde clôturait la manifestation Agri’sgiani – le Salon de l’agriculture et de l’artisanat corses. Au menu, un premier débriefing du voyage d’étude organisé en novembre dernier par la Chambre d’Agriculture de Haute-Corse et l’association Terra Eretz Corsica Israël, autour d’un thème : Israël, le miracle agricole. Un débat sur la façon dont ce pays – si proche de la Corse par bien des aspects – traite des problématiques qui sont aussi les nôtres, et qui a mis en évidence des pistes de collaboration et surtout, peut-être, des clés pour le développement de la Corse.

La Directrice de la Chambre de l’agriculture, Hélène Beretti, le Président de l’association Terra Eretz Corsica Israël, Frédéric Bianchi, et Jean-Nicolas Antoniotti, président de l’incubateur d’entreprises Inizià, président également du conseil d’école Paoli Tech

Autour de la table, trois des participants à ce voyage d’étude : la directrice de la chambre, Hélène Beretti, le président de l’association Terra Eretz Corsica Israël, Frédéric Bianchi, et Jean-Nicolas Antoniotti, président de l’incubateur d’entreprises Inizià, président également du conseil d’école Paoli Tech – l’école d’ingénieurs de l’Università di Corsica –, et qui avait pris part à ce voyage en tant que vice-président de la Fondation de l’université.

Dans la salle, un auditoire nombreux, venu de tous horizons, où se retrouvaient notamment d’autres participants au voyage – parmi lesquels le responsable du Crédit Agricole, Aurélien Giovanangeli, le responsable de la production d’eau à l’Office Hydraulique Henri Politi, ou encore le président de l’interprofession laitière Jean-Louis Paoli – des agriculteurs venus pour l’occasion de toute la Corse, une délégation d’enseignants du lycée agricole et bien sûr le maire de Vescovatu, Benoît Bruzzi.

Un diaporama guidait la présentation, rappelant les grandes étapes du voyage : de la réception au ministère de l’agriculture à la visite d’une gigantesque usine de dessalement d’eau de mer, en passant par les rencontres avec le leader mondial de l’irrigation – NETAFIM – et avec six start-ups dédiées à l’agriculture parmi les 1000 que compte le pays, la présentation du modèle viticole israélien ou encore la visite d’un kibboutz et d’un mochav dans le secteur laitier. Au-delà des anecdotes qui ont pimenté cette présentation – le rappel du Dio salvi que les participants avaient entonné dans un téléphérique, la photo d’un des participants lisant Corse- matin allongé sur la Mer morte – et oui ! on flotte ! – , les animateurs ont livré au public attentif une masse impressionnante d’informations glanées au cours de ce voyage, tant sur le thème de la gestion de l’eau que sur celui plus spécifique de l’agriculture.

L’autosuffisance alimentaire : un objectif atteint !

L’objectif d’Israël est l’autosuffisance alimentaire – une thématique qui fait étrangement écho au questionnement qui est celui de la Corse aujourd’hui. Tout dans le pays est focalisé sur cet enjeu stratégique, avec une réussite indéniable – fruits, légumes, produits laitiers, œufs, viande… le nombre de secteurs autosuffisants, voire excédentaires, est impressionnant. Dans un pays au climat difficile, le résultat est spectaculaire : 200 000 hectares irrigués, 14 000 exploitations générant 40 000 emplois et 2,3 milliards de dollars d’exportations, avec une productivité qui ne cesse d’augmenter.
Et pourtant, la pénurie d’eau est une contrainte avec laquelle Israël doit vivre – et même survivre : 1 milliard 200 million de m3 de pluie par an quand la Corse en reçoit 8. Ce n’est pas un hasard si les Israéliens sont les inventeurs du goutte-à-goutte. Ils ont perfectionné le système au point de consommer, en irrigation, 30 à 40 % moins d’eau que les agriculteurs corses, estime Hélène Beretti, alors même que les conditions climatiques sont encore moins favorables que sur notre territoire. 86 % de l’eau utilisée en irrigation correspond, de plus, à des eaux usées retraitées : avec une séparation drastique des réseaux d’eau potable et d’eau recyclée, et une gestion exigeante pour éviter tout risque sanitaire. « Nous sommes des enfants gâtés, constate Jean-Louis Paoli. Nous avons une marge de progression énorme ».

Si la désalinisation de l’eau de mer paraît une solution difficile à mettre en œuvre – Henri Politi souligne le coût énergétique énorme que cela représente –, les autres techniques utilisées par Israël semblent prometteuses : bien sûr, recueillir cette eau qui nous vient du ciel – avec la stratégie déjà retenue par l’Office hydraulique de créations de retenues colinéaires, c’est-à- dire de petits barrages.

Mais pourquoi pas également retraiter les eaux usées ? Jean-Nicolas Antoniotti rappelle l’obligation légale de recueillir les eaux de ruissellements sur les zones artificialisées : des volumes d’eau importants qui pourraient être utilisés en irrigation et qui, aujourd’hui, sont tout simplement jetés… autant dire gaspillés. Au moment où la commission européenne s’apprête à imposer la réutilisation de plus de 20 % des eaux usées – une obligation qui sera effective dans trois ou quatre ans – il serait peut-être intéressant de prendre les devants…

Un fantastique laboratoire


« Israël est un fantastique laboratoire pour nous, estime Jean-Nicolas Antoniotti. Parce que nos situations, sans être identiques, sont comparables. Cette visite nous a permis de voir ce qu’il ne faut surtout pas faire, et également ce que l’on peut faire ».

Peut-être pourrons-nous nous passer de ces fermes de 2000 vaches, en stabulation sous des toitures couvertes de panneaux solaires, des vaches connectées, monitorées en permanence pour suivre leur état sanitaire et leur productivité… D’autres techniques agricoles, en revanche, semblent transposables en Corse : comme les systèmes très performants de goutte-à-gouttes enterrés à 30 cm de profondeur, munis de goutteurs spécifiques pour éviter le bouchage et faciliter l’entretien, avec une technique de buttes assez élevées pour permettre un bon enracinement des plantes. Ou les systèmes d’irrigation par gravité qui pourraient être utilisés dans nos zones de montagne. Toujours pour l’irrigation, les techniques mises en œuvre sous serre parce qu’en Israël, les terres fertiles sont rares… Les agrumes travaillés en mur végétaux, également, qui permettent la mécanisation… ou encore les systèmes antigel, avec un tuyau qui double le goutte-à-goutte et qui déclenche automatiquement une brumisation en fonction de la température de l’air…

Un pays soucieux de sa mémoire mais tourné vers l’avenir

Mais plus que tout, ce qui a marqué les participants, c’est l’état d’esprit de ce pays jeune et dynamique, pour tout dire inspirant : « Nous avons été constamment étonnés par la référence à l’histoire, la capacité à conserver la mémoire et, en même temps, la capacité à se projeter dans l’avenir, analyse Frédéric Bianchi. Comment rebondir en construisant un pays pour ses enfants et ses petits-enfants. C’est la force de ce pays d’être toujours tourné vers la construction de l’avenir ». « En tant qu’ingénieur, ajoute Jean-Nicolas Antoniotti, je savais que l’écosystème israélien de la technologie et de l’innovation était le plus puissant du monde. Mais la réalité était cinq fois supérieure à ce que j’imaginais ! Ces rencontres que nous avons faites au Technion d’Haïfa et à l’université de Tel-Aviv où nous avons reçu un accueil enthousiaste ! Je suis fils de berger, même si je me suis éloigné du monde de l’agriculture. Et bien la qualité de l’agriculture qu’on a découverte en Israël m’a enthousiasmé ! » Et David Harari, cet homme impressionnant de 83 ans, ancien patron de l’agence spatiale d’Israël et inventeur du drone, la leur a présentée comme « un secteur fondamental relevant de la high-tech ».

Des pistes de collaboration

La Chambre d’Agriculture prévoit de réaliser un document de synthèse qui rassemblera les enseignements de ce voyage, et d’organiser des ateliers avec les professionnels pour aller plus loin. Car bien sûr, il n’est pas question de s’arrêter en si bon chemin. Les hôtes israéliens ont été impressionnés par la qualité de la délégation : « Les premiers retours que j’ai, sont très positifs », indique Frédéric Bianchi, qui précise que, déjà, il a reçu plusieurs demandes de coopération et de partenariat avec l’agriculture corse.
Des pistes vont être explorées : une rencontre avec la Chambre de commerce d’Israël est prévue dans les jours qui viennent pour étudier la possibilité d’ouvrir un débouché pour l’agneau corse en Israël. Par ailleurs, l’Institut Volcani – INRAE israélien – a également fait savoir qu’il était intéressé par une collaboration en matière de recherche en agrumiculture.

Créer des ponts dans le monde de la formation

Enfin, des contacts ont été pris pour créer des échanges d’étudiants. C’est d’autant plus intéressant que l’université travaille au développement d’une filière d’ingénieurs agricoles à Corte. « Qu’il n’y ait pas eu d’université en Corse depuis 230 ans, c’est la plus grande injustice qui ait été commise vis-à-vis de la Corse, estime le vice-président de la Fondation de l’université. Et la chance de la Corse, ç’a été la création de l’université il y a quarante ans, et de l’école d’ingénieurs il y a dix ans. C’est ce qui fait qu’il y a des cadres aujourd’hui présents dans l’économie corse. Il faut miser sur la formation, pour l’avenir ! »

Aussi, à la rentrée, il entend bien reprendre contact avec l’université de Tel Aviv et pourquoi pas, créer des semestres universitaires en partenariat avec elle. Dès 2023, une quinzaine ou une vingtaine d’étudiants partiront en Israël, avec l’association Terra Eretz Corsica Israël, pour visiter des incubateurs, des écoles d’ingénieurs, de grandes start-ups… « On va aller très vite ». La réactivité sera en effet un facteur essentiel si l’on veut réussir la transformation et concrétiser ces belles perspectives.

Le miracle agricole israélien séduit la Corse!

© Jeanne Leboulleux-Leonardi

https://www.corsenetinfos.corsica/Le-miracle-agricole-israelien-seduit-la-Corse_a68523.html

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2 Comments

  1. lire mémoires juives de la Corse par Didier Long qui montre que plusieurs villes cotiéres Porto vecchio, Ajaccio ont été créées par des marranes. Un village comme Korshia le plus haut et le plus isolé de Corse a une église avec de multiples étoiles de David. Sans compter que Pascal Paoli a demandé aux Juifs de venir pour dynamiser l’économie.Des noms comme BESSI (BESSIS ) MEMMI (MEMMI) ZERBI (ZERBIB) ,
    MANONI, ZUCARELLI ,SIMEONI ( La mére du président corse est une juive ashkénaze)
    SAULI, EMANUELLI, JACOBI etc ….

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