

Attention ! Warning ! Je suis juive et alors ? Ça vous dérange à ce point ?
J’avais commencé la semaine dans les puces. Une invasion, une infection.
Mais non pas celle d’un smartphone, les autres, les vivantes, les emmerdeuses première classe et internationales.
Celles qui recouvraient les douze pattes et de fait s’attaquaient aussi à tous ceux qui les approchaient.
Ni une ni deux. Prosper youp la boum (c’est bon vous avez l’air dans la tête ? Mais non faites pas la tronche, air ce n’est pas airbag, c’est mélodie), nous allons chez le vétérinaire.
Mais, c’est du racket. J’ignorais qu’il fallait être milliardaire quand on a des animaux ! C’est dingue (lire ce dernier mot avec la voix de Clavier dans « les visiteurs » et ajoutez ok, c’est la réplique exacte).
Où en étais-je ? Mais non ni à mes moutons ou mes dindons mais à mes amours à quatre pattes.
Trois cents euros M’dame Félie.
C’est pourtant pas la traversée de mon bord de mer.
Dame Félie, 5 avenue des pattes de velours, trois cents euros.
Ça fait mal au portefeuille. Ça c’est du brutal !
Ça sous-entend le découvert annoncé.
Bref, leur santé etc. Finissez la phrase comme vous le voule voule.
Mais, ça c’était l’amuse bouche.
On peut faire plus fort. Promis, juré, craché.
Depuis quelque temps, je m’amuse à la marchande. Je vends sur un site de revente bien connu tout ce dont je ne veux plus avant mon déménagement.
J’ai du pif, normal me direz-vous, c’est à cela qu’on nous reconnaît comme le dit justement le titre du film d’Yvan Atall « Ils sont partout » donc nous sommes partout.
Mettant en ligne des fringues de luxe, il faut montrer patte blanche, j’apporte les preuves de l’authenticité des vêtements et pour voir (on pourrait dire que je l’ai cherché), je fais un résumé de ma pomme et annonce ma chronique du dimanche, ici.
Ça n’a pas traîné. Ni une ni deux.
Hop bloqué, compte fermé et menaces si j’en crée un autre.
Ils ont recommencé ces cons. Les insultes, les « sale juive » (il faudrait m’expliquer pourquoi l’adjectif sale est systématique employé, sale, ben non, je suis propre comme gonzesse).
Finalement, le net est le lieu parfait du harcèlement et de la délation. On prend des faux profils, des brouilleurs d’adresses IP et on se croit à l’abri de tout.
Grossière erreur. Personne n’est à l’abri de tout. En particulier à l’écrit, les fautes de français récurrentes mettent sur des pistes ainsi que le vocabulaire employé.
J’espérais que nous n’en arriverions pas à ce point de haine, à cet antisémitisme affiché et revendiqué. À ces théories complotistes, à ce révisionnisme.
Goût amer dans la bouche.
Colère froide. Grande tristesse aussi.
Est-ce que c’est en train réellement de recommencer ?
Moi, vous commencez à me connaître, slave un jour, slave toujours.
Je me fends d’une missive digne d’un manuel scolaire.
L’injustice déjà je supporte pas mais être traitée de voleuse.
Vous imaginez mon état aisément.
Partout, ils nous traquent. Oui un Juif peut en cacher une autre.
Votre haine n’égalera jamais ni mon dégoût, ni ma hargne.
Je suis juive et alors ?
Ça vous dérange ?
Changez de trottoir !
© Felicia-France Doumayrenc
Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.