

La généticienne Alexandra Henrion-Caude et l’intervenant en Thérapie sociale Yves Lusson, que Tribune juive a suivis régulièrement, en appellent conjointement à restaurer l’esprit français partout dans le pays, pour pouvoir sortir de la désespérance, du mépris, parfois de la haine qui détruisent notre société́ depuis mars 2020.
21 novembre 2022. Nous apprenons que Karine, 37 ans, a mis fin à ses jours. Nous l’enveloppons de toutes nos prières, elle et les siens… Maman de deux enfants, de 7 ans et 3 ans, cette soignante suspendue depuis septembre 2021 était en grande difficulté financière et en réelle détresse psychologique.
Sa disparition nous plonge dans un abîme de désolation et de perplexité. Certains la comptabiliseront parmi les victimes de la « crise sanitaire ». Elle nous renvoie en tous cas le miroir de notre propre honte. Une honte nationale, collective et individuelle : celle de tout silence quand il se fait complice de l’intolérable.
Ces soignants « suspendus »!
« Suspendu » ? Pour beaucoup de Français, ce mot ne signifie pas grand-chose. Faut-il toujours attendre le drame pour communiquer entre nous ? Ce mot « suspendu » a de quoi anéantir. Car il condamne ceux qui le portent à une sentence de « Sans Travail à Durée Indéterminée ». Un STDI : sans travail, sans chômage, et sadisme ultime : sans même pouvoir trouver un autre emploi… Mais aussi sans tous ces patients à soigner, sans toutes ces personnes à secourir… Et chaque jour, depuis déjà̀ 436 jours, notre France s’enlise dans l’immobilisme du refus de LA solution. Celle scellée dans nos valeurs : LA LIBERTE. Et donc également la liberté de refuser tout acte médical…
10 octobre 2022. Par son audition en Commission Européenne, Pfizer nous apporte des éléments qui nous rassurent sur le fait qu’il n’y a bien aucun risque à réintégrer ces soignants et suspendus. Aucun puisque ces vaccins n’empêchent pas la transmission, et qu’ils n’ont d’ailleurs jamais été supposés le faire. Côté collègues, le retour des « suspendus » serait accueilli d’un grand soulagement, surtout aux abords de la crise hivernale, mais aussi en raison du sentiment collectif de mauvaise conscience. Ainsi, il semble bien que le seul frein rencontré soit purement administratif, puisqu’il faut, pour les réintégrer, admettre l’erreur qui consiste à avoir inventé cette mesure punitive. Si la Belgique n’a jamais osé l’appliquer, et si l’Etat de New York, l’Italie et la Grèce s’en sont sortis, alors nous pouvons le faire sans attendre d’autres victimes. Pour toute société, c’est un impératif éthique que de réparer l’injustice. Et c’est aussi, dans le cas présent, un impératif pragmatique face au pic hivernal attendu comme chaque année.
Et pendant tout ce temps, les médias ne cessent de nous enfermer dans des cages aux « phobes », aux « istes » , aux « pro », aux « anti », aux « sceptiques », si bien que, telle une leçon bien apprise, ces noms d’oiseaux sont repris en chœur dans les foyers, où chacun se replie en toute logique dans sa bulle de croyances, dans un parfait cloisonnement des informations… Les sujets qui fâchent sont mis sous le tapis. En débattre est devenu tabou. Nous n’avons jamais été autant divisés, parfois au sein des couples et des familles. Indifférence, haine et désespérance sapent le moral et détruisent nos liens.
Les Cafés Gaulois
Il nous faut d’urgence sortir des « boites à peurs » dans lesquelles nous sommes enfermés. C’est une question de survie.
C’est aussi notre culture. L’esprit des émissions de Polac, des blagues de Coluche, des répliques piquantes de Jean d’Ormesson, des bons mots de Pierre Dac, de la tirade de Molière, médecin contemporain qui aurait probablement réactualisé « Le poumon, le poumon vous dis-je ! » en « Le Covid, le Covid vous dis-je ».
Alors, aujourd’hui, où exprimons-nous cet amour bien français de pouvoir dire ce qu’on en pense, surtout quand on n’en pense pas moins ? A nous servir mutuellement de garde-fous, on évite de se perdre dans nos illusions et nos mensonges. C’est aussi cela l’esprit du Café́ du commerce, des remarques de bon sens débitées au comptoir. Des exclamations lancées en plein village d’Astérix : « Il est pas frais mon poisson » ?! Bref, l’esprit du Gaulois réfractaire.
A l’appel d’Alexandra, des chaines humaines ont contribué, en leur temps, à retisser de nombreux liens. En pleine actualité, parce qu’il ose traiter de sujets qui fâchent, le film de Gad Elmaleh remet au centre du village l’importance de la famille pour dépasser nos incompréhensions mutuelles. Yves propose ici, dans le sillage des appels répétés de Charles Rojzman, l’inventeur de la Thérapie sociale, de créer des « rencontres conflictuelles entre les Français », de nous retrouver ci et là à des « Cafés Gaulois ».
Lors de ces Cafés*, chacun aura son « droit de réponse », du temps pour pouvoir partager librement ses sentiments les plus personnels, ses états d’âme et ses coups de gueule, ou tout simplement, pourra être libre de ne rien dire du tout, et d’écouter. Et c’est ainsi qu’au lieu de nous éviter, ou au contraire de nous affronter de façon stérile et violente – et au final de nous diviser durablement -, nous pourrons enfin trouver de quoi nous mettre tous ensemble en ordre de bataille pour pouvoir faire face aux incohérences, aux pénuries, aux manquements, bref de quoi reconstruire notre beau pays, petit à petit, foyer par foyer, quartier par quartier, commune par commune, institution par institution.
De quoi restaurer l’Esprit français. Pour mieux construire demain : en liberté́ de pensée par notre liberté́ d’expression.
© Dr Alexandra Henrion-Caude, généticienne, ancienne directrice de recherche à l’Inserm
Yves Lusson, intervenant en Thérapie sociale TST (formé par l’Institut Charles Rojzman), animateur de rencontres conflictuelles
*Les Cafés Gaulois seront des cellules de rencontres sécurisées par des professionnels spécialement formés, où selon une méthode largement éprouvée, les peurs seront suffisamment calmées pour pouvoir faire vivre nos nécessaires conflits constructifs, sans tabou ni aucune autres règle de bienséance que celles de la liberté d’expression et de la confidentialité.