Philippe Bilger. Il ne faut plus économiser ses indignations!

Le présent est trop riche en horreurs pour qu’on ne s’en indigne pas!

Philippe Bilger. Photo Coret. Photos/SIPA

Philippe Bilger nous convainc de nous indigner plus souvent en réponse à un présent plein de noirceur et à un futur pire encore.


Questionné si souvent sur un nouveau crime, une autre tragédie, j’avais tendance à mesurer mon indignation. Je soulignais que demain serait pire à cause, notamment, de l’inventivité de la malfaisance et des méfaits renouvelés de l’intolérance…

Dorénavant, cette attitude de ma part ne serait plus admissible. Le présent est en effet trop riche en horreurs et en scandales pour qu’on puisse s’en distraire en allant vers un futur qui serait encore plus sombre.

Tout, bien sûr, n’est pas à mettre sur le même plan dans cette réalité qui nous accable, nous émeut, nous choque depuis plusieurs jours.

Non, le viol et le meurtre de Lola ne sont pas un fait divers mais une tragédie criminelle, un phénomène social et un dysfonctionnement politique. Je ne partage pas ce que j’ai cru sentir de minimisation, par volonté idéologique, dans la bouche de Stéphane Troussel (président Parti Socialiste de la Seine-Saint-Denis) à la Matinale, le 21 octobre, sur Sud Radio.

Non, il n’est pas normal que le directeur de la rédaction du Livre Noir ait été violemment frappé, le visage en sang, par des antifas parce qu’il avait participé à une manifestation pour rendre hommage à Lola (Orange). La véritable indignité se trouve là, alors que ce rassemblement n’était absolument pas contraire à la dignité souhaitée par les parents de la malheureuse petite victime.

Oui, je dois reconnaître que le ministre de l’Intérieur a été d’une infinie patience et d’une méritoire courtoisie face à la journaliste Nadiya Lazzouni, ayant le front de comparer le sort des jeunes femmes tuées et blessées en Iran parce qu’elles refusaient de porter le voile, avec les Françaises le réclamant sans aucun risque pour elles (Face à Baba).

Non, il n’était pas acceptable d’entendre Serge Klarsfeld questionné sur le mode inquisiteur par Sonia Devillers (France Inter) au prétexte qu’il avait énoncé cette évidence qu’un parti pouvait changer et qu’en tout cas des courants pouvaient être plus acceptables que d’autres. Le concept de grand remplacement peut être qualifié d’absurdité mais il demeure dans le registre social et politique : il n’a pas à être stigmatisé comme une faute morale. Certains adversaires du Rassemblement National me donnent l’étrange impression de considérer comme une catastrophe l’évolution positive au sein de ce parti, comme si on les privait alors de leur haine quotidienne !

Je continue à trouver choquante cette notion d’arc républicain répudiant des députés républicains dans le sens où leur élection à l’Assemblée nationale vaut largement en qualité et en dignité celle des parlementaires agréés par le pouvoir.

Pour terminer, je voudrais m’attacher à la dénonciation d’un vrai déni démocratique. Non pas l’utilisation du 49-3, même si je concède à ma grande honte que le bouleversement apporté par une motion de censure votée par des oppositions antagonistes ne m’aurait pas forcément déplu.

Mais je comprends les prudents demeurant chacun dans leur case parlementaire. Le 49-3 est survenu dans des conditions qui ne sont pas, il convient de l’admettre, déshonorantes de la part du pouvoir. Il y a eu un moment où il était devenu nécessaire.

L’authentique déni démocratique, en revanche, a été dans l’exclusion par principe de tous les amendements La France insoumise et Rassemblement National. Quel mépris !

Certains, d’abord, étaient sans doute pertinents.

Et je continue à trouver choquante cette notion d’arc républicain répudiant des députés républicains dans le sens où leur élection à l’Assemblée nationale vaut largement en qualité et en dignité celle des parlementaires agréés par le pouvoir.

J’espère qu’on partagera mon sentiment : raréfier ses indignations, dans ce monde et dans notre France, relèverait d’une économie inutile.

© Philippe Bilger

https://www.causeur.fr/il-ne-faut-plus-economiser-ses-indignations-245437

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

  1. Le viol et le meurtre de Lola sont un véritable crime d’Etat (tout comme beaucoup d’autres) en ce sens où il est le fruit d’une politique et d’une propagande d’Etat fondamentalement racistes et anti humanistes.
    Mon cœur saigne et l’Etat français a toute ma haine.

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*