La saga des Galeries Lafayette ou l’itinéraire fulgurant de deux Juifs alsaciens. Les israéliens qui visitent les Galeries Lafayette ignorent l’histoire juive de cette enseigne.
Théophile Bader est né à Dambach-la-Ville en Alsace en 1864, dans une famille juive locale. Monté à Paris, à l’automne 1893, passant en omnibus boulevard Haussmann, il remarque une pancarte « bail à céder » au coin de la rue Lafayette et de la rue de la Chaussée d’Antin, dans le IXe arrondissement. Le propriétaire cède le bail à Théophile Bader. Celui-ci peut alors concrétiser avec son cousin Alphonse Kahn, lui aussi Juif alsacien natif de Kolbscheim, le projet de s’associer en vue d’ouvrir un magasin de nouveautés à cet emplacement.
Le 13 décembre suivant, les 2 hommes forment une société en nom collectif sous la raison sociale : « Alphonse Kahn et compagnie ». Dans les premiers jours de 1894, les deux commerçants réalisent leur rêve en ouvrant une boutique de frivolités de 70 mètres carrés sous l’enseigne « Les Galeries ».
Il s’agit en fait d’une petite mercerie, une boutique de fournitures pour mode et couture sise au numéro 1 de la rue Lafayette. En se spécialisant dans la vente de mercerie, tissus, dentelles, rubans et colifichets, le magasin se singularise et affirme ainsi sa vocation première de se lancer dans la mode et la nouveauté.
Le 21 décembre 1896, la société Kahn & Bader achète la totalité de l’immeuble du 1 rue Lafayette et en devient propriétaire.
Le 1e septembre 1899, l’entreprise Kahn & Bader se change en société anonyme et prend le nom de « Galeries Lafayette », dernier des grands magasins parisiens à être fondé dans la capitale française. Il est le plus innovant, le plus mode, le plus entreprenant.
Sur la façade de la rue Lafayette s’étale une immense banderole proclamant : » Les Galeries Lafayette, maison vendant le meilleur marché de tout Paris « .
Gal-FaLe succès est vite au rendez-vous grâce aux méthodes reprises des autres grands magasins et qui font leur fortune : assortiment large et varié, prix fixes et affichés, possibilité pour la clientèle de toucher, essayer et comparer librement. Bientôt, le Grand Magasin est surnommé « Galeries farfouillettes ».
Si le pari est audacieux, l’emplacement est idéal : la proximité de l’Opéra et des Grands boulevards, la gare Saint-Lazare récemment achevée et les commerces avoisinants attirent dans ce quartier une foule de Parisiens et de provinciaux. Rapidement, le magasin séduit grandes bourgeoises, employées de bureaux et ouvrières de couture. Le concept développé par Théophile Bader est celui d’un » bazar » de grand luxe dont l’abondance et l’opulence des marchandises feraient tourner la tête aux clientes.
En 1904, changement de taille avec l’acquisition des 38-40-42, boulevard Haussmann et du 15 Chaussée d’Antin, actuel emplacement du magasin.
Dès le début du XXe siècle, les Galeries Lafayette ont leurs propres ateliers de fabrication de confection afin de démocratiser les toilettes les plus en vue du moment. Des unités de production fabriquent en exclusivité pour le magasin. Bader sait que la mode, les goûts et les envies de ses clientes passent vite. Afin de se démarquer de ses concurrents, il est l’un des premiers à vendre dans son grand magasin des copies de modèles haute couture, accessibles au plus grand nombre.
Sa méthode est complètement originale pour l’époque : il va aux courses et à l’Opéra, toujours accompagné d’une dessinatrice qui copie discrètement les toilettes des « élégantes ». Elles sont ensuite réalisées dans ses ateliers avec des adaptations dans les plus brefs délais. Ainsi, les modèles sont proposés quelques jours plus tard à ses clientes.
Théophile Bader est donc en quelque sorte à l’origine de ce que l’on appelle le prêt-à-porter mis à disposition de toutes les bourses. La démocratisation de la mode est en marche et le succès est au rendez-vous.
En 1912, Alphonse Kahn, malade, vend ses parts à Théophile Bader. En octobre de cette même année, le nouveau magasin est inauguré. Constamment, il tente de diversifier son offre.
Le nouvel établissement est composé de 96 rayons, d’un salon de thé, d’une bibliothèque et d’un salon de coiffure. Il a 5 étages, des balcons, une grande coupole ainsi qu’un majestueux escalier d’honneur digne de l’Opéra, tout en fer forgé. Selon les vœux de Théophile Bader, une lumière dorée, venant de la coupole, inonde le grand hall et fait scintiller la marchandise. Au sommet du bâtiment, une terrasse permet de découvrir Paris. Les vitrines jouent un grand rôle dans cette mise en scène : elles doivent éveiller toutes les envies et tous les désirs. Tout est fait pour que le client se sente bien et ait envie d’acheter. Le magasin est tout entier voué à la nouveauté et à la mode.
De 1916 à 1926, les Galeries Lafayette s’implantent en province, à Nice, Lyon, Nantes et Montpellier.
Durant les années 20, Théophile Bader tente d’étendre son activité à d’autres pays mais il rencontre toutefois un succès limité.
Il investit personnellement dans plusieurs entreprises, notamment Monoprix, enseigne qu’il crée en 1930.
Mais en juin 1940, les affiches « entreprise juive » sont apposées sur les vitrines du magasin par les autorités d’occupation. Théophile Bader meurt à Paris en 1942. L’entreprise est reprise par ses gendres, Max Heilbronn et Raoul Meyer. Le premier, déporté comme résistant à Buchenwald reviendra en 1945. Raoul Meyer, réfugié en zone sud, prendra part à la libération de Paris en 1944.
Robert Levy, beau frère de Bader et directeur général des Galeries Lafayette, ainsi que son épouse Blanche, seront déportés le 3 octobre 1943 et assassinés à Auschwitz.
Aujourd’hui, les Galeries Lafayette sont toujours dirigées par les familles du fondateur. En un siècle, elles sont devenues un des groupes phares de la distribution avec 35.000 collaborateurs et ont intégré diverses enseignes : Inno, Nouvelles Galeries, BHV, Uniprix et Prisunic.
Les Galeries Lafayette sont reconnues à travers le monde entier comme le phare de l’élégance et du bon goût français. Son architecture monumentale en fait un lieu touristique incontournable de Paris.
Oui, il se passe toujours quelque chose aux Galeries Lafayette !
© Noémie Grynberg / Israel Magazine
N est ce pas la meme famille qui a cree “‘Les dames de France”,enseigne qui a reussi a habiller dans nos montagnes les personnes qui “allaient a la ville” deux ou trois fois dans leur vie pour s acheter les “habits du dimanche”?
Que dire si ce n’est que les fondateurs ont bénéficié de deux choses, du nez et de la chance.