Ces dernières semaines, il a été beaucoup question de « style neutre », et apparemment il permettrait même d’obtenir un Nobel de littérature.
J’avais 2 heures devant moi.
Le contrôle technique de ma voiture.
Je me suis installé dans un bistrot en face du garage avec un Simenon, « L’homme de Londres ». Quand Maigret s’installe dans un bistrot, il commande en général une fine ou une bière, pour moi ça sera café et tartines.
Simenon, en deux phrases, sait planter le décor et dessiner ses personnages. Sans fioritures, sans envolées lyriques ou psychologiques.
Le style est neutre, mais on est, d’emblée dans le vivant. L’histoire nous happe immédiatement.
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Louis Maloin est aiguilleur à la gare maritime de Dieppe. Il travaille de nuit. Du haut de sa tour métallique qui surplombe le port, il a une vue sur la mer, les bateaux en provenance de Newhaven, et la ville, son bar et sa boîte de nuit pour touristes.
Nous sommes en novembre, il fait déjà froid, le brouillard tombe dès le milieu d’après-midi. Pour se réchauffer et ne pas s’endormir, Malouin fume des pipes, boit du café auquel il rajoute de l’eau-de-vie.
Une nuit, comme une autre, du haut de son poste d’observation, il est témoin d’un crime.
Un homme est jeté dans un des bassins du port.
Malouin est un taiseux.
Il ne dira rien. Il comprend que ce crime peut lui rapporter. Peut lui permettre de quitter sa condition de cheminot, de quitter définitivement Dieppe, sa bruine incessante et ses brouillards.
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Simenon ne raconte pas sa vie, il raconte des vies. Il ne fait pas du sociologique, et n’écrit aucune thèse, ne prend pas parti, il se contente de raconter une histoire.
C’est un immense écrivain.
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Le contrôle technique de ma voiture s’est bien passé, juste l’alignement des feux brouillard à régler. Si l’envie me prenait d’aller à Dieppe…
© Daniel Sarfati
De votre expérience, Daniel Sarfati, on peut conclure que le mot “neutre” n’est pas suffisant ou n’est pas adapté pour décrire à lui tout seul le style de Madame Ernaux.
Comme vous l’écrivez, Simenon, lui, est “neutre” mais n’est pas pour autant “ennuyeux”. Ses écrits sont très vivants et captivants. Ce n’est pas le cas de Mme Ernaux.