Samuel Paty : Du djihadisme d’atmosphère à la décapitation. Deux ans après, quel bilan ?

Samuel Paty : Du djihadisme d’atmosphère à la décapitation. Deux ans après, quel bilan ?

@Tchetchene_270 : « Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux, De Abdullah, le Serviteur d’Allah, À (Macron), le dirigeant des infidèles, j’ai exécuté un de tes chiens de l’enfer qui a osé rabaisser Muhammad (Sal’am), calme ses semblables avant qu’on ne vous inflige un dur châtiments »

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire, géographie et instruction civique au collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, venait de se faire décapiter devant son établissement par un tchétchène de 18 ans bénéficiant  avec sa famille de l’accueil de la France. 

En France, 5 ans après les attentats de Charlie, un professeur venait de se faire décapiter pour avoir montré les caricatures de ce même journal satirique. Décapité, pour avoir montré des dessins invitant les élèves à prendre du recul et de la hauteur sur leurs propres croyances. L’esprit critique, que voulait inculquer Samuel Paty, est né au cœur de l’époque moderne portée par des auteurs comme Descartes ou Pascal. Humanisme, Droit de l’homme, laïcité… tous ces concepts -fruit de cette modernité et trouvant leur apogée à l’époque des Lumières- raisonnent encore en France. Ils renaissent en nous quand on observe les ukrainiens résister face à l’ours Russe. Quand on observe, impuissant, le courage de ces femmes iraniennes ôter leur voile défiant le patriarcat islamique au péril de leur propre vie. 

Ce terroriste islamiste n’a pas seulement décapité un professeur. Il a décapité avec lui des siècles de notre histoire. 

Samuel Paty victime du djihadisme d’atmosphère

Qu’est-ce que le Djihadisme d’atmosphère théorisé par le professeur et spécialiste de l’islam Gilles Kepel? 

Al-Qaïda et ses attentats spectaculaires aux Etats-Unis et en Europe , Daesh et son commando du 13 novembre qui a impliqué des individus sur plusieurs pays allant de la Belgique à la Syrie. Si ces menaces ne sont pas éteintes, le terrorisme est entré dans une nouvelle génération, moins spectaculaire mais beaucoup plus inquiétante. Celle du djihadisme d’atmosphère. 

Pour Gilles Kepel, nous sommes dans la quatrième génération des terroristes islamistes : « Elle est structurellement liée à la propagation de messages de mobilisation sur les réseaux sociaux déclenchant le passage à l’acte criminel, et ne nécessite plus d’appartenance préalable du meurtrier à une organisation pyramidale ».[1]

Pour bien illustrer ce qu’est le djihadisme d’atmosphère, il faut revenir sur les éléments qui ont conduit à la décapitation de Samuel Paty. 

Brahim Chnina, père d’une élève du collège, a repris les mensonges de sa fille pour poster sur Facebook le nom du professeur, racontant que celui-ci aurait exclu les élèves musulmans de la classe avant de montrer des images du prophète « nu ». Par la suite, Abdelhakim Séfrioui, un prédicateur islamiste, reprend ce mensonge pour le diffuser dans son cercle. Suivant de près le prédicateur islamiste, le tueur Tchétchène et déjà bien radicalisé par son milieu d’origine, n’avait plus qu’à passer à l’acte et devenir un héros au sein de sa communauté. 

Le djihadisme d’atmosphère, c’est le règne progressif dans certains de nos territoires : du prédicateur islamiste sur le professeur, du bigot islamisé sur l’individu doté d’un esprit critique, de la charia (loi islamique) sur les lois de la République. C’est un terrain hostile qui s’installe progressivement et qui encourage le passage à l’acte. 

Ce djihadisme d’atmosphère se nourrit de nos renoncements et de nos aveuglements. Le renoncement de l’assimilation a créé des fractures culturelles. L’immigration anarchique, en majorité venant du Maghreb et du Sahel, a créé des ghettos ethniques et criminogènes qui mettent à mal la fable bourgeoise des années 80 qui veut nous faire croire, encore aujourd’hui, que l’immigration est une chance et un enrichissement pour nous. Ce même bourgeois moralisateur qui pratique désormais la stratégie de l’évitement pour échapper aux ravages qu’il a provoqué : contournement de la carte scolaire, création de ghetto de riches au prix du m2 indécent… 

L’aveuglement face à la nature profondément rétrograde de l’islam ; qui nous a poussés à disqualifier de nombreux penseurs et écrivains : Bernard Rougier, Gilles Kepel, Alexandre Del Valle, Boualem Sansal, ou encore un Michel Houellebecq avec son roman Soumission. Tous ont été désignés comme des islamophobes. Et pourtant ils avaient raison, partout où l’islam s’exprime dans la sphère sociale, le droit des femmes recule, la liberté d’expression rétrécie et la démocratie est rejetée…  

S’il est vrai que les immigrés acceptent plus facilement le « sale boulot » que les Français ne veulent plus faire (les tchétchènes sont très présents dans les sociétés de sécurité), ce dernier est aussi un individu doté d’une histoire, d’une culture, d’un système de valeur, qui parfois, rentre en contradiction avec le nôtre. Les régions et pays musulmans n’ont pas fait le travail de sécularisation qu’ont fait nos sociétés laïques. La charia y est encore appliquée à divers degrés et le blasphème peut être encore gravement puni, quand chez nous, cette condamnation n’existe plus depuis 1881. Au Pakistan, il arrive que des gens soient lynchés à mort par des foules haineuses sur de simples accusations de blasphème. 

Deux ans après, l’Ecole plus que jamais exposée au djihadisme d’atmosphère. 

Loi contre le séparatisme renforçant les pouvoirs du Préfet dans la lutte contre le séparatisme, dissolution de groupuscules islamistes tels que Baraka City et le CCIF pour les plus actifs, fermetures de mosquées radicalisées et expulsions d’imams radicalisés. L’État a montré des signes de prise de conscience avec plus ou moins de succès. L’ennemi n’est plus exogène et potentiellement infiltré, l’ennemi est désormais endogène et échappe souvent aux services de renseignement. L’État réagit, mais le poison de l’islamisme est beaucoup trop ancré pour procéder par petites touches. L’islamisme qui était un mal des pays musulmans, est désormais un mal français.

Les renseignements estiment qu’il y aurait en France plus de 8 000 personnes radicalisées.[2]Un an après la mort de Samuel Paty, Ils avaient transmis une note au gouvernement disant que de nombreux musulmans modérés glissaient progressivement chez les fondamentalistes : « Là, on n’est plus face à quelques individus à surveiller. Désormais, on affronte des masses qui veulent nous détruire », précise un autre spécialiste, qui ajoute : « Les saillies d’Erdogan contre la France, qu’il juge islamophobe et raciste, ont eu un impact considérable sur le territoire français. »[3]

Dans ce contexte dégradé l’Ecole se trouve en première ligne et là aussi les chiffres sont effrayants : 57% des jeunes musulmans considèrent que la charia est plus importante que la loi de la République. Un chiffre décorrélé des autres sondés qui pratiqueraient un autre culte.[4]

Cette radicalisation chez les jeunes musulmans se ressent fortement aujourd’hui. En Septembre 2022, 313 signalements ont été effectués auprès des services du ministère de l’Éducation nationale concernant les atteintes à la laïcité dans les écoles, collèges et lycées. 

En top de ces atteintes, 54% concernent le port de vêtements islamiques : abayas pour les femmes et qamis pour les hommes. Le port du voile est une autre composante majeure de ces signalements. Cette hausse des signalements fait suite notamment à une offensive sur TikTok de prédicateurs et prédicatrices (« influenceuses » voile) islamistes appelant à désobéir à la loi de 2004 qui interdit le port de signes religieux ostensibles à l’école.  

Cette ambiance renforce le djihadisme d’atmosphère. Des professeurs se font encore menacer de mort pour avoir parlé de Mahomet ou simplement pour avoir voulu faire respecter la loi de 2004. La gauche, plus prompte à dénoncer le virilisme des barbecues ou à chasser les « terfs » de ses manifestations, est totalement absente de cette lutte. Pire, elle renforce le discours des islamistes auprès des jeunes en considérant que les revendications des bigots musulmans doivent être entendus, traitant tous les opposants d’islamophobes.  Le bigot islamisé a remplacé le prolétaire blanc.

Les derniers faits sont éloquents et le parallèle avec Samuel Paty nous laisse imaginer le pire pour l’avenir: 

–  Le 10 octobre, un professeur d’histoire- géographie du lycée Georges-Brassens d’Evry- Courcouronnes dans l’Essonne a été visé par des menaces de mort dans une lettre anonyme : « Le sale juif doit arrêter de faire le malin » , « On va lui faire une Samuel Paty à lui et son père le vieux rabbin sioniste » , « Les juifs on n’en veut pas dans les lycées, restez dans vos synagogues ».[5]

–  Le 12 octobre 2022, un professeur a subi des menaces de mort de la part de l’oncle d’une de ses élèves, après avoir abordé en classe la liberté d’expression, les caricatures de Mahomet et Charlie Hebdo. L’histoire n’est pas loin de se répéter.[6]

Les professeurs menacés et lâchement abandonnés par leur hiérarchie sont nombreux ; à l’image de Didier Lemaire, un hussard noir de la république comme on en voudrait plus dans nos écoles. Il a fini par abandonner l’enseignement tellement la tâche est vaine, préférant prendre la plume et se poser plus efficacement comme lanceur d’alerte.   

Aujourd’hui le bilan est clair. La situation est pire qu’en 2020. Il ne s’agit plus de savoir s’il va y avoir un nouveau drame. Il s’agit désormais de savoir, quand celui-ci va subvenir. 

© Ecrelinf

Diplômé de droit international à l’Université de Bordeaux, je vis désormais sur Paris. Passionné par l’histoire et la politique , je suis un fervent défenseur de la Vème République. Mais je suis surtout un patriote qui aime la France pour sa singularité et sa richesse historique.

https://les-cordeliers.org/articles/samuel-paty-du-djihadisme-datmosphere-a-la-decapitation-deux-ans-apres-quel-bilan

« Les Cordeliers s’engagent pour défendre les principes issus de la Révolution française : République, laïcité, égalité, liberté, démocratie, peuple, souveraineté. »


NOTES

[1] Gilles Kepel « Le Prophète et la Pandémie- Du Moyen-Orient au Jihadisme d’atmosphère » Galliamrd 2020
[2] Article « Est-il possible de réparer ce que les Frères musulmans ont détruit ? » Hamid Zanaz – Écran de veille n°11
[3] https://www.europe1.fr/societe/information-europe-1-menace-terroriste-ce-que-disent-les-services-de-renseignement-a-macron-4002325
[4] https://www.lepoint.fr/politique/pour-57-des-jeunes-musulmans-la-charia-plus-importante-que-la-republique-05-11-2020-2399511_20.php 
[5] https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/va-lui-faire-une-samuel-paty-un-professeur-menace-de-mort-en-essonne-une-enquete-est-ouverte-1665667229 
[6] https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/13/un-professeur-menace-de-mort-en-alsace-pour-avoir-evoque-les-caricatures-de-mahomet_6145614_3224.html 

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