
TJ vous en a parlé: Ouvert ce 19 octobre, le Festival Beyrouth Livres a fait fort puisqu’il a réussi à faire que cinq auteurs, dont des membres de l’Académie Goncourt, ont annulé leur participation, évoquant une « dégradation générale de la situation au Liban ».
En cause, le tweet, au 8 octobre dernier, de Mohammad Mortada, ministre de la Culture libanais. Ce dernier critiquait « la présence d’auteurs ayant embrassé les projets sionistes dans la pensée et dans la pratique, les soutenant aussi bien dans leurs travaux littéraires que dans leur vie quotidienne ».
Mohammad Mortada, s’adressant notamment aux autorités françaises, poursuivait : « Votre pays ne permettrait pas à des militants du Liban de se rendre chez vous pour critiquer le droit des pratiques sionistes, et en retour nous ne permettrons pas à des sionistes […] de diffuser le venin du sionisme au Liban, même si, en apparence, ils semblent détenir les passeports de votre pays ».
Si ledit tweet fut supprimé le jour même après entretien entre le ministre de la Culture et l’ambassadrice de France au Liban, Anne Grillo, il a causé un vif émoi: Proche du mouvement Amal, souvent associé au Hezbollah et qui dispose de plusieurs élus au Parlement libanais, Mohammad Mortada n’est pas vraiment revenu sur ses propos, puisqu’il insistait dans la Presse locale: « Nous avons eu vent de la participation à l’événement d’auteurs connus pour promouvoir une pensée israélienne et nous nous demandons ce qu’ils viennent faire au Liban. Nous avons fait nos recherches et avons effectivement trouvé que plusieurs d’entre eux ont de tels projets et nous avons fait part de nos réserves à l’ambassadrice française ».
Cinq auteurs français ont pris acte des propos de Mortada et annoncé l’annulation de leur participation à Beyrouth Livres. Parmi eux, Éric-Emmanuel Schmitt, Tahar ben Jelloun, Pascal Bruckner et Pierre Assouline, membres de l’Académie Goncourt.


Sélim Nassib, né à Beyrouth dans une famille juive en 1946 et auteur du roman « Le tumulte », publié récemment par Albin Michel, a lui aussi annoncé l’annulation de sa présence à Beyrouth Livres; courageusement, il évoque via un communiqué une allusion du ministre qui l’a « profondément dégoûté ».
Le courage n’est pas équitablement partagé en chacun: Sabine Sciortino, Directrice de l’Institut français du Liban, assure à l’AFP que le ministère de la Culture libanais a renouvelé son « soutien complet pour l’organisation de ce festival ».
Quant à Didier Decoin, Président de l’Académie Goncourt, il annoncera bien depuis la capitale libanaise les quatre finalistes du prix Goncourt 2022.
Comme si de rien n’était.
Pour Info, Organisé par l’Institut français du Liban, avec le soutien du Centre national du livre, Beyrouth Livres était présenté comme un festival littéraire francophone fait de grands rendez-vous, mais aussi de formats originaux et hétéroclites, concerts, expositions, lectures et autres projections. Une quarantaine de lieux culturels, à Beyrouth, mais aussi dans d’autres villes libanaises, accueillent des événements de Beyrouth Livres.
Sarah Cattan
Photographie : fresque à Beyrouth en soutien à la cause palestinienne (illustration, Omar Chatriwala, CC BY-NC-ND 2.0)