Quelques heures avant la conférence de Shibboleth sur le tropisme palestinien de la gauche et du “Monde”, intéressant de se pencher, même bien après sa parution, sur le livre “Un silence religieux, la gauche face au djihadisme” de Jean Birnbaum. D’autant qu’il semble partiellement se l’appliquer à lui-même, ce silence religieux… Explications.
A l’orée de la conférence du 13 octobre (« La passion de la gauche ? » et sous-titrée « Où va Le Monde ? »), organisée par Schibboleth sous la houlette de Michel Gad Wolkowich, avec les remarquables Alexis Lacroix, Céline Pina, Jacques Tarnero, Renée Fregosi et Jean-Pierre Winter, j’ai pensé et réfléchi à un point précis.
J’étais en train de lire, presque six ans après sa parution, le courageux et assez passionnant « Un Silence Religieux, la Gauche face au djihadisme » réédité au Point Poche et qui avait obtenu le « Prix Aujourd’hui ».
Il est signé Jean Birnbaum, le fils de Pierre, l’historien et sociologue nommé en 2016 au sein de la DILCRA* présidée par Dominique Schnapper.
Jean Birnbaum, qui a débuté en 1997 à France Culture, collabore avec Le Monde depuis 1999. Il est nommé Directeur du Monde des Livres en 2011, fonction qu’à priori il exerce toujours plus de dix ans après. Et on le voit régulièrement intervenir, souvent avec justesse, dans l’émission politique de deuxième partie de soirée sur France5 (C ce soir), aux côtés de Karim Rissouli, de Camille Dao, de Maxime Darquier et de la très irritante Laure Adler…
Jean Birnbaum est un penseur moderne et toujours passionnant à lire et à entendre. On peut bien sûr être en désaccord avec ses idées et ses prises de position. Rarement à le prendre en défaut d’arrogance, de sectarisme compulsif ou d’intolérance crasse, comme nombre de ses contemporains, clercs d’un monde qu’ils ont trahi bien après Julien Benda.
En marge de la lecture du livre de Birnbaum, je m’interroge sur lui et ses prises de positions quant au « conflit israélo-palestinien » vieux de plus de 80 ans (il n’a pas démarré en 1948 comme on voudrait parfois nous le faire croire).
Déni ou schizophrénie ?
Y a-t-il chez Birnbaum un déni ou une forme de schizophrénie à dénoncer d’un côté, dans son ouvrage, l’islamisme et le « silence religieux » de la gauche vis-à-vis du terrorisme islamiste, son refus jamais pris en défaut de nommer « l’adversaire » tout en continuant à justifier le terrorisme « par la misère sociale » et accepter de travailler au Monde.
On me rétorquera que Birnbaum n’est pas Serge Halimi (le deuxième fils de Gisèle), qui dirige un autre Monde, prétendument Diplomatique celui-là, chevauchant sans fin le pur-sang arabe de l’antisionisme primaire. Et on aura bien entendu mille fois raison.
Pourtant, une autre question mérite d’être posée : Birnbaum est-il passé maitre es-avalage de couleuvres au sujet d’Israël, au sein de son groupe et de sa rédaction ? Ou est-il dans cette schizophrénie permanente (ce deux poids-deux mesures, si l’on ne veut pas psychiatriser à outrance tous les sujets) consistant à combattre l’Islamisme et le terrorisme dès lors qu’il s’applique en France et en Occident, tout en fermant avec application les yeux dès lors qu’il s’exerce en Israël, sous couvert de lutte d’émancipation légitime (ou pas) des Palestiniens ?
Pourtant, dans « Un Silence religieux », Birnbaum s’avère très clair par exemple sur le coin aveugle de l’islamisme qui accompagnait les anticolonialistes du FLN, et ceux qui les soutenaient ici au moment de la guerre d’Algérie et qui, pour certains d’entre eux, ont déchanté par la suite. Ne voit-il pas des faits objectifs s’exprimer peu ou prou de la même manière dans la lutte pour la disparition de « l’entité Sioniste » comme « ils » disent ?
Un oubli symbolique et criant
Sans doute y a-t-il une symbolique dans le fait que la question israélienne et palestinienne n’occupe quasiment aucune place dans « Un silence religieux ». Une quinzaine de lignes cumulées, tout au plus. A aucun moment cette question n’est en tous cas considérée comme centrale. Même sous l’angle de l’anticolonialisme, poussé par une partie de la gauche marxiste ou prolétarienne, même sous l’angle de l’anti-américanisme (primaire ou secondaire) qui anime là encore, de toute éternité, une partie de la gauche. Et pas seulement chez les Insoumis et au PCF.
Lui qui vient de publier au Seuil « Le courage de la nuance », voit-il de la nuance au Monde dans son traitement des faits qui se déroulent à 4 000 kms de nous ? J’ai comme un doute…
© Gérard Kleczewski
12.10.2022
* Délégation Interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.
Gérard Kleczewski est citoyen et journaliste
Associer l’anti-americanisme à l’antisionisme est aujourd’hui totalement anachronique. L’Amérique de Barack Obama et Joe Biden est aussi remplie d’antisémites que la France et l’Europe.
fort heureusement l’Amérique de Trump est pleine d’évangélistes dont chacun connaît le… philosémitisme !
@Luc N Peu importe…Le constat sur les USA reste le même.
ce “constat” s’appuie sur une généralisation audacieuse. Je crois savoir que 80% des juifs américains ont voté Obama, et ce, en dépit de la sympathie pro-palestinienne qui lui était attribuée : alors… vous voyez bien, que tout n’est pas à rejeter dans ce pays-là !
Luc N que vous êtes naïf ! Les juifs américains qui ont voté pour un parti raciste et antisémite jusqu’à la moelle…Le niveau de culture politique de la majorité des Juifs américains est beaucoup plus bas et c’est un euphémisme que celui de la majorité de leurs coreligionnaires européens dont le sort pendant la seconde guerre mondiale les intéressait fort peu. Mais bien sûr qu’il existe des choses admirables aux États-Unis : Edgar Allan Poe , Nina Simone, le jazz, les Doors, les Eagles, Tina Turner et les classiques de l’ancien Hollywood