“C’est qui cette année ?”, interrogea, en espagnol, l’aveugle.
“Annie Ernaux.”, répondit Julio Cortázar.
“Toujours pas d’Argentin…”, soupira Jorge Luis Borges. Il ajouta : “C’est une vieille tradition scandinave. Chaque année, ils me nommaient pour le Prix et ils le donnaient à quelqu’un d’autre. Tout cela était une espèce de rite.”
Julio Cortázar répondit : “C’était politique. Ils ne t’ont pas pardonné ta poignée de mains à Pinochet”.
Borges baissa la tête. “Je suis aveugle…”
Cortázar ricana : “Pour moi, c’était littéraire. Ils trouvaient mon style trop étrange ! Déstructuré. Le désordre des chapitres dans ‘Marelle’ ne leur a pas plu”.
Simone de Beauvoir réajusta son chignon. “Moi, ils n’ont pas du aimer mon féminisme. J’ai été trop loin avec ‘Le Deuxième Sexe’ …
Avec une joie mauvaise, Cortázar lui répondit : “Ils ont récompensé l’œuvre féministe d’Annie Ernaux”- Je cite.
Simone en fit tomber son épingle à chignon. Jean-Paul Sartre bougonna : “Moi, je l’ai refusé leur Nobel. Un prix bourgeois pour se donner bonne conscience”.
Cortázar ne pu résister : “Surtout que Camus l’avait obtenu avant vous…”
Au fond, on entendait vitupérer L.F Céline : “Ta gueule, l’agité du bocal !… Salauds… Pourris… Ils ne m’ont jamais pardonné Le Voyage…”
Puis, tout le monde se tut. Franz Kafka, Marcel Proust, James Joyce, Virginia Woolf venaient de pénétrer dans la pièce. Eux non plus, n’avaient jamais voyagé à Stockholm. Dans ce petit coin du Paradis des écrivains, ils étaient finalement de meilleure compagnie.
© Daniel Sarfati
On remarquera que ni Apollinaire ni Eluard ni presque aucun autre grand poète n’a jamais reçu le prix Nobel de la connerie humaine. Tant mieux : la poésie vole beaucoup trop haut pour ces incultes…
Ne priez pas pour eux !