FIGAROVOX/CHRONIQUE – Pour l’avocat, un discours moralisateur et sentimental se substitue assez souvent, dans une partie des médias, à la présentation de faits avérés.
Nul ne peut contester, au regard des sondages de l’opinion, la perte de crédibilité de nombreux médias et le scepticisme croissant que leurs informations inspirent au public. C’est notamment en raison de ce doute que le citoyen même le moins incrédule va chercher dans les réseaux sociaux électroniques des informations qu’il pense plus fiables et va y trouver le meilleur ou le pire, le fiable ou le complotiste.
Les explications à la perte d’influence de larges pans du monde médiatique traditionnel, et même l’agacement qu’il suscite, sont connues. Une partie des journalistes se muent trop souvent en donneurs de leçons de morale, ânonnant une manière de prêchi-prêcha. En pareil cas, les militant percent trop visiblement sous les journalistes.
Raison pourquoi j’ai utilisé les termes de «clergé médiatique» et ai mis en cause l’extrême gauche, sociologiquement encore trop en majesté médiatique. Je prendrai quatre exemples récents, parmi des centaines.
L’auteur de ces lignes considère que dans le conflit entre l’Ukraine et la Russie, il y a un agressé et un agresseur. Raison pourquoi il souhaite résolument la victoire du premier et la défaite du second. Mais cela ne l’empêche pas, bien au contraire, de souhaiter recevoir des informations fiables et dignes de foi. Malheureusement, ce n’est pas ce qu’il reçoit.
Le conflit russo-ukrainien semble traité moins journalistiquement que cinématographiquement, comme un film dramatique en noir et blanc avec des bons et des méchants. Le moralisme prend le pas sur le journalisme, et l’émotion, parfois la fiction, l’emporte trop souvent sur le factuel.
C’est ainsi que les bilans des pertes humaines communiqués par la partie ukrainienne sont livrés au public sans grande précaution, comme s’il s’agissait du Journal Officiel.
J’attends cependant du recul professionnel de la part de ceux chargés de m’informer, et non de me faire pleurer. Or, c’est cette empathie trop manifeste pour l’agressé qui me fait douter.
Par ailleurs, un autre exemple, périphérique mais caractéristique, montre l’excessif parti pris pour une des parties. L’information contemporaine a été littéralement polluée par les références hasardeuses, indécentes voire névrotiques, au fascisme ou au nazisme historiques. Le lexique médiatique en est le témoin partisan, et les «fachosphères» ou «post-fascisme», des vocables éloquents.
Curieusement, s’agissant de l’Ukraine, cette obsession anachronique du nazisme, cèdent souvent le pas à l’amnésie, à l’indifférence, ou à la cécité. Passe encore que les chroniqueurs de l’actualité immédiate ne rappellent pas à leurs lecteurs que certaines rues des villes ukrainiennes se soient vues encore récemment affublées de noms de collaborateurs avec l’occupant nazi. Après tout, il s’agit du passé. Mais fermer les yeux sur ces miliciens de certains bataillons ukrainiens qui portent encore actuellement des svastikas ou des symboles associés relève de la complaisance.
Le mentionner n’enlèverait rien à la justesse de la cause d’un pays et d’un peuple envahis et brutalisés, mais renforcerait la crédibilité d’une presse contestée.
Autre exemple, le Moyen-Orient, et notamment Israël et l’Iran. L’auteur, ses lecteurs le savent bien, est clairement engagé en faveur d’Israël. Moins en faveur de la conservation comme glacis sécuritaire de tous les territoires conquis, que pour la défense de son existence. Et surtout clairement révolté par la manière dont celui-ci est médiatiquement traité.
Cet engagement assumé ne l’empêche pas de s’essayer à l’honnêteté critique, en tant qu’observateur attentif mais certainement pas journaliste.
Pour éviter toute spéculation intellectuelle discutable, je ne donnerai qu’un seul exemple incontestable de ce militantisme médiatique anti-journalistique trop fréquent : le refus obstiné de certains correspondants en Israël – Palestine d’appeler un chat, un chat, et un terroriste, terroriste.
C’est ainsi qu’au rebours des djihadistes partout ailleurs, les combattants islamistes violents du Hamas et du Djihad Islamique, organisations classées «terroristes» par les pays occidentaux dont la France, sont systématiquement, dans Le Monde notamment, présentés comme «activistes», «assaillants», quand ce n’est pas euphémiquement «militants».
Encore faut-il ajouter qu’au-delà de l’engagement propalestinien manifeste, certaines préoccupations sécuritaires ne sont pas absentes dans l’inconscient journalistique. Qu’il me soit permis de narrer cette anecdote édifiante. Il y a plusieurs années, le responsable du quotidien italien Il Foglio, las de trouver dans les dépêches de Reuters le vocable «activiste» associé au Hamas, l’avait de lui-même remplacé par «terroriste». Le directeur de l’agence de presse lui fit remarquer – ce en quoi il avait juridiquement raison – que le texte des dépêches n’étant pas un menu à la carte, elles étaient à prendre ou à laisser. Une petite tempête s’en était suivie dans le bénitier du clergé médiatique. Piqué au vif, le responsable de l’agence finit par lâcher que s’il remplaçait le mot «activiste» par celui de «terroriste», il ne répondait plus de la sécurité de ses agents dans les pays du Proche-Orient…
Par comparaison, la République Islamique et dictatoriale d’Iran jouit d’une impunité médiatique très enviable, comparée au précédent pays démocratique. Ici encore, le champ lexical est éloquent, et se passe de tout commentaire. Il y a une «extrême droite» à Tel-Aviv, il n’y a que des «conservateurs», par temps mauvais, «ultra», à Téhéran…
En dehors de situations paroxystiques, comme celle d’aujourd’hui qui fait descendre bravement dans les rues des milliers de manifestants en soutien aux femmes de force voilées, les pendaisons d’homosexuels, les emprisonnements d’artistes et de journalistes ne défraient que très rarement la chronique.
À cela, deux explications, idéologique puis pratique. La première repose tout entière sur l’anti-occidentalisme et le gauchisme médiatique. Le Monde, dans un article de ce 2 octobre, concédait que les féministes de gauche françaises ne vibraient pas bruyamment pour leurs sœurs iraniennes. Il ne poussait pas l’explication par la détestation supérieure du mâle blanc d’Occident, ce que je fais présentement.
Ce n’est pas par antisémitisme que les médias maltraitent l’État juif et par pro-islamisme qu’ils ménagent l’Iran. C’est parce que le premier est, au moins inconsciemment, perçu comme un Etat blanc dominant d’Occident, tandis que le second reste un pays musulman d’Orient.
L’explication pratique complémentaire me pousse à une seconde anecdote, personnelle. Il y a quelques années, lors d’une émission à laquelle je participais régulièrement sur RMC («Les Grandes Gueules», pour ne pas la nommer), je fus présenté à la correspondante de France 24 en Iran, qui venait présenter son livre, au demeurant intéressant, sur la société iranienne. Je lui fis remarquer avec urbanité qu’elle n’était guère sévère envers les mollahs. La journaliste me répondit avec une candeur désarmante que c’était le prix à payer pour être persona grata, et voir son permis de séjour renouvelé…
On remarquera qu’actuellement, nombre de commentaires sur les manifestations de rue en Iran sont tenus depuis l’extérieur, et non par les correspondants sur place. Il est plus facile et agréable d’être critique à Jérusalem qu’à Ispahan.
Dernier exemple de militantisme médiatique, cette fois, et comme trop souvent, sur l’audiovisuel de service public. Ainsi, il m’a été donné de brocarder dans ces colonnes cette émission de France Inter à la gloire de ces «Sleeping Giants» (sic) qui intimident les annonceurs pour les obliger à cesser de confier leurs messages publicitaires à des médias – de droite évidemment – qu’ils décrètent, de droit divin , haineux.
J’ai également écrit ce que je pensais de cette responsable médias de la même radio qui avait livré en pâture publique une liste de noms honnis, parce que coupables de s’exprimer sur CNews. Ce 2 octobre, une émission de même farine idéologique a été programmée sur la même antenne. À 9 h 06, l’émission «Interceptions» a été dédiée à ces militants écologistes ouvertement illégaux qui utilisent la voie d’action de l’obstruction et du sabotage. Principalement, le mouvement Extinction Rébellion.
Celui même qui réalise l’exploit d’augmenter la carbonisation urbaine en bloquant les rues, provoquant ainsi des embouteillages. Il faut croire au demeurant que c’est une manie chez des gens qui ont favorisé le charbon polluant au détriment du nucléaire. La bienveillance de l’émission pour les activistes illégaux a dû sauter aux oreilles des auditeurs quand pour les présenter, il était indiqué que ceux-ci n’avaient d’autres choix que l’illégalité, compte tenu de «leur conscience de l’urgence».
Quant aux sceptiques sur le présent article, je les renvoie au podcast d’une émission uniment apologétique quand elle questionne complaisamment les gauchistes saboteurs sur leurs courageuses actions anticapitalistes contre les riches et détestables golfeurs. Albert Londres, réveille-toi.
© Gilles-William Goldnadel
Gilles-William Goldnadel est avocat et essayiste. Chaque semaine, il décrypte l’actualité pour FigaroVox.
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