Jeudi 15 Septembre, à l’Institut Français de Tel Aviv, s’est tenue l’inauguration de l’exposition « Déplier le voile »de l’artiste israélien Oran Hoffmann. Au mur une sélection des travaux photographiques qu’il a réalisés en 2018 lors de sa résidence à la Fondation Vasarely, à Aix-en-Provence. Physique de jeune premier, regard clair et perçant, sa chevelure grisonnante détonne avec son allure juvénile; Hoffmann a du style et l’on devine, comme dans son œuvre, une profondeur et d’infinies possibilités.
Votre nouvelle exposition “Déplier le voile” se tient dans l’Espace d’accueil de l’Institut Français de Tel-Aviv, quel est votre lien avec la France ?
J’ai eu le privilège d’être invité à passer quelques mois en France au printemps 2017 ; des collectionneurs parisiens qui suivent mon travail m’ont permis de séjourner à Aix-en-Provence, c’était vraiment une expérience exceptionnelle qui a finalement abouti sur d’autres séjours (dont une année de résidence à la fondation Vasarely) et l’opportunité extraordinaire de présenter trois expositions solo dans trois lieux Aixois pendant la Saison-France-Israël en 2018.
Je me souviens que le lendemain de mon arrivée à Aix-en-Provence, j’ai voulu immédiatement visiter l’Atelier Cezanne. J’ai été si bien accueilli par Marie-Chantal qui est la guide de l’Atelier, elle m’a tant appris sur le peintre et sur l’homme ; après cette visite magique, j’ai obtenu de la municipalité un accès privilégié afin de travailler de l’atelier pendant les heures de fermeture de la pause déjeuner.
Par la suite, l’hiver arrivé et les touristes se raréfiant, j’ai pu passer des journées entières dans ce lieu magique ; J’ai reçu la clef de studio de Paul Cezanne ! J’ai rangé mon matériel photographique dans une petite arrière-salle du studio et tous les jours j’ai scrupuleusement préparé une séance de travail. Les experts et guides locaux m’ont épaulé et assisté tout au long de ces mois de travail, ils m’ont raconté sans fin des histoires, des anecdotes et m’ont délivré des informations sur Cezanne, son travail et sa vie. Cette expérience unique a débouché sur mon exposition « L’Atelier Vu à Travers un Miroir ».
Cette même exposition « L’Atelier Vu à Travers Un Miroir » était un hommage aux œuvres de Cezanne, quelle a été l’influence du peintre français sur votre art ?
Cezanne a une place très spéciale dans mon processus de création. Il y a tellement de choses à dire sur son travail et sur ce personnage si particulier qui a consacré sa vie à son art. La manière dont ses objets qui sont également ses sujets, sont récurrents, comme par exemple, les pommes et la montagne Sainte Victoire. La répétitivité en regardant toujours et encore les mêmes choses sous différents angles, ainsi que l’approche typologique dans son travail sont au cœur de mes aspirations et de mon inspiration.
Cela dit il n’y a aucun artiste qui détienne l’emblème de l’artiste français ni de l’artiste tout court. Même si Cezanne se présentait comme un simple provençal, il avait l’arrogance de clamer “Avec une pomme, je veux étonner Paris!”. Son travail continue de faire parler à ce jour.
En parlant d’influence, celle d’un autre artiste français, Victor Vasarely est la source de votre nouvelle exposition « Déplier le voile », racontez-nous votre année de « Résidence » à la Fondation Vasarely à Aix-en-Provence? Connaissiez-vous les œuvres de Vasarely avant d’y résider ?
Oui bien sûr. Mon intérêt pour la spatialité et la profondeur ainsi que pour « l’illusion optique » dans l’art, montrer comment les couleurs aident à notre compréhension et permettent de créer ces illusions ont fait que Vasarely était pour moi un des artistes à m’avoir fasciné ; il était une figure unique très éloignée des autres mouvements, à l’époque, mais très influencée par l’école du Bauhaus. Voir les œuvres de la collection à la fondation, avoir le privilège d’y résider puis de découvrir ses matériaux ont été une de mes plus belles expériences artistiques ; tout a commencé quand à cette même période où je travaillais et faisais mes recherches sur Cézanne, j’ai visité Pierre Vasarely, le petit-fils de Victor Vasarely et le directeur général de Fondation Vasarely. Il entreprenait des rénovations du bâtiment. Il a accepté de satisfaire mon grand intérêt et ma fascination pour la spatialité et l’architecture et a demandé à la merveilleuse responsable de la collection, Pascale Girard de me guider durant deux journées complètes dans tout le bâtiment. Nous sommes montés sur le toit, descendus à la cave, nous avons étés dans le studio où Vasarely travaillait et dans l’appartement où lui et sa femme résidaient. Le deuxième jour déjà très impressionné par tout ce qu’on m’avait montré et appris sur ses œuvres, ses concepts et méthode de travail, Pascale m’a ouvert une petite pièce remplie de boîtes. En entrant dans la pièce et en ouvrant certaines des boîtes, c’est à ce moment exact que mon projet est né. La plupart des boîtes n’avaient pas été ouvertes depuis un demi-siècle au moins et contenaient des pièces, des matériaux que Vasarely avait utilisé pour créer ses œuvres. J’ai proposé à Pierre Vasarely de me laisser revenir afin que j’explore cette caverne aux trésors oubliés. Plus tard dans l’année j’ai été invité à m’installer à la Fondation dans l’appartement. Ce fut vraiment une période magnifique, une collaboration réussie avec Pascale qui fait un travail admirable pour la Fondation. Déplacer toutes ces boîtes vers l’appartement qui est également devenu mon propre studio, les découvrir à la lumière, les nettoyer et les recenser. Les matériaux ont une qualité très spéciale et les couleurs sont incroyables. J’ai décidé de les photographier tous séparément et de créer les « archives des matériaux de Vasarely ».
A ce propos vos premières photos étaient en noir et blanc, depuis la couleur est un élément très central de votre travail et de vos expositions, est-ce votre lien immédiat avec les œuvres de Vasarely ?
Les œuvres de Vasarely ont en effet des couleurs très vibrantes. Pour moi, ce qui a toujours été intéressant, c’est l’utilisation de la couleur pour créer de la profondeur. La vraie question qui se pose est que voit-on réellement au premier abord ? Avec Vasarely, c’est l’illusion de la profondeur d’une manière très singulière et surtout très avant-gardiste pour son époque. Il voulait que la surface plane d’une toile ait cette illusion car sinon elle ne serait pas représentative du « vrai monde». Dans « le vrai monde » il n’y a pas de plans bidimensionnels, comme une feuille de papier, une toile ou un mur, tout est façonné par d’autres forces, la lumière, le soleil, la gravité et autres ont leur influence. Cette illusion qui est présente dans son travail m’intéresse également conceptuellement.
On pourrait presque dire que cette collaboration post mortem entre un artiste français reconnu et un jeune artiste Israélien est un peu la singularité de votre exposition ?
Pour moi, les objets et le matériel ont des qualités subjectives. Ils possèdent d’infinies possibilités de transformations. En tant qu’artiste qui a eu le privilège de travailler avec les matériaux qu’un autre artiste avait déjà utilisé et qui grâce à cette opportunité a pu leur donner une deuxième vie, cela m’a rendu plus conscient de ce qui se trouvait à la source à l’origine de la création ; ce fut une expérience passionnante à vivre. On peut dire que j’ai en quelque sorte collaboré avec lui en permettant à son travail d’être vu sous un angle différent, une nouvelle perspective ; j’espère que l’exposition met en lumière les concepts sous-jacents de Vasarely, j’ai essayé de les mettre en évidence en utilisant le même matériel tout en créant d’autres œuvres, c’est mon travail que j’expose aujourd’hui.
Quels sont vos projets dans un futur immédiat?
J’ai de nombreux projets en tête, à la fois en tant qu’artiste mais aussi en tant que commissaire d’exposition.
J’ai une nouvelle exposition « Cezanne » en tête et je cherche des institutions susceptibles de pouvoir la présenter. Il s’agit d’un projet qui évidemment ne montrera pas les œuvres originales du peintre mais qui au lieu de cela, montrera comment dans l’histoire de l’art moderne certains concepts visionnaires de Cezannesont perpétués et comment les artistes modernes sont encore très influencés par son œuvre. Je trouve cela très excitant de réfléchir à de nouvelles manières de montrer l’influence contemporaine de son travail.
Que pouvons-nous vous souhaiter en tant qu’artiste ?
Avoir une patience et une énergie sans fin. Ce n’est pas facile d’être artiste à notre époque. Je souhaite vivement exposer à nouveau en France car les Français ont compris l’importance des artistes et de la culture dans l’histoire. En France, mon travail a été très bien accueilli, tant de gens l’ont apprécié. J’espère que cette exposition à l’Institut Français de Tel Aviv sera bien accueillie par son public franco-israélien et qu’elle ouvrira la porte à d’autres collaborations futures.
C’est tout le bien que vous nous souhaitons pour cette nouvelle année, Shana tova ! Avec ou sans pommes c’est à votre tour « d’étonner Tel Aviv ! ».
Crédits Photos: Yosef Eyal
© Lisa Mamou
Sites :
http://www.atelier-cezanne.com
https://www.fondationjudaisme.org
Informations pratiques
“Déplier le voile”
Une exposition de l’artiste israélien Oran Hoffmann
Du 15 septembre au 21 octobre 2022
Espace d’accueil de l’Institut français de Tel Aviv | Rothschild 7
Heures d’ouverture de la galerie :
Du dimanche au jeudi : 9h00-18h00
Vendredi : 9h00-12h15
Contact presse
Anne-Sophie Trouillard
Institut français d’Israël
T. 03-7968028
Mél : a-s.trouillard@ambfr-il.org
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