Cher Roger, cher « Rodgeur » comme on t’appelle avec un clin d’œil,
J’aime beaucoup les pâtes Barilla mais je n’ai jamais eu l’heur de te rencontrer ni de vivre un rêve éveillé comme le petit Zizou, dont tu as sans doute profondément et à jamais changé la vie.
Oui, je t’ai vu jouer avec émerveillement depuis les gradins (une fois depuis une loge) à Roland Garros et à l’open de Monte-Carlo… Bien sûr très souvent aussi devant ma télé, y compris en pleine nuit quand tu luttais à Melbourne ou à New-York. Et j’aime les pâtes italiennes… Mais j’aime encore plus le joueur et l’homme que tu es et a été !
Tu as démarré ta carrière de tennisman pro au moment où j’arrêtais la mienne en amateur, à mon petit niveau (scotché en 3eme série). Une époque faite de tournois où je passais au mieux 3 ou 4 tours et grimpais mollement au classement, avant de redescendre quelques mois plus tard.
Une époque donc révolue à 31 ans par la faute d’une maladie que l’on dit « rare », amenuisant mes capacités physiques et mon endurance. J’avais de plus commencé tard le tennis, à 13 ans. C’était en 1978, il y a une éternité !
Mes joueurs favoris à l’époque s’appelaient Borg, dont j’essayais d’imiter la prise de raquette et le coup droit, Higueras dont je copiais face au mur le lift surpuissant, Noah dont le service et les redoutables montées au filet m’inspiraient, Connors qui faisait tout bizarrement mais avec tant de puissance, McEnroe bien sûr au toucher inimitable qui volleyait, smashait, passait avec tant de génie… Et puis il y eût Edberg, Sampras, et tant d’autres encore…
Mais, je peux le confesser aujourd’hui, à l’aurore de ta nouvelle vie hors-compétition : aucun n’a jamais eu ta palette d’artiste sur un court ! Aucun n’a à ce point synthétisé tous les coups du tennis, tels qu’ils sortaient de ta raquette ! Aucun n’a eu ce déplacement léger et aérien, digne d’un danseur étoile ! Aucun n’a eu ce mélange de puissance et de souplesse qui caractérisait ton jeu !
Après avoir vu en différé, les images de ton dernier match lors de la Laver Cup, impossible de ne pas pleurer devant tes larmes, mêlées à celles de Rafa. Impossible de ne pas être déjà saisi par une nostalgie qui débute à peine.
Alors, bien sûr, ceux qui n’aiment pas le tennis ou ne te connaissent pas bien diront que j’en fais des tonnes… Bien sûr il y en aura qui m’inviteront à conserver mes larmes pour les drames dans le monde de l’Ukraine à l’Iran, du Yemen à l’Arménie, et ils n’auront pas tout à fait tort…
Mais si je pleure et nous pleurons ça n’est pas ta disparition. Dieu merci tu es vivant ! C’est seulement un bout de notre vie qui est parti avec toi l’autre soir ! Merci « Rodgeur », merci pour tout !
Je retourne à table, mon plat de pâtes Barilla va refroidir… See U guy ! 🎾
© Gérard Kleczewski
Gérard Kleczewski est Citoyen et Journaliste
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