Ce soir à la tombée de la nuit commencera la nouvelle année juive, la 5783e année depuis la création du monde selon la tradition juive et qui s’ouvrira avec la fête appelée Roch-Hachana signifiant littéralement le début ou la tête de l’année.
C’est une occasion toute particulière pour les juifs du monde entier de se rendre à la Synagogue, qui sera répétée au moins encore une fois 10 jours plus tard à l’occasion du jour de la fête de Kippour.
Mais comment dans la tourmente de notre temps prononcer des vœux de bonne et douce année en toute sérénité et sans donner, à soi-même et aux autres, l’impression d’être aveugle et sourd ni d’exprimer des vœux pieux déphasés de la réalité qui gronde ?
Cependant, la fête de Roch-Hachana n’est-elle pas inscrite dans l’histoire d’un peuple pour qui la réalité doit régulièrement et urgemment, être conjurée ? Son rituel le rappelle qui ouvre des voies par un étonnant repas symbolique tout au long duquel les amis et la famille réunis mangent ensemble des mets et des mots (m. o. t. s.) pour conjurer les maux (m. a. u. x.) … En trempant la pomme dans le miel pour appeler la douceur, en mangeant des betteraves pour que les ennemis disparaissent, en dégustant les grains de grenade dans la fleur d’oranger pour s’engager à donner ce qu’on a de meilleur … tout le monde retrouve les prières traditionnelles et fait appel à sa créativité …
Ces traits d’humour sont autant de détournements qui invitent à rapprocher la racine latine sapere disant le lien entre la saveur et le savoir, de la racine « saper » en hébreu à l’origine des mots sipour, le récit, séphèr, le livre et sfar, le nombre, ce qui compte …
Et si l’on se rappelle avec Albert Camus que « l’artiste se bat ou capitule » dans un monde où « les rêves changent avec les hommes mais où la réalité est notre commune patrie », chacun pourra s’inspirer des artistes qui affinent nos perceptions, affûtent nos intelligences et nos imaginaires pour affronter ce qui vient et ne pas renoncer. Il y faut du cœur et du courage qui sont aussi un seul et même mot !
C’est pourquoi je suis très heureux de recevoir aujourd’hui, dans cette émission du matin de Rosh Hashannah un artiste pleinement « embarqué dans notre temps » et qui avec son nouvel ouvrage, nous invite à parcourir nos dernières décennies jusqu’à la pandémie du covid et à … entrer ensemble dans la synagogue !
L’invité
Joann Sfar est né à Nice, le 28 août 1971, dans une famille juive ashkénaze d’origine ukrainienne côté maternel, séfarade originaire d’Algérie, côté paternel.
Orphelin de mère à l’âge de 3 ans, il prend le crayon pour refuge.
Après des études de philosophie, il rejoint Paris pour y faire les Beaux-Arts, où il enseigne aujourd’hui. Figure de proue d’une génération de dessinateurs qui réinventa le langage de la bande dessinée dans les années 1990, il signe ses premiers projets à L’Association, Delcourt et Dargaud.
Seul ou en collaboration, il a signé plus de cent cinquante albums, parmi lesquels, pour les plus célèbres, « Le Petit Vampire » (Delcourt/Rue de Sèvres) pour la jeunesse, la série des « Chat du rabbin » (Dargaud) ou encore ses « Carnets », dont le dernier « On s’en fout quand on est mort » (Gallimard BD) vient de paraître. Joann Sfar a également dirigé une collection de livres jeunesse chez Bréal, puis chez Gallimard (Bayou).
Auteur de plusieurs romans sans images (« L’Éternel », « Comment tu parles de ton père », « Le Niçois », etc.), ce fou de cinéma a également réalisé plusieurs longs métrages (« Gainsbourg, vie héroïque », « Le Chat du rabbin »…), qui lui ont valu deux César (celui du premier film en 2011 et celui du meilleur film d’animation en 2012).
Il travaille aujourd’hui sur un polar dessiné en noir et blanc qui sortira prochainement aux éditions Sonatine.
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