𝗠𝗶𝗸𝗵𝗮𝗶̈𝗹 𝗞𝗵𝗼𝗱𝗼𝗿𝗸𝗼𝘃𝘀𝗸𝗶 : « 𝗟𝗮 𝗥𝘂𝘀𝘀𝗶𝗲 𝘃𝗮 𝗱𝗲𝘃𝗼𝗶𝗿 𝗽𝗮𝘀𝘀𝗲𝗿 𝗽𝗮𝗿 𝘂𝗻𝗲 𝗿𝗲́𝘃𝗼𝗹𝘂𝘁𝗶𝗼𝗻 »

En déclenchant la guerre en Ukraine, Poutine a rapproché la date de son départ », estime Mikhaïl Khodorkovski.
Patrick T. FALLON / AFP

Il est l’une des personnes au monde qui connaît le mieux les ressorts intimes de Vladimir Poutine, pour avoir défié le « tsar » les yeux dans les yeux et avoir subi son châtiment – il a passé dix ans en prison et dans un camp de travail aux confins de la Sibérie. Exilé à Londres depuis 2015, Mikhaïl Khodorkovski, l’ancien patron du géant pétrolier Ioukos, qui fut l’homme le plus riche de Russie, continue à être menacé par le Kremlin. Il faut dire que l’ex-oligarque, à la tête d’une fondation visant à la démocratisation de son pays, s’est imposé comme un adversaire particulièrement pugnace du président russe. Dans son livre « The Russia Conundrum » (Ed. WH Allen, non traduit), sorti ce mois-ci au Royaume-Uni, il décrit avec précision le régime dictatorial de Poutine comme étant un système mafieux gangrené par les services de sécurité. Il a acquis la conviction que l’ancien officier du KGB était capable des « crimes les plus terribles » et « qu’on ne peut jamais lui faire confiance ». Khodorkovski déplore par ailleurs que l’Occident se soit longtemps obstiné à fermer les yeux sur les exactions du chef du Kremlin, dans l’espoir vain de l’apaiser. Et réfléchit à la façon de reconstruire la Russie après le départ de Poutine – que la guerre en Ukraine va selon lui accélérer – persuadé que son pays peut sortir « d’une succession sans fin de dictatures ». Mais avant cela, une « révolution » est nécessaire, explique l’opposant de 59 ans, qui a reçu « L’Express » dans ses bureaux du centre de Londres, le 15 septembre (avant l’annonce par le Kremlin de la tenue de référendums d’annexion dans des régions occupées de l’est de l’Ukraine et d’une « mobilisation partielle » de la population), pour un entretien exclusif.

L’Express : L’armée ukrainienne a repris dernièrement nombre de territoires qui étaient occupés par les Russes : assiste-t-on à un tournant dans la guerre en Ukraine ?

Mikhaïl Khodorkovski : Oui et non. D’une part, ce tournant psychologique est vraiment très important. C’est la première fois que l’armée russe est vraiment en train de perdre. Est-ce que cette défaite est effectivement un tournant dans la guerre ? Nous ne le savons pas. Aujourd’hui, Poutine doit prendre une décision : va-t-il continuer la guerre avec les moyens à sa disposition actuellement ? Va-t-il chercher à les accroître en déclarant la mobilisation générale ? Ou bien, va-t-il vouloir engager des pourparlers ? Dans le premier scénario, tout dépendra de la position de l’Occident. Si l’Occident augmente les livraisons d’armes, étant donné la façon dont la guerre est menée aujourd’hui, Poutine va la perdre. Dans le cas contraire, ce conflit va se prolonger et les événements actuels ne seront qu’un épisode parmi d’autres. Si Poutine annonce la mobilisation générale, il joue une carte très forte. On peut en effet estimer à deux ou trois millions de personnes les réserves de mobilisation civile en Russie. Et Poutine a de quoi armer tous ces gens-là. Avec des armes anciennes, certes, mais des armes qui tuent quand même. Mais le problème, pour lui, se situerait ailleurs. La mobilisation toucherait des gens des grandes villes – en Russie, 70 % de la population vit dans les villes. Et comme ce ne seraient pas des soldats professionnels, ils subiraient de lourdes pertes. Comment les grandes villes réagiraient-elles face à cela ? Pour l’instant, personne ne peut le dire. S’agissant de la troisième issue, les pourparlers, sur le plan politique, ils sont impossibles à l’heure actuelle pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky – son peuple ne tolérerait jamais que son territoire reste envahi. Et ils sont très difficiles pour Poutine – des dizaines de milliers de personnes armées n’accepteraient jamais la fin de la guerre.

Vous avez évoqué l’éventualité de la défaite de Poutine. S’il est acculé, une attaque nucléaire tactique de sa part vous semble-t-elle possible ?

Cette évolution des événements me semble aujourd’hui très peu probable. Pour Poutine, ce serait une décision politique beaucoup plus dangereuse que la mobilisation générale. Premièrement, parce qu’il perdrait les derniers alliés qu’il a encore en Europe occidentale. Et deuxièmement, après cela, l’Ukraine recevrait nécessairement plus d’armes occidentales. Sans compter que du point de vue militaire, l’utilisation de l’arme tactique nucléaire de façon ponctuelle ne sert pas à grand-chose. Et que cela ferait de Poutine, personnellement, une cible.

Vous écrivez dans votre livre qu’il faut arrêter Poutine, car il ne s’arrêtera pas à l’Ukraine et risque d’entraîner le monde dans un chaos global. Quelle est l’ampleur du danger ?

L’Ukraine ne se bat pas uniquement pour sa propre liberté. Si Poutine avait envahi l’Ukraine en trois jours, comme il avait pensé le faire au début, sa prochaine étape serait de demander à l’Otan de revenir aux frontières de 1997 [avant les vagues d’élargissement de 1999, 2004, 2009, 2017 et 2020]. Puisque l’Otan n’aurait pas pu accéder à cette exigence, Poutine n’aurait pas pu s’arrêter. Il aurait continué en attaquant l’un des trois pays baltes. Et tôt ou tard, l’Occident aurait été amené à assumer sa responsabilité. Le fait qu’on a arrêté Poutine en Ukraine pour le moment représente un répit pour le monde entier.

Concrètement, que peuvent faire les Russes d’une part et l’Occident d’autre part pour le stopper durablement ?

La dictature règne en Russie actuellement, et l’expérience que l’on a des dictatures de ce genre montre qu’un peuple sans armes ne peut pas arrêter un tel régime. C’est la raison pour laquelle Poutine a si peur de déclarer la mobilisation générale. Parce qu’un peuple armé peut tourner les armes dans l’autre sens. Ce que l’Occident peut faire en ce moment, c’est continuer à fournir les armes à l’Ukraine. Le deuxième axe, ce sont les sanctions technologiques, qui empêchent dès à présent la production d’armes – les autres sanctions auront un effet, mais seulement à moyen terme. Ce sujet englobe aussi la question de l’aide aux spécialistes russes hautement qualifiés qui essayent d’émigrer en Occident. Leur fuite est en effet plus grave pour la Russie que les sanctions technologiques. Enfin le troisième point, c’est la façon dont l’Occident peut se défendre contre le chantage énergétique de Poutine. Il faut reconnaître qu’au cours des vingt dernières années, l’Occident a commis une faute dans sa politique énergétique. Et je dois admettre que la France a été la plus raisonnable sur ce sujet. Je suis souvent critique de la politique de votre pays, mais dans ce cas-là, je dis bravo.

Vous visez davantage l’Allemagne, et sa politique énergétique ? L’Allemagne, le Royaume-Uni, et tous les pays d’Europe occidentale qui sont devenus dépendants de ce fournisseur monopolistique.

Vous écrivez que l’Occident s’est longuement trompé sur Poutine. Quand aurions-nous dû nous réveiller ?

C’est une question difficile. J’ai vu récemment la vidéo d’un discours de la femme d’un réalisateur de cinéma russe connu – dont je ne préfère pas dévoiler le nom -, où elle décrit dès 1999 [année de son arrivée au pouvoir] ce que Poutine représente et ce qu’il va faire. Si les dirigeants européens ou moi avions été aussi intelligents que cette dame, nous aurions dû ouvrir les yeux dès cette époque. Moi, j’ai tout compris en 2003, [NDLR : année où il a été envoyé en prison]. Mais l’Occident aurait dû comprendre en 2008, quand l’agression contre la Géorgie a commencé.

L’Occident a cru que jouer une carte d’apaisement pouvait lui permettre de continuer à discuter. C’était une erreur ?

Poser une telle question aujourd’hui, relève en quelque sorte de la plaisanterie. Vous connaissez vous-même la réponse.

« Poutine n’est pas la Russie et la Russie n’est pas Poutine », insistez-vous. Mais c’est lui qui est aux commandes aujourd’hui. Comment faire pour traiter avec votre pays ?

Contrairement à l’entourage de Poutine, vous et moi comprenons très bien que, tôt ou tard, Poutine va partir. Nous comprenons également qu’en déclenchant la guerre en Ukraine, il a rapproché la date de son départ. Le régime de Poutine, c’est un régime personnaliste, c’est-à-dire d’une seule personne. Donc la probabilité que ce régime se prolonge au-delà de son mandat est faible. Toute la question est donc de savoir ce qu’il y aura après.

Des éléments importants peuvent jouer sur l’évolution des événements : la Russie va-t-elle continuer à regarder dans la direction de l’Europe ou non ?

Cela fait déjà trois cents ans que la Russie regarde dans cette direction, mais Poutine essaie actuellement de détourner ce regard. Lui seul, il n’y arrivera pas. Ce qui est important, c’est que l’Occident ne l’aide pas dans cette démarche. Si l’Occident veut que la Russie soit un voisin plus ou moins amical, il faut qu’une partie de sa population reste orientée vers l’Europe. Ces personnes ont toujours existé et sont toujours là. Les sondages montrent que 20 % des Russes sont contre la guerre en Ukraine. Qu’une telle proportion de la population dise que l’Europe est une amie, c’est vraiment beaucoup, sous une dictature, et dans un contexte de guerre. Car quand les gens répondent aux sondages, ils sont conscients du fait qu’ils s’adressent probablement au FSB. Il faut absolument cultiver l’attitude amicale de ces gens-là envers l’Europe. Or en ce moment, j’observe un phénomène très dangereux : en Europe, on pense que tous les Russes sont pareils. Récemment, j’ai rencontré un avocat russe très connu, qui a toujours défendu des personnes persécutées pour des motifs politiques, et qui continue à le faire. Eh bien, il a l’impression d’être rejeté des deux côtés. D’un côté, par le pouvoir de son pays, auquel il s’oppose. Et de l’autre, par les Européens, qui l’associent à ce pouvoir. Quand Poutine va-t-il partir, que va-t-il se passer ? Bien sûr, c’est principalement la société russe qui va décider. Mais l’Occident aura quand même une certaine influence sur cette décision. Grâce aux sanctions et à la nécessité de rétablir les relations entre l’Occident et la Russie. Traditionnellement, l’Occident veut voir un tsar russe gentil à la tête du pays. Celui-ci était mauvais. On veut en avoir un autre, meilleur…Mais ce ne sera pas le cas !

Pourquoi, selon vous ?

Avant le début de la guerre, je pensais que la démocratisation et le passage à la république parlementaire seraient suffisants, mais depuis le 24 février, j’ai compris que garder la structure actuelle en Russie, c’est trop dangereux. La Russie est un pays ultra-centralisé. Si elle le reste, elle continuera à constituer un problème pour l’Europe. Et pour le monde entier, d’ailleurs. Le système repose sur le fait que 60 % des impôts perçus dans les régions vont à Moscou. Ensuite, une partie de cet argent revient dans ces régions en échange de leur loyauté. C’est ainsi que cette manne maintient l’existence d’une énorme bureaucratie. Pour expliquer aux régions, de Vladivostok à Kaliningrad, pourquoi ils doivent donner une si grande part de leurs recettes fiscales à Moscou, il n’y a qu’un seul argument : c’est l’existence d’un ennemi extérieur. Ce système conduit donc à agresser des pays étrangers. On peut imaginer un autre système, dans lequel les deux tiers des impôts resteraient dans les régions. Il faudrait pour cela que le pouvoir fédéral puisse être représenté par une Chambre des régions, capable de coordonner les intérêts communs. Évidemment, cela ne mettra pas fin du jour au lendemain aux situations conflictuelles, car certaines régions seront démocratiques et d’autres pas du tout. Mais un tel système ne serait plus agressif vis-à-vis de l’étranger, puisque la légitimité des pouvoirs régionaux ne serait plus fondée sur la menace extérieure. Voilà pourquoi après Poutine, la Russie doit devenir une fédération. On doit créer une Russie où le pouvoir appartient aux régions. A titre de comparaison, ce serait le modèle de la Suisse ou des Etats-Unis d’il y a deux cents ans. Un tout autre modèle nous ramènerait au point où nous en sommes actuellement. Et l’Occident devrait le comprendre, au lieu de toujours chercher un tsar gentil…

Vous disiez au début des années 2000, que la Russie avait besoin d’environ vingt ans pour devenir un pays démocratique normal. Est-ce toujours possible aujourd’hui ?

Poutine nous a fait reculer très loin en arrière. Je n’aime pas utiliser de grands mots, ni faire de grandes comparaisons, mais j’affirme qu’actuellement en Russie, un régime fasciste est en place. Et ce régime fasciste est en train de se transformer en régime nazi. Comme si l’Italie [de Mussolini] devenait l’Allemagne [de Hitler]. Poutine a, en effet, réveillé des forces politiques complètement abjectes qui nient l’existence de la nation ukrainienne. Et aujourd’hui, il est obligé de compter avec ces forces, puisqu’elles forment l’épine dorsale du parti de la guerre. Plus il est isolé, plus il se rapproche idéologiquement d’elles. Combien de temps a mis l’Allemagne pour se remettre de la période nazie ? Vingt ans. Il faut un changement de générations. De même, à partir du départ de Poutine il faudra attendre au moins une vingtaine d’années.

Vous estimez qu’il serait contre-productif de détruire la Russie, car un leader du même genre que Poutine le remplacerait…

La défaite militaire de Poutine en Ukraine va sérieusement affaiblir son régime. C’est cette situation qui va mener au changement. Mais l’idée qu’il serait possible de changer le pouvoir en Russie de l’extérieur est contre-productive. Tout ce que l’Occident peut faire, c’est de continuer à maintenir les relations avec la société russe, conserver les sanctions technologiques, aider l’Ukraine à se libérer, et par la suite, quand les changements vont commencer à se faire en Russie, aider ce pays à changer la structure du pouvoir.

Dans cette Russie de l’après-Poutine, que vous nous décrivez, quel rôle souhaiteriez-vous jouer ?

Le poste de président ne m’intéresse pas. Tout simplement parce, comme je vous l’ai dit, qu’il ne peut pas y avoir de tsar « gentil » en Russie. Soit tu es un tsar, soit tu es gentil, mais pas les deux à la fois… Alors comment souhaiterais-je participer à la Russie de demain ? En lui apportant mes compétences. Je suis un manager professionnel et je sais comment gérer les questions d’ordre économique. J’ai dans ce domaine une grande expérience et si mon pays en a besoin, je la mettrai à sa disposition. J’ai également développé ma propre vision de l’organisation politique, en particulier du rôle du Parlement. J’admire sur ce point le Congrès américain, et son mécanisme de fonctionnement et de production de lois qui est très efficace. Et si un jour j’avais la possibilité de mettre en oeuvre en Russie un tel dispositif, cela m’intéresserait beaucoup. Mais est-ce que je pourrai le faire ? Si Poutine part demain, c’est une éventualité. Si son départ n’intervient pas avant cinq ou dix ans, c’est peu probable. Dans tous les cas, je suis convaincu que les changements d’ordre révolutionnaire doivent être portés par les jeunes. Or la Russie va devoir passer par une révolution : si vous voulez vraiment savoir qui va changer la Russie, adressez-vous à ceux qui ont 35 ans aujourd’hui.

Vous estimez que les Russes sont scindés en deux camps : d’un côté la « population de la télévision », une « majorité complaisante qui consomme et croit la propagande de Poutine » et de l’autre, la « population Internet », c’est-à-dire « une minorité croissante, qui veut se faire sa propre opinion ». Cette dernière a-t-elle les moyens de se faire entendre ?

Quand j’évoque ces deux catégories, j’ai bien conscience que cette séparation reste théorique. En effet, ceux qui veulent trouver des programmes de télévision sur Internet vont les trouver. A l’inverse, on peut échapper à l’influence de la télévision sans avoir accès à l’Internet, grâce aux livres et à toute la connaissance que l’on trouve en édition imprimée. J’ai passé dix ans en prison sans avoir accès à Internet, ce qui n’a pas fait de moi un consommateur de télévision ! Mais ce qui me paraît évident, c’est cette frontière générationnelle entre deux catégories de la population russe. D’un côté, les moins de 35 ans, qui sont dans leur majorité opposés la guerre. Et, de l’autre, les plus de 55 ans, qui y sont très largement favorables. Personnellement, je ne peux absolument pas imaginer que des gens de ma génération [NDLR : Mikhaïl Khodorkovski est âgé de 59 ans], qui ont connu l’Union soviétique, puissent être d’accord avec les bombardements de Kharkiv ou de Kiev… Mais c’est un fait !

À vous entendre, un changement de pouvoir de manière démocratique en Russie n’est pas encore à l’ordre du jour…

Non, parce que la voie démocratique réclame des élections. Or aujourd’hui, il n’y a pas d’élections en Russie ! Le système juridique russe n’offre pas la possibilité d’organiser de vrais scrutins. En réalité, si vous voulez qu’on vote pour vous dans le cadre d’élections honnêtes, vous devez d’abord faire la révolution et abolir les lois qui existent actuellement. Mais apparaît alors un deuxième problème. Si vous faites la révolution et que vous arrivez au pouvoir à la place de Poutine, la logique des événements va faire de vous un nouveau Poutine. Dans le passé, on a connu un seul dirigeant qui a essayé de ne pas devenir un autocrate : Mikhaïl Gorbatchev. Or, regardez combien de temps il est resté au pouvoir à partir du moment où il a commencé à faire de vrais changements : moins de deux ans. Pourtant, il avait à sa disposition un énorme appareil. Mais précisément, c’est cet appareil qui l’a détruit.

Vous rappelez que l’histoire de la Russie est une succession de régimes très autoritaires, et que les tentatives d’évolution démocratiques – la période de février à octobre 1917, et celle au début des années 1990, avec Gorbatchev et Eltsine – sont restées vaines. La Russie est-elle condamnée à être dirigée par des autocrates ?

Comme je vous l’ai dit, l’autoritarisme est une caractéristique immanente de la Russie ultra-centralisée. La seule voie possible pour parvenir à une démocratisation progressive du pays, est de détruire cette ultra-centralisation. Mais en faisant cela, il faudra se montrer très prudent, en prenant garde à ne surtout pas tout détruire. Car un éclatement de la Russie ferait naître un autre danger tout aussi grave : il y a dans notre pays un groupe de régions qui possèdent l’arme nucléaire. En cas de désagrégation l’Etat russe, la probabilité de conflits entre ces régions serait grande. Quand vous mesurez ces risques, vous comprenez pourquoi le chemin est très étroit entre d’un côté l’effondrement du pays et de l’autre cette ultra-centralisation. C’est ce chemin qu’il faut emprunter.

Vous racontez comment la libéralisation entamée par Mikhaïl Gorbatchev vous a permis de découvrir le fonctionnement l’Occident. Une femme en particulier vous a impressionné : la Première ministre britannique Margaret Thatcher, qui est venue à Moscou en 1987…

Oui, j’avais son portrait sur mon bureau. Et j’aimais beaucoup cette citation, inscrite sur cette photo : « Si vous voulez que quelque chose soit dit, demandez à un homme, si vous voulez que quelque chose soit fait, demandez à une femme. » Maintenant que je vis au Royaume-Uni, je comprends mieux le système politique britannique. Lorsque j’étais en Russie, la place de la reine me paraissait incongrue, et je suis certain que son rôle restait vague aux yeux de beaucoup de Britanniques. Mais avec sa disparition, tout le monde reconnaît son incroyable sens du devoir et la façon dont elle a servi la société. Les images de la rencontre entre Elizabeth II et la nouvelle Première ministre Liz Truss sont sur ce point très parlantes : on voit à quel point la reine puise dans ses dernières forces, mais elle le fait. Pour moi, c’est une leçon personnelle.

En mars 2021, vous avez entendu sur la radio Echo de Moscou que votre tête était mise à prix par le Kremlin. L’annonce promettait « une prime de 500 000 dollars pour la capture de l’ancien chef de la compagnie pétrolière Ioukos, Mikhail Borisovich Khodorkovski, qui se cache actuellement à Londres ». Vivez-vous avec la peur au quotidien ?

J’étais, disons, inquiet lorsque j’ai écouté cette annonce, mais cela fait partie de ma vie. Je ne peux pas dire que mon métier est le plus risqué. Il y a par exemple des pilotes d’avions de guerre dont le travail est beaucoup plus dangereux, et ils vivent avec ça.

Vous dirigez aujourd’hui la fondation Open Russia, qui promeut les réformes politiques en Russie, mais aussi l’indépendance des médias et financez le Dossier Center, qui réalise des investigations sur le Kremlin. Que savez-vous des liens entre des personnalités politiques françaises et le gouvernement russe ?

Je suis persuadé qu’une partie des hommes politiques français contribue de façon consciente au régime de Poutine. Certains le font en raison de leurs opinions politiques et d’autres, pour des motifs différents. Quand on m’avait invité à faire un discours devant une commission du Parlement européen [NDLR : le 10 mai 2021], je l’avais dit droit dans les yeux à certains d’entre eux.

Propos recueillis par Eric Chol et Cyrille Pluyette

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2 Comments

  1. Pas lu. Le personnage en question est d’ailleurs limite mafieux. L’express est un organe de propagande macroniste europhile et atlantiste : on ne peut donc pas lui accorder une once de crédibilité. Joe Biden, Ursula von der leyen et Emmanuel Macron font partie des dirigeants les plus fous et criminels de la planète au même titre que les dictateurs Azerbaïdjannnais, turc et iranien..Donc c’est bien en France et en Europe qu’il faudra en passer par une révolution…Ou se résoudre à fuir.

  2. Khodorkovski a avec Poutine une rivalité politique et mafieuse.
    Cela relativise l’intérêt de ses dires.

    En revanche, Poutine n’étant qu’humain il quittera la scène tôt ou tard.
    MAIS rien ne permet d’espérer une amélioration quelconque après son départ.

    Je suggère de lire, facilement accessible sur le web, en tapant sur Google « Agoravox Après Poutine ». Cet article ouvre qq perspectives sur la question.

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