L’écrivain Jean-Paul Pelras, ancien maraîcher, s’agace des belles âmes qui prétendent « revivifier les campagnes » en y envoyant des immigrés.
Début 2023, Emmanuel Macron entend proposer un projet de loi « relatif à l’asile, donc à l’immigration dans la République ». Et le premier d’entre nous de préciser (donc de reconnaître…) : « Notre politique aujourd’hui est absurde car elle consiste à mettre des femmes et des hommes qui arrivent, qui sont dans la plus grande misère, dans les quartiers les plus pauvres. » Avant de plaider « pour une meilleure répartition des étrangers accueillis sur le territoire, dans les espaces ruraux, qui eux sont en train de perdre de la population ».
Si j’étais de gauche, j’applaudirais des deux mains en approuvant cette généreuse initiative décidée, de surcroît, par celui qui sait si bien différencier « ceux qui ne sont rien » de ceux qui le valent bien. Oui, j’applaudirais des deux mains et je m’empresserais d’accueillir dans ma chambre d’amis ou dans ma petite résidence secondaire (gauche bobo) celles et ceux à qui il faudra forcément fournir la table et le logis.
Si j’étais de droite, je trouverais bien entendu l’idée inacceptable et j’évoquerais, in petto, les risques liés à l’insécurité, à la soudaine usurpation des emplois locaux, à l’impossible intégration de ces étrangers parmi les ruraux.
Étant (tout simplement) de la campagne depuis bientôt 59 ans, je préfère analyser cette hypothèse avec le regard de ceux qui sont rompus aux subtilités champêtres. Car, en évoquant « les espaces ruraux qui sont en train de perdre de la population » le président de la République a implicitement reconnu l’abandon de ces territoires isolés où plus personne ne veut venir soigner, investir, enseigner, commercer ou tout simplement s’établir et se reposer car il n’y a pas une seule barre pour téléphoner, pas de réseau pour se connecter, plus de clinique pour accoucher, plus de spécialiste pour diagnostiquer, plus de paysans, d’artisans ou d’industriels pour embaucher et depuis que, confinement oblige, un certain gouvernement les a poussés à plier boutique, plus de bistrot pour se désaltérer, plus de resto pour se sustenter. La liste est longue des causes et conséquences ayant précipité la déprise champêtre. Et lorsque je vous entends, monsieur Périco Légasse, décréter ces jours-ci, depuis un studio d’enregistrement parisien : « C’est une formidable idée, on peut allouer un lopin de terre et en faire des paysans. C’est l’avenir de notre ruralité », je me demande ce que vous entendez par « lopin de terre » et j’en viens à me poser quelques questions sur votre capacité à pouvoir évoquer, comme vous le faites régulièrement, le métier d’agriculteur.
Cette propension à vouloir s’occuper des affaires des autres, à savoir forcément ce qui est bien pour eux et à vouloir « faire des paysans » à tout bout de champ commence à devenir pénible. Que savez-vous, monsieur, du quotidien d’un agriculteur ? Ce quotidien que vous idéalisez, cet espace que vous « estimez », sans savoir ce qu’il en coûte de tenir l’outil, non pas pendant quelques secondes devant les caméras, mais durant toute une vie. Que savez-vous de ces prêts qu’il faut rembourser, même quand les éléments s’en mêlent, même quand les mercuriales s’effondrent, même quand le sort s’acharne sur ces récoltes qui n’arrivent jamais. Que savez-vous, messieurs Légasse et Macron du vertige qui envahit au moment de déposer le bilan, que savez-vous de la détresse qui gagne quand la grêle, le gel, la sécheresse ou la pluie détruisent les cultures en quelques instants ? Que savez-vous de cette concurrence déloyale qui contraint le paysan français, accablé par les normes environnementales, à abdiquer, car il ne parvient plus à garder sa place sur le marché ?
Et vous venez proposer à ces pauvres gens, comme au Moyen Âge au temps des seigneurs et des hobereaux, un lopin de terre ou des « espaces ruraux » afin de les occuper, afin de les éloigner de ces centres urbains et de ces banlieues où vous ne savez plus comment juguler la misère et calmer l’impétrant.
C’est manquer de respect à la fois à ceux qui pourraient arriver et à ceux qui pourraient les accueillir. Car le monde rural, et a fortiori son agriculture, n’est plus en capacité de fournir ni l’emploi ni les structures appropriées à ceux qui ont dû fuir leur pays.
Non, monsieur Légasse, nos campagnes ne doivent pas devenir ce tapis où l’on va dissimuler la misère du monde car elle sera devenue moins visible qu’à Paris.
© Jean-Paul Pelras
*Jean-Paul Pelras est écrivain, ancien syndicaliste agricole et journaliste. Rédacteur en chef du journal L’Agri des Pyrénées-Orientales et de l’Aude, il est l’auteur d’une vingtaine d’essais, de nouvelles et de romans, lauréat du prix Méditerranée Roussillon pour Un meurtre pour mémoire et du prix Alfred-Sauvy pour Le Vieux Garçon. Son dernier ouvrage, Le Journaliste et le Paysan, est paru aux éditions Talaia en novembre 2018.
N’est pas paysan qui veut.
Les migrants dans les campagnes ? Pas sérieux.
Cela suppose qu’ils sont légaux, avec tous les droits (sauf peut-être celui de voter, et encore).
Autrement dit, libres à se déplacer.
Autrement dit, à déménager en ville…
Et vu le réflexe grégaire de nos congénères (migrants ou pas), qui se ressemble s’assemble et ces migrants finiraient par reconstituer des « ghettos » urbains.
AUCUN moyen coercitif n’empêcherait cela ; à moins d’utiliser le réflexe grégaire sciemment et sur base ethnique ; de transformer la France en régime soviétique style années 1930, avec zones d’habitation ethniquement pures et des passeports intérieurs interdisant la mixité interzones.
Auquel cas on générerait des « Etats dans l’Etat » passablement autonome voire belliqueux ; et on officialiserait définitivement la situation dite « territoires perdus de la République ».
Même pas en rêve.
Jean-Paul Pelras est un type bien, qui défend réellement la ruralité, il suffit de voir ses articles. Quand à M. Périco Légasse, je n’en dirais rien pour rester poli
Moin qui autrefois éprouvais de la sympathie pour Polony-Lélasse…Les bras m’en tombent !