Le quarantième anniversaire des massacres de Sabra et Chatila est l’occasion pour plusieurs médias de faire revivre le mensonge de la “culpabilité juive” dans ce massacre de Palestiniens musulmans par des Phalangistes chrétiens. Deuxième volet de notre analyse de l’événement “Sabra et Chatila” comme événement “métaphysique” (E. Marty) et comme événement mythique.
La construction de l’événement dans le discours anti-israélien et antisioniste
Dans la relation médiatique de cet événement, il ne s’agit plus seulement de choisir et de sélectionner certains faits, mais aussi et surtout d’ériger certains faits en événements, ou plutôt de créer des événements qui n’ont qu’un rapport lointain – le plus souvent d’inversion et de négation – avec les faits. Ainsi, le fait de l’assassinat de Palestiniens par des phalangistes chrétiens devient l’événement mythique dans lequel Ariel Sharon, Tsahal, Israël, voire “les Juifs” sont les coupables de ces assassinats. L’événement Sabra et Chatila, selon cette analyse, est bien le contraire des faits qui s’y sont déroulés. Mais notre nouvelle définition de l’événement médiatique est incomplète : il y manque en effet une dimension supplémentaire, métaphysique.
Cette “dimension métaphysique” de l’événement est particulièrement saisissante dans le cas de Sabra et Chatila, où le massacre de centaines de Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un acte d’accusation contre les Juifs. En effet, explique E. Marty, “Sabra et Chatila dit peu de choses des souffrances et de l’horreur que vécurent ses victimes”, parce qu’il “est intégralement noué à la question juive, en tant qu’elle est le lieu auquel sont nouées l’angoisse du Bien et l’angoisse du Mal. Sabra et Chatila en ce sens est un événement métaphysique, auquel le scénario du bouc émissaire confère une sorte d’universalisme spectaculaire qui ne peut que fasciner la planète”.
Pour comprendre plus précisément cette dimension métaphysique de “l’événement Sabra et Chatila”, Éric Marty nous invite à lire ce qu’il appelle la “phrase primordiale et majeure” de Jean Genet, tirée de son livre Un captif amoureux : “Si elle ne se fût battue contre le peuple qui me paraissait le plus ténébreux, celui dont l’origine se voulait à l’Origine, qui proclamait avoir été et vouloir demeurer l’Origine… la révolution palestinienne m’eût-elle, avec tant de force, attiré?” Cette phrase, effectivement, est capitale, parce qu’elle donne la clé de compréhension non seulement de l’engagement de Jean Genet, qui se livre avec sincérité et lucidité, mais aussi de celui de très nombreux autres militants antisionistes. En ce sens, on a pu dire que la “chance” des Palestiniens était d’avoir pour adversaires les Juifs.
C’est à la lueur de cette affirmation capitale de Genet, qu’on comprend aussi la dimension métaphysique et mythique de Sabra et Chatila, et au-delà de cet événement, du conflit israélo-arabe dans sa totalité. L’événement Sabra et Chatila – comme la Nakba que nous avons abordée dans notre précédent chapitre, comme l’événement Deir Yassin sur lequel nous allons revenir et comme tant d’autres événements du même acabit – ne sont en effet que les maillons d’une même chaîne ininterrompue, qui remonte à la nuit des temps (c’est précisément la définition du mythe, qui renvoie toujours aux origines). C’est toujours le même spectacle qui est rejoué indéfiniment, et chaque partie est toujours assignée au même rôle : le Juif est sempiternellement assigné à son rôle d’assassin (assassin du Christ pour les chrétiens, assassin des prophètes pour les musulmans, assassin des Palestiniens pour le téléspectateur contemporain).
Comme l’explique encore Éric Marty, reprenant à son compte les analyses de René Girard sur le bouc émissaire :
“Le crime imputé à Israël a produit partout autour de lui de l’innocence. Cette innocence touche donc non seulement tous les crimes antérieurs, effacés par les noms de Sabra et Chatila, elle touche au nom même du criminel (à savoir, Elie Hobeika) qu’aucune foule n’a jamais scandé, elle touche enfin à l’essence du crime, car si les Juifs sont coupables, le crime cesse d’être un fratricide, un crime entre frères, pour devenir le crime d’un étranger. Le crime de Sabra et Chatila”, selon cette analyse, “est un cas particulier du bouc émissaire”. “La crise mimétique permanente instaurée par le processus accusatoire a produit un effet cathartique important : la réconciliation de tous les Libanais dans un mensonge mimétique, qui fait d’Israël le seul ennemi, le seul coupable… La nation jusque-là faite d’ennemis qui se haïssaient jusqu’à la mort est devenue fratrie, la grande fraternité”.
Ce qui est vrai du Liban, pays morcelé et éclaté en de multiples sectes, communautés et confessions et longtemps déchiré par de sanglantes luttes intestines, l’est aussi des autres voisins d’Israël. Car le “mensonge mimétique”, qui instaure une illusoire fratrie par la désignation du bouc émissaire, Israël, est tout aussi présent chez les autres pays arabes, en Syrie (où la minorité alaouite au pouvoir a longtemps utilisé Israël comme bouc émissaire), en Égypte, en Jordanie (nation largement artificielle du point de vue ethnique et historique, où l’hostilité à Israël sert de ciment à une fragile cohésion nationale), et jusque chez les Palestiniens, société clanique divisée dont le principal dénominateur commun est la haine d’Israël cultivée par ses dirigeants, ceux du Hamas comme ceux de l’Autorité palestinienne.
© Pierre Lurçat
(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éd. L’éléphant 2022)
Le Liban n est pas un pays de sectes comme on l entend en Europe et aux USA a propos des mafias deguisees grossierement derriere un paravent mystique.C est un pays qui compte 17 communautes,chacune divisee en une dizaine de partis politiques qui disposaient chacun d une milice.On denombre de 1975 a 1990 pres de 180 milices,parfois financees de l exterieur,comme des societes anonymes,et regulierement chargees en retour d exercer des missions barbouzardes,beaucoup plus faciles a teleguider que de risquer des affrontements classiques.
A l origine,les Libanais n ont rien demande.Ils avaient le premier niveau de vie du Moyen Orient,et un complexe hotelier et touristique digne de la cote d azur.Mais la ligue arabe n a pas supporte qu il s enrichisse alors que ses membres se ruinaient dans les guerres israelo arabes.
Non, Lamponeon (pelle à tarte). La « Ligue Arabe » a bon dos.
Le problème libanais est faussé à la base ; c’est les conditions mêmes de la genèse de ce pays qui en expliquent la déchéance.
Il s’agit d’un pays créé ex-nihilo (comme TOUS les pays du Proche Orient, dont Israël, sauf peut-être l’Egypte) par les puissances coloniales victorieuses de la première guerre mondiale, France et Grand Bretagne, moyennant le dépeçage du peu regretté Empire Ottoman dès 1917.
En l’occurrence c’est la France qui hérita des territoires actuels de la Syrie et du Liban et qui croyait que les chrétiens libanais, première communauté du pays, étaient susceptibles d’être ses « alliés naturels », tête de pont francophile à l’est de la méditerranée.
Un pays leur a été donc donné, distinct de la Syrie (qui n’a d’ailleurs jamais accepté la séparation).
MAIS les libanais prennent volontiers la mer (tradition phénicienne) et les chrétiens sont à l’aise en Occident. L’émigration des chrétiens et la démographie eurent raison des illusions françaises.
Le Liban est donc livré à la foire d’empoigne naturellement générée par la vacance du pouvoir ; en proie à des ingérences extérieures (Iran, Syrie) et à leurs délégués locaux (Hezbollah, Palestiniens…).
C’est dans ce nid de guêpes que l’armée israélienne de Sharon pénétra en 1982 ; occupant Beyrouth ; et espérant (comme la France 60 ans plus tôt) avoir le soutien des chrétiens libanais, organisés en « phalanges » (notons la terminologie fascisante…) et hostiles aux camps des « refugiés » palestiniens installés « sur le sol libanais ».
Il fallait donc ne pas trop brider ces potentiels « alliés » ; avérés de suite encombrants puisqu’ils profitèrent du laisser-faire par les Israéliens pour régler leurs comptes à Sabra et Chatila à la manière que l’on sait.
Sous le nez de l’armée israélienne installée dans les parages et qui préférait considérer que ce conflit entre Arabes n’était pas de sa responsabilité.
A tort ou à raison ? C’est tout le débat.
L ingerence de l Iran au Liban,en guerre depuis 1975,ne s est pas produite avant la chute du shah d Iran,chasse spectaculairement mais facilement du pouvoir par Khomeynih qui sut profiter du fait que les USA lachaient l heritier des Pahlevi,qui envisageait la creation d un cartel petrolier.Israel ne se rendait pas compte que celui qui en 1973 avait livre a Sadate le petrole pour sauver l armee egyptienne,que Tsahal etait sur le point d aneantir,laisserait la place a un regime theocratique bien plus dangereux.Quant a la Syrie,elle est entree dans la bagarre apres les premiers succes des IPP,en 1976,qui non contents de neutraliser les forces pro syriennes (PSNS et Saika),commencaient a tailler en pieces les Phalanges,ce qui ne pouvait qu affoler Assad.
La France a effectivement donne la presidence a un chretien,le poste de premier ministre a un sunnite et la presidence de la chambre a un shiite,mais c etait en fonction de la demographie de l epoque.On ne pouvait pas deviner que le taux de natalite des shiites exploserait.