Le 8 septembre, le monde entier apprenait avec une immense émotion la disparition d’Elizabeth II. La reine faisait partie un peu de la famille de chacun d’entre nous puisque elle a régné plus de 70 ans.
Les 300 000 juifs britanniques ont été profondément bouleversés par le départ de souveraine. L’équivalent du CRIF, le Board qui a été fondé en 1760, oui, j’ai bien écrit en 1760, a rendu hommage à « la sagesse, la bienveillance et le dévouement de sa Majesté qui ont inspiré des générations de citoyens britanniques, y compris notre communauté ».
Il est impossible d’évoquer la reine Elizabeth sans l’associer avec le prince Philip.
La première fois que Philip et Elizabeth se rencontrent, c’est en 1939. Philip fait alors ses classes dans la marine britannique. Le roi George VI vient visiter un centre de formation, accompagné par les princesses Elizabeth et Margareth. Philip a été chargé de faire visiter la base. C’est le coup de foudre mais Philip a 18 ans et Elizabeth 13 ans. La Seconde Guerre mondiale éclate peu après, et ils doivent attendre le 20 novembre 1947 pour se marier.
Le roi George VI tombe malade et meurt le 6 février 1952. Sa fille ainée Elizabeth II est couronnée le 2 juin 1953, et Philip devient le prince consort.
Le mari d’Elizabeth est né le 10 juin 1921 à Corfou. Il est prince de Grèce et du Danemark. Mais son oncle le roi de Grèce Constantin 1 er est destitué après la victoire des Turcs.
Philip décide de s’installer en Grande–Bretagne. Il y fait ses études puis il combat dans la marine pendant la Deuxième Guerre mondiale
Philip a quatre sœurs. Elles choisissent de s’installer en Allemagne. Trois d’entre elles se marient avec des nazis. Aucune d’entre elles ne sera invitée à son mariage.
Le destin d’Elizabeth va basculer. Son oncle, le roi Edouard VIII abdique officiellement en 1936 pour épouser une divorcée américaine Wallis Simpson.
Mais en réalité, elle est aussi la maitresse de l’ambassadeur d’Allemagne à Londres Joachim von Ribbentrop qui deviendra le ministre des Affaires étrangères d’Hitler. Wallis Simpson transmet au diplomate nazi des documents confidentiels car elle a convaincu le roi du bien fondé du projet d’Adolf Hitler. Le couple devient trop imprévisible et dangereux. Le gouvernement britannique pousse Edouard VIII à renoncer au trône.
Quelques mois plus tard, celui qui est désormais le duc de Windsor et sa femme partent en voyage de noces… en Allemagne. Ils sont reçus en grande pompe par le Führer dans sa résidence de Berchtesgaden.
La mère du prince Philip, la princesse Alice, a été abandonnée par son mari le prince André. Alice entre dans les ordres de l’église orthodoxe et en 1949 elle se rend en pèlerinage en Terre sainte. Alice meurt en 1969 à Londres, mais elle a demandé à être enterrée à Jérusalem où son corps est inhumé en 1988 à l’église Sainte-Marie-Madeleine sur le mont des oliviers.
En 1994, le prince Philip vient se recueillir sur la tombe de sa mère. C’est la première fois depuis l’indépendance en 1948 qu’un membre de la famille royale se rend en Israël. Le duc d‘Edimbourg se rend aussi à Yad Vashem. Car à titre posthume la princesse Alice est reconnue comme Juste parmi les nations. Elle a en effet sauvé à Athènes la famille du député juif Haimaki Cohen.
Lors de la cérémonie, le prince Philip laisse parler son émotion : « La Shoah a été l’événement le plus horrible de toute L’histoire juive. Il restera ancré dans la mémoire de toutes les générations ».
Puis il rend hommage à sa mère qui avait résisté aux menaces de la Gestapo: « Je suppose qu’il ne lui a jamais traversé l’esprit que son acte avait quelque chose d’exceptionnel. Elle considérait sans doute cela comme une attitude parfaitement naturelle envers des prochains en détresse ».
En 1995, le prince Charles, le futur Charles III, représente son pays aux obsèques d’Itzhak Rabin. Il revient en Israël en 2016 pour l’enterrement de Shimon Peres.
En 2020 Charles prend la parole à Jérusalem au Forum mondial de la Shoah à l’occasion du 75ème anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau.
William qui est désormais le prince héritier se rend à son tour en 2018 en Israël pour le 70 ème anniversaire de l’Indépendance. Des habitants de Tel Aviv le verront avec étonnement se promener aux côtés de la chanteuse Netta qui vient de remporter le concours eurovision de la chanson.
Elizabeth II, elle, ne s’est jamais rendue en Israël. Mais ce n’est pas de sa faute. Elle n’a aucun pouvoir politique. Aucun des premiers ministres qu’elle a connues – ils ont été 16 – ne l’a autorisée à aller en Israël : « Il ne faut pas mettre en péril nos relations avec le monde arabe ».
Mais la reine a régulièrement reçu des responsables israéliens comme Shimon Peres qu’elle a décoré.
Elizabeth II entretenait aussi des rapports réguliers avec la communauté juive. Elle a anobli plusieurs responsables dont le rabbin Nachman Sudak qui avait mis en place le mouvement Habad en 1959 en Grande-Bretagne et le rabbin Jonathan Sachs. Le grand rabbin du Commonwealth lui avait offert une hanoukia pour la remercier.
En 2015 la reine a effectué son dernier voyage officiel. C’était en Allemagne.
Bien sûr le prince Philip était auprès d’elle. Elizabeth II avait tenu à se rendre au camp de concentration de Bergen-Belsen.
Lundi 19 septembre, la reine sera enterrée au château de Windsor. Elle retrouvera enfin le prince Philip décédé en 2021, celui dont elle a partagé la vie pendant 74 ans et dont elle disait : « C’était ma force et même mon guide ».
© Haïm Musicant
Haïm Musicant est journaliste et écrivain. Il collabore à des médias en France, Belgique et Israël. Son dernier ouvrage paru est : » Israël une chance pour le monde » avec Olivier Rafowicz. Il a également occupé des postes de haute responsabilité : directeur général du CRIF, directeur du B’nai Brith Europe et du B’nai Brith France, et directeur-fondateur du Centre d’Information et de Documentation Israël-Proche-Orient (CIDIP)
Bonjour Haïm, quand tu dis « ce n’est pas sa faute » en parlant de la Reine Elisabeth et du fait qu’elle ne se soit jamais rendue en Israël tu parles sérieusement? Car elle avait quand même une grande autorité cette femme et si elle avait voulu je suis certaine qu’elle aurait pu y aller! Mais il y avait quand même de très facheux antécédents historiques entre les Britaniques et Juifs avant la création de l’Etat d’Israël ; je ne t’apprends rien je suppose. N’y a-t-il pas un lien avec ce sale passé et le voyage manqué de la Souveraine en Israël, à part le fait qu’il fallait pour les Britaniques garder de bonnes relations avec le monde Arabe?