

Hier, arrêt sur image. Godard n’est plus. Je lis les hommages publics. Celui de Brigitte Bardot me touche en pleine âme. « Et Godard créa le Mépris et c’est à bout de souffle qu’il rejoint le firmament des derniers grands créateurs d’étoiles ».
Malhabilement, j’écris un post court sur les réseaux. Il ne fera plus bande à part avec Pierrot le fou, il nous laisse à bout de souffle avec le dernier mot du « Mépris » : silencio.
Godard est mort.
Il y a ce lien avec ce film « Le Mépris » qui sert de support à l’un de mes livres. J’avais écrit ce texte dans un chagrin profond. Un deuil dont je ne parvenais pas à me relever. Les mots s’étaient imposés comme d’ordinaire et pourtant de façon extraordinaire comme soufflés par la voix de l’irréversible absent :
« On entend distinctement la voix de Piccoli dire : “On a téléphoné de Rome, ils sont morts.” Puis celle de Fritz Lang : “Je termine le film, il faut terminer ce qu’on a commencé.“
On ne voit plus que le ciel et la mer. La musique est celle de la fin du Mépris et le dernier mot du Théorème de l’hippocampe est celui de la fin du film de Godard :
Silencio

Oui, Godard est mort et cela me bouleverse. Son cinéma, en particulier ses premiers films, sa façon très particulière de filmer le corps, son amour des actrices, sa passion pour Anna Karina, et le regard qu’il porte sur BB à laquelle il offre un de ses plus beaux rôles dans « Le Mépris », son approche décalée en ont fait un des cinéastes emblématiques de la Nouvelle Vague.
Depuis hier, je lis des rappels à l’ordre.
On ne peut pas aimer Godard quand on est juif en raison de ses positions clairement antisémites.
Il est évident que je condamne ses propos. Et que c’est impardonnable mais vais-je pour autant ne pas dire que je suis bouleversée par Pierrot le fou, Alphaville où il révèle le talent d’Eddie Constantine, La Chinoise ?
J’ai cessé de voir ses films après « Prénom Carmen », film qui aurait dû être interprété par Isabelle Adjani mais qu’elle n’a pu honorer car son père était en train de mourir.
J’aime le cinéaste de cette nouvelle vague, celui qui a inventé une grammaire cinématographique, qui a donné ses lettres de noblesse à la voix off. Qui a réalisé l’impensable faire jouer à Fritz Lang son propre rôle.
Doit-on brûler Godard ? Qui a choisi le suicide assisté pour quitter ce monde ?
Ou continuer à regarder ses films comme les chefs-d’œuvre qu’ils sont ?
À chacun la réponse à cette question.
Mais, surtout, « silencio ».
© Felicia-France Doumayrenc
Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.