Culture / Albertine retrouvée
«Une saison avec Luce», Henri Raczymow, Editions du Canoë, 192 pages.
L’entreprise était risquée: transposer toutes les madeleines chères aux lecteurs de la Recherche dans un temps indéterminé mais où existent écrans et vedettes de télévision. Et le pari est réussi. Dans Une saison avec Luce, les jeunes filles en fleur se nomment Natacha, Babette et Luce. C’est de cette dernière que s’éprend Henri, le narrateur, en villégiature dans une ferme plutôt que sur la côte normande. Sur le papier, le reste du canevas est quasi identique à celui de Proust, dont Henri Raczymow est un grand connaisseur et amoureux. C’est dans les interstices que se glissent hommages, clins d’œil et audaces. En particulier celle de transcender l’œuvre de Proust et de transformer le roman en analyse, tantôt drôle, tantôt pointue. Luce, en effet, est obsédée par les relations charnelles qu’entretiennent le narrateur et Albertine. Le narrateur de notre roman, lui, est obsédé par les seins de Luce. Tous deux se plongent dans de longues conversations où il est question des joues rebondies d’Albertine, des professeurs Tadié et Compagnon, de la sexualité enfantine de Marcel. Alors qu’elle prépare une thèse sur Proust, Luce disparait, et Henri face à son deuil continue de chercher à percer le mystère des femmes qui aiment les femmes et des hommes qui aiment les femmes qui aiment les femmes. Un roman proustien au carré pour les amateurs, une histoire d’amour complexe et habitée pour les néophytes.
Marie Céhère
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