Gérard Kleczewski. L’hommage d’un fils à sa mère : de Yonathan Halimi à Sarah

Yonathan Halimi

Choqué, comme beaucoup de mes concitoyens et de mes coreligionnaires, par l’assassinat sauvage de Sarah Halimi (Zal), la nuit du 4 avril 2017, mais aussi par l’incroyable raté policier, judiciaire, médiatique et politique qui s’en est suivi, j’ai entrepris un long travail de réflexion sur et autour de cette “affaire”. 

Une “affaire” dont les faits sont sordides mais limpides – un voyou islamiste et terroriste massacre puis défenestre vivante une dame juive au coeur du quartier de Belleville à Paris – mais qui n’a pas donné une chance suffisante pour que la Justice puisse être rendue, par la faute de tant d’erreurs et de lâchetés cumulées, par l’invocation d’une prétendue folie et par celle tout aussi surréaliste d’une consommation de cannabis en guise de circonstance atténuante… 

Œuvrant depuis un peu moins de deux ans à l’écriture d’un roman, et sans doute influencé par ce travail de réflexion, j’ai glissé dans ma prose le personnage du docteur Sarah Halimi, directrice de crèche à la retraite. Un peu comme si, par l’écriture, je lui rendais en quelque sorte justice, elle dont les proches en avaient été privés. 

Au-delà des dizaines de pages lues sur cette “affaire”, des nombreuses prises de parole écoutées (notamment celles de son frère William Attal sur les réseaux sociaux), des heures elles aussi nombreuses à écouter, entre dépit, colère et atterrement, les réunions de la commission parlementaire, à participer aux manifestations de soutien et à échanger sur ce crime, je voulais mieux connaitre Sarah Halimi, née Lucie Attal. Je veux dire la femme, la mère, la grand-mère. Celle qu’un être immonde avait retranchée du monde des vivants et de l’affection de ses enfants et petits-enfants.  

Et parce qu’en février 2022, je me trouvais à Haïfa, j’ai tenu à rencontrer son fils Yonathan qui vit là-bas avec son épouse et ses enfants. Il y a créé en hommage à sa maman un Centre Communautaire (Ohel Sarah) dans le quartier de Neve Sha’anan. 

Le jeudi 10 février, Yonathan et son épouse m’ont invité à les rejoindre pour un long échange dont je donne ici des extraits, plus de six mois après. 
Et l’histoire semble sans fin : six jours après notre rencontre c’était la mort de Jérémie Cohen (Zal), puis il y eut celle de René Hadjadj (Zal) et tout récemment Monsieur Haddad (Zal)… Tant de drames qui ont suivi le martyr de Sarah Halimi sans jamais le faire oublier ! 

Gérard Kleczewski


Bonjour Yonathan Halimi. Vous et vos sœurs comment vivez-vous aujourd’hui, près de cinq ans après le drame ? 

Yonathan Halimi : Mes deux sœurs ont vécu très difficilement ce qui s’est passé en avril 2017. Elles ont quitté la France à cause de cela. Elles étaient très proches de ma mère. C’est encore très difficile aujourd’hui pour elles. Même simplement d’en parler… Je pense que c’est plus difficile pour elles que pour moi.  Moi, j’avais ma mère un jour sur deux au téléphone, on se voyait parfois en France, parfois elle venait. Chaque fois que j’avais une décision importante à prendre, j’en parlais avec elle. Vous savez, c’était quelqu’un de très sage, à l’écoute. Elle ne prenait pas de décision sans réfléchir beaucoup avant. C’était quelqu’un qui analysait beaucoup les sentiments, qui était dans la compréhension de l’autre. Je peux dire que la sensibilité et la bienveillance la caractérisaient vraiment. 

Mais alors, tout ce qui a été dit sur ce qui s’est passé en 2017 montre à l’évidence qu’elle vivait dans cet immeuble de la rue de Vaucouleurs dans un climat hostile. Comment a-t-elle pu rester dans ce contexte, dans cet immeuble ? 

YH : Effectivement, vous avez raison. Elle a toujours essayé de partir… Mais ça ne s’est pas fait. Je pourrais dire ça ne s’est pas fait à temps. 
Vous savez, quand nous sommes arrivés dans le quartier de Belleville, il y avait alors beaucoup de juifs. Il y avait des écoles juives, comme Ozar Hatorah, de nombreuses synagogues. L’hostilité s’est installée peu à peu. Elle est arrivée avec le temps. 
Ma mère a bien pensé à faire son alyah, ou à minima à déménager à Créteil où vivaient mes sœurs. Malheureusement, ça ne s’est pas fait… Elle devait partir, elle le devait, mais voilà elle ne l’a pas fait… C’est une somme de ratés qui a fait qu’elle n’a pas bougé. Cela ne s’est malheureusement pas joué à beaucoup. Mais combien de juifs vivent encore à Belleville ? 

L’épouse de Yonathan ajoute : Les gens qui vivent dans un climat qui parait hostile ne perçoivent pas les choses de la même manière que ceux qui voient ça de l’extérieur. Je m’explique : parfois, quand il y avait des attentats en Israël, des gens s’inquiétaient et nous disaient « mais comment vous faites pour vivre là-bas ? » et inversement les gens en Israël disent maintenant aux juifs restés en France « mais comment faites-vous pour vivre en France alors que la France aujourd’hui, en tous cas en certains endroits, c’est vraiment devenu très dangereux ? » 
Pas plus tard que tout à l’heure, j’ai eu une amie israélienne qui aime bien voyager une fois par an à l’étranger et découvrir un autre pays, et qui m’a dit « moi, j’ai rayé la France de ma liste parce que j’ai entendu que la France est devenue très antisémite. » En revanche, les gens qui vivent en France ne le ressentent pas de la même manière. Effectivement, beaucoup se sentent en insécurité, mais pas de la même manière qu’on le ressent pour eux ici en Israël, ou ailleurs dans le monde. Vous savez par exemple que certains pays asiatiques, qui autrefois généraient beaucoup de touristes à Paris, recommandent aujourd’hui à leurs ressortissants de faire particulièrement attention quand ils voyagent. Bien sûr, ils évoquent d’abord la saleté et la désorganisation de la capitale, mais aussi l’insécurité qui a fait un bond spectaculaire depuis des années.  Donc, je pense que ma belle-mère vivait dans cet endroit depuis plus de 25 ans et n’éprouvait pas tout à fait la même inquiétude que nous. 

Était-ce aussi une question de moyens ? L’incapacité financière de se reloger ailleurs ? 

Yonathan Halimi : Pas forcément, pas forcément… 
Mme Halimi : Si elle faisait le changement, elle voulait se rapprocher de l’un de ses enfants. Il y avait la sœur de Yonathan qui vivait à Créteil. Elle avait donc essayé de voir pour Créteil. Quant à nous, nous habitions Haïfa. Elle avait essayé. D’ailleurs, elle était venue en vacances ici l’été précédent son décès, et elle devait venir nous voir après Pessah pour assister à la bar-mitsvah de notre fils ainé. 
Elle en avait profité pour regarder un peu les maisons. Elle avait même contacté une agence immobilière qui parlait français et on avait visité avec elle quelques maisons. Elle se projetait beaucoup sur Haïfa. Et pour vous avouer une chose très triste : le lendemain de son enterrement, j’ai reçu un appel de l’agent immobilier qui m’a dit « voilà, j’ai trouvé un superbe appartement pour votre belle-mère, vous pouvez lui en faire part ? » Je lui ai répondu « c’est trop tard… ». [Silence de part et d’autre dans la salle, avant que Mme Halimi ne brise ce silence au bout de quelques secondes] Comme mon mari vous l’a dit, ça n’était pas une personne qui se précipitait dans ses choix, elle réfléchissait, faisait mûrir sa réflexion, et donc sur ce sujet aussi ça a pris du temps. Et cette prise de temps lui a été fatale… Mais comment pouvait-elle s’imaginer ce qui allait lui arriver ? 

Parlait-elle souvent de cette insécurité endémique, de ces gens qui l’insultaient ou à minima lui parlaient mal, des trafics et notamment du trafic de drogue dans sa cité ? 

YH : Effectivement, ma mère avait tendance à raser les murs. Elle cherchait à ne pas se faire voir ou faire ressentir sa présence. Elle était naturellement très discrète. Et bon, elle menait sa petite vie, n’essayait pas de rentrer en conflit avec qui que ce soit. Bien entendu, elle m’avait déjà parlé de ce terroriste qui était connu dans tout l’immeuble et le quartier, qui faisait peur à tout le monde, que tout le monde dans le quartier considérait comme une grosse brute. 

MH : D’ailleurs, je pense que c’était six mois avant à peu près qu’il avait été libéré de prison. Et ça n’était pas la première fois du tout, pour toutes sortes de délits, dont déjà des délits violents. Il n’avait jamais tué avant ma belle-mère, mais soit dit en passant, pour tous ces délits, il n’a jamais été traité de fou, il a bien fait de la prison, même si on suppose que dans bien des cas déjà il était passé à travers les mailles de la police. 

Cet argument de la folie, vous en êtes conscient comme tous les gens sensés : il ne tient pas ?  

YH : Bien entendu ! C’est d’une incohérence totale… 

Comme moi vous pensez que la Juge d’instruction n’a pas fait correctement son métier et n’a eu en outre aucune bienveillance ni sensibilité dans cette affaire ?  

YH et MH : Tout à fait ! 

Pour en revenir à l’explication du non-départ de Sarah Halimi, je comprends mieux le pourquoi mais n’avez-vous pas l’impression que, comme c’est souvent le cas avec des gens qui ont en eux une haute dose de bonté, de générosité et de bienveillance, ils ne voient pas vraiment le mal tel qu’il est ?  

YH : C’est aussi peut-être parce que c’est à ma connaissance la première fois dans l’histoire en France qu’un assassin et terroriste passe à l’action dans l’endroit même où il vit et habite. 

MH : C’est ça aussi, personne ne s’est imaginé…

Oui, et sans doute une partie du silence des autorités vient d’une peur bleue que ce genre de crimes se reproduise. Du reste, l’utilisation des mots a un sens : depuis 2017 on parle de « l’affaire Sarah Halimi », alors qu’on devrait dire « l’affaire Kobili Traoré », vous y avez pensé ? 

YH : Bien sûr. On parle de ma mère comme si, quelque part, elle était à la fois victime et coupable d’avoir été massacrée et défenestrée. On n’a pas dit le nom de Traoré (qui se faisait appelait Fofana sur Facebook, sic), les médias ont longtemps caché son identité, sa photo. La juge d’instruction comme les policiers ont absolument tout fait pour le protéger. Comme le dit mon oncle, ils ont enterré l’affaire depuis le début. Et malgré toutes les preuves apportées, ils ne veulent pas l’admettre et ne veulent pas revenir sur leur décision de ne pas le juger, alors même qu’un procès était utile et nécessaire à l’expression de la vérité. Mais la vérité n’était tout simplement pas possible, elle ne devait pas être dite.

Revenons à votre maman. C’est elle qui m’intéresse aujourd’hui, bien plus que « l’affaire » dont on connait beaucoup de détails désormais. Qui était-elle vraiment ? On sait qu’elle a été médecin, qu’elle a dirigé une crèche, mais déjà elle continuait de s’appeler Halimi alors que son nom de jeune fille c’était Attal (nda : Lucie Attal, la Juge d’instruction devant la commission parlementaire ne l’a pas nommée une seule fois Sarah Halimi). Elle était divorcée de votre père, mais a conservé son nom ? D’où venait-elle ? 

YH : Elle était divorcée. Elle est née et a grandi à Nogent-sur-Marne, dans une famille juive traditionnaliste originaire d’Algérie. Mon grand-père venait d’Oran, et je crois ma grand-mère d’Alger. C’est à vérifier. Elle, en tous cas, était née en France en 1951, à Nogent-sur-Marne et n’a pas connu l’Algérie, sa famille étant arrivée dans l’hexagone bien avant l’indépendance. Ils pratiquaient dans sa famille les fêtes, Pessah, Kippour, etc. Elle a par la suite beaucoup cherché à en savoir plus sur ses origines, ses racines, le judaïsme et ses valeurs. Et ça correspond avec l’image que j’ai de ma mère : quelqu’un qui avait une très grande morale, toujours en quête de spiritualité et proche de la vérité, une femme très courageuse qui ne supportait pas l’injustice, l’indifférence, le manque de sensibilité et de respect pour l’autre. Une femme très courageuse je le répète qui nous a appris à toujours aller de l’avant, à ne pas craindre d’affronter les difficultés de la vie et surtout à chérir nos valeurs. Car nous avons des valeurs juives très fortes. Elle chérissait le chabbat, la Torah, l’importance de notre relation avec Achem. Ce sont des valeurs qu’elle tenait ancrées et qu’elle nous a transmises aussi.  L’importance de notre judaïsme, ça elle l’a toujours porté, car elle était très active dans sa crèche avec un public très vaste et hétérogène. Y compris dans notre famille nous n’avons pas vécu qu’avec des gens tous religieux. Elle était ouverte à tous les publics même si, bien entendu, elle recevait pour l’essentiel des familles juives et des enfants juifs dans sa crèche. Elle avait même trop de monde et était parfois obligée de refuser certains enfants. Ça n’était vraiment pas facile pour elle, ça la rendait malheureuse de devoir donner une priorité à certains par rapport à d’autres. 

J’ai lu aussi dans le livre de Noémie Halioua* qu’il lui arrivait de soigner certaines personnes gratuitement…

YH : Effectivement. Nous déjà, dans la famille, quand elle a eu son diplôme de médecin généraliste. Mais elle aidait quand elle pouvait certaines personnes, quand elles avaient par exemple besoin d’une ordonnance ou d’une consultation. J’ai même un ami qui m’a rappelé qu’il ne se faisait vacciner que par elle, car elle était d’une grande douceur. 

Et comment est-elle devenue directrice de crèche ?  

YH : Après que je sois né. Elle avait déjà en poche son diplôme de médecin généraliste. On lui a proposé ce poste de directrice de crèche. Comme elle était devenue pratiquante et que l’exercice de médecin généraliste n’était pas forcément adapté, car recevoir des hommes en plus des femmes aurait pu poser un souci en termes de pudeur, elle a accepté ce poste de Directrice de crèche en s’appuyant sur les compétences qu’elle avait acquises dans ses études de médecine. Cette crèche se situait au 44 rue Vieille du Temple, en plein cœur du Marais. Beaucoup de personnes l’ont connue alors. Beaucoup trouvaient qu’elle était une directrice exceptionnelle, qu’elle était dévouée… Les enfants l’adoraient. C’était une personne toujours d’humeur douce, qui savait cacher ses sentiments ou ses possibles colères, qui était encore une fois dans la compréhension de l’autre, qui essayait de donner une place à l’autre. Gérer une crèche, vous savez, ça n’est pas une chose simple. Elle était beaucoup à l’écoute de son personnel et elle avait une pensée pour chacune et chacun. Elle essayait d’améliorer les choses, d’organiser des réunions pour le faire, de trouver des solutions pour faire progresser les enfants et surtout d’inculquer des valeurs, avec beaucoup d’amour et de respect, jamais en force. Les gens l’appréciaient beaucoup pour ce qu’elle était et elle avait une très grande foi en elle et en Achem.

MH : Y’a quelque chose qui la caractérise beaucoup, je trouve, c’est qu’elle était à la fois très douce, très gentille, sensible à l’autre, mais sans avoir besoin d’élever la voix. Elle avait une très grande rigueur. C’est-à-dire qu’elle savait quand il fallait faire quelque chose et qu’il fallait le faire jusqu’au bout. Elle a toujours trouvé la manière de le faire de façon agréable et douce, jamais par la contrainte. Ce qui n’empêchait donc pas une certaine rigueur. 

YH : Oui, elle était gentille et sensible, mais elle savait aller au bout des choses et de ses convictions. Ce n’était pas quelqu’un qui se démontait devant la difficulté. Elle savait mettre ses sentiments de côté pour faire ce qu’elle devait faire. Dans notre éducation à mes sœurs et moi elle n’a pas fait de de compromis. Ce qu’on devait faire, on devait le faire, c’est tout. On devait se donner les moyens d’aller jusqu’au bout. 

MH : C’est ça qui était magnifique, car en général les personnes qui sont gentilles et douces ont du mal à avoir cette rigueur-là. Ou, à contrario, certains sont trop fermes, trop rigides et manquent de sensibilité. Elle arrivait vraiment à avoir cet équilibre, ces deux côtés-là qui peuvent pourtant paraitre opposés.   

Si je vous demandais de me donner une seule anecdote, la première qui vous venait à l’esprit, pour ceux qui ne connaissaient pas de son vivant Sarah Halimi (Zal), vous diriez quoi ? 

YH : Je parlerais des enfants. Avant son décès, nos dernières discussions c’était sur les enfants, savoir les écouter. Quand elle venait chez moi elle était très à l’écoute de mes enfants, mettait l’éducation au sommet des exigences de chaque humain devenu parent. Quand elle était chez moi, elle parlait beaucoup, elle communiquait beaucoup. Elle avait une relation incroyable avec mes enfants et avec mes neveux. C’était une grand-mère incroyable. Mais ça n’était pas une grand-mère qui se comportait comme une dame âgée. Elle voulait comprendre, elle voulait aider. Dès qu’il y avait une difficulté elle voulait aider. Moi-même quand j’avais un souci, une difficulté, je savais qu’elle la partageait avec moi, que ça devenait sa difficulté et qu’elle n’était pas tranquille tant qu’elle n’avait pas trouvé une solution. Surtout quand la difficulté se reproduisait, elle essayait de comprendre, d’encourager, de soulager. Elle me disait « tu dois t’investir tout le temps avec les enfants, entretenir une relation de simha (de joie), une relation saine ». 
Avec nos enfants, ceux de mes sœurs, elle avait 17 petits-enfants (un 18ème est né après son départ), elle passait beaucoup de temps. Quand ma sœur ne pouvait pas aller chercher ses enfants, elle s’en chargeait. Elle s’asseyait avec eux et faisait leurs devoirs avec eux. Dès qu’on avait besoin d’elle, elle était là. 

MH : Moi je me souviens qu’elle me rappelait aussi – c’était au moment où elle avait arrêté de travailler car la crèche avait fermé, malheureusement et c’était toute sa vie, la crèche, donc elle avait été en pré-retraite. Elle me racontait tout le temps comment elle pouvait s’occuper, ce qu’elle faisait, elle avait plein de petits loisirs. Ce n’était pas une femme qui restait à ne rien faire. Elle avait toujours des idées. Par exemple, elle s’était mise au tricot et avait fait des créations fantastiques. On a conservé du reste des petits vêtements qu’elle avait créés. Elle récupérait les enfants de ma belle-sœur qui habitaient à Créteil mais qui étaient scolarisés à Paris. Elle faisait donc avec eux les devoirs et elle me racontait que tous les jours elle essayait de trouver une nouvelle idée « Qu’est-ce que je vais pouvoir faire pour leur faire plaisir aujourd’hui ? » Elle s’investissait beaucoup auprès d’eux et ça la conservait. Elle ne faisait pas ça par obligation mais avec amour, avec passion. Elle était très sensible aux enfants, douce, gentille, ce n’est pas un hasard si elle a dirigé une crèche… 

Après le drame, il y a beaucoup de gens qui l’ont connue, que ce soit à la crèche ou quand elle était médecin, qui vous ont apporté leurs témoignages ?

YH : Oui, bien sûr. Enormément. 

MH : Je suis aussi entré en contact avec beaucoup de gens que je ne connaissais pas. Ils m’ont dit : « Voilà, j’ai connu votre belle-mère dans telle ou telle situation de la vie et elle a eu un rôle majeur pour moi. ». Encore récemment, une personne (une puéricultrice qui a travaillé il y a 30 ans dans sa crèche) m’a dit: « Je ne pourrai jamais l’oublier, je ne me suis jamais sentie aussi bien que dans la crèche de votre belle-mère ». Elle avait un vrai respect de son personnel qui était très soudé autour d’elle. 

Yonathan, vous me disiez que vous et vos sœurs n’avez pas réagi exactement de la même manière devant la situation. Mais pouvez-vous en dire plus ? Vos sœurs sont aussi pratiquantes ? 

YH : Ecoutez, ça a été très difficile pour tout le monde ! Oui, mes sœurs sont aussi pratiquantes. Pour ce qui me concerne, la difficulté principale c’est de m’être senti impuissant, de me dire qu’elle aurait dû venir pour la Bar-Mitsvah un mois plus tard de notre fils aîné. Quelques jours avant, elle avait même réservé ses billets d’avion… 

Du coup, la question que je me pose est la suivante : « Est-ce que le fait d’être croyant et pratiquant, ça aide à surmonter un drame comme celui-ci ? »

YH : Oui, c’est absolument certain ! Sans ça, ça aurait probablement été impossible. Le fait de se dire qu’Akadosh Baroukhou a voulu ça et a permis ça, même si on n’est pas en mesure de comprendre et qu’on a du mal à accepter, c’est important. 
On ne comprend pas pourquoi il a fait les choses comme ça. On sait que dans ce monde personne n’est éternel, qu’on est dans ce monde pour une période courte, qu’on a chacun un rôle à jouer, qu’on a chacun une place, des responsabilités à remplir par rapport à sa famille et à ses enfants. Et par toutes ses actions, ses mitsvots, on doit se rapprocher d’Achem. C’est ça que maman faisait sans relâche. 
Effectivement, dans l’histoire juive, ça n’a pas manqué malheureusement de drames atroces, d’assassinats sanglants, mais quand bien même on s’est toujours relevé ! 
Le peuple Juif a toujours eu, malgré toutes les difficultés, partout et par tous les temps (sous l’Allemagne nazie, au moyen-âge, dans les pays de l’est avec les pogroms, dans les pays du Maghreb notamment en Tunisie…), la force de remonter la pente. Et le miracle du peuple Juif qui a pu se réinstaller après tant d’années en Eretz Israël est la preuve de notre courage et de notre résilience. C’est la foi qui a permis tout ça ! 

* L’affaire Sarah Halimi, mars 2018, les Editions du Cerf. 

Gérard Kleczewski

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3 Comments

  1. Ce meurtre lâche, barbare, perpétré par un musulman radicalisé sur une femme sans défense parce qu’elle était juive, avec un assassin non jugé sous un prétexte odieusement mensonger, restera une souillure pour la justice et le gouvernement français.

  2. Toute ma sympathie, mon respect et ma compassion.
    Si les médias n’ont pas donné le nom et l’origine du tueur (ce qu’ils auraient fait s’il avait été blond ou roux aux yeux bleus !) C’est bien parce que le racialisme et l’antisionisme constituent un racisme d’Etat, le seul existant réellement. C’est l’essence même de nos régimes politiques du “monde libre”.

    • Le meurtre antisemite Sarah Halimi et tout le scandale politique, judiciaire et médiatiqu.e qui s,est ensuivi a eu lieu à l’aube du macronisme : c’etait un signe annonciateur…

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