Les bras m’en tombent. Dimanche 4 Septembre.
Je suis dans le Var chez Papie Indy, mon nonagénaire de père qui répare tout et monte sur les échelles. Je repars demain au volant de Proserpine, qui est à Parent ce que la batmobile est à Batman. J’ai pas osé l’appeler la Parentmobile. On est plus fiers que la chauve-souris, même si on vole moins vite et qu’on est fauché. J’ai toujours trouvé crétin ce pauvre Bruce Wayne, dans son manoir avec majordome et dessert, qui s’emmerde tellement qu’il enfile sa panoplie de super héros avec oreillettes et moule-burnes.
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Ce matin je me suis réveillé avec la phrase “l’ombre est venue avec la souffrance”. Ça m’arrive d’avoir comme ça un aphorisme un peu creux, coincé dans les méninges. Mon inconscient formule un truc en espérant , l’hypocrite, que je ne l’entendrai pas, et toc je me réveille. Mon psy va adorer. Sauf que j’ai pas de psy, alors j’adore tout seul. Je l’écris l’aphorisme dans ma boite à outils. Non, je n’ai rien contre les psys, ne venez pas me rouler dessus avec votre Sigmundmobile.
J’étais parti pour écrire une chronique sur mes lecteurs qui viennent de partout, de droite, de gauche, d’au-dessus et même des inhumés. Je suis un chroniqueur lu par les fantômes. Assez fier de tout ça. Ma fierté c’est que mes mots soient un carrefour pour les gens qui aiment la langue. Sauf la langue de veau qu’on servait à la cantine avec une sauce orange, le cuistot était un serial-killer. Donc je n’épiloguerai pas sur le sujet, politique ou morale, la conviction de chacun ne l’empêche pas de me lire, c’est mon plaisir.
Chacun est un chic type, Chacune une super nana. J’abhorre l’idéologie et les lascars qui ont business plan pour vivre ou un GPS de la pensée. Ceux qui défaillent et doutent sont de ma chapelle. Ce qui n’empêche pas l’opinion et l’opinel, pour couper le saucisson.
Dans le marigot de l’actualité, Sandrine Rousseau n’a rien dit aujourd’hui. Je suis prêt à parler d’elle avec commisération chaque fois qu’elle se tait, soit un jour fin février, les années bissextiles. Aujourd’hui, affolé devant son silence, je crains qu’elle ne soit malade ou occupée à chercher, à tâtons, ses lunettes vu le caractère taupalien de son regard.
Les gouvernants continuent d’opiner du chef chaque fois qu’on signale un scandale national. Ils sont d’accord avec leur nullité. L’akbaré en fuite, ils s’excusent. Vlad Poupoute qui coupe le gaz, ils déplorent. Les cabinets de conseils qui conseillent d’ouvrir un parapluie pendant l’automne, pour une note d’honoraire de 1,5 milliard, ils ont eu tort les gouvernants, ils demandent pardon. Il y a des hommes qui sont des applications et on les télécharge, avant de s’apercevoir que ça prend de la place et que c’est très con.
Déjà, il faudrait envoyer dans les îles de Bornéo les gens du marketing politique, pour qu’ils apprennent à construire des pirogues à balanciers. Ca ferait des économies d’énergie vaine. Ensuite ça serait bien qu’un dirigeant cesse d’opiner. Qu’il s’achète un opinel. Qu’il dise Je fais comme ça, et après je taille les lianes, ensuite je décide de mettre trois balanciers. C’est moi le chef d’ailleurs, opinez si vous voulez. J’aimerais que Manu-le-relatif dise ça. Pas qu’il opine, lui et ses sbires sont pas là pour opiner. Je ne ferai pas la blague que vous attendez. Le taulier pour moi, il bosse et se tait. Et quand il doit expliquer devant la nation, qu’il ne passe pas son temps à justifier qu’il a acheté des caleçons en or et une centrale nucléaire à pédales. Le courage en politique c’est d’assumer et dire : “si vous êtes pas contents les amis, c’est toujours la saison des élections en France”. Là, c’est moi qu’on verrait opiner, sans pinailler.
Denis Parent
La Chronique de Denis Parent « Les bras m’en tombent », que tous ses lecteurs assimilent à ses humeurs, est née il y a trente ans dans « Studio Magazine », où l’auteur nous entretenait de cinéma.
Denis Parent, j’adore, son humour décapant, son heureuse desespérance font que je m’y retrouve, version féminine; dès que je pourrai monter des marches, et les descendre- je me suis fracturé le col du fémur en tombant- j’irai chercher deux de ses livres que je ne possède pas.