Ce matin l’anniversaire d’un accident dû à une vitesse excessive prend plus de place dans les journaux que la mort de Mikhaïl Gorbatchev. La hiérarchie de l’audimat n’a rien à voir à celle de l’histoire. Le jour même de l’accident du tunnel de l’Alma, nous apprenions que les Groupes islamiques Armés avaient assassiné une vingtaine de lycéennes algériennes. Je m’étais alors battu, sans succès, pour l’on parle de ces princesses d’Algérie, mais une vague de mièvrerie lacrymale accompagnait l’ex épouse du Prince de Galles et emportait toute l’actualité sur son passage.
L’histoire retiendra tout de même que Gorbatchev compta plus que la monarchie ruineuse et grotesque de l’Angleterre. Comme journaliste, je me suis rendu plusieurs fois en URSS et dans les ex « démocraties populaires » entre 1986 et 1991, à l’époque des bouleversements.
Ma première surprise fut d’obtenir sans difficulté un visa soviétique, une dizaine d’années après mon dernier voyage au pays du mensonge déconcertant.
J’étais considéré comme un renégat du communisme et, à deux reprises, le consulat soviétique avait rejeté mes demandes de visa.
Changement de décor, au cours de l’hiver 1986-87 ! À Moscou, les portes s’ouvraient si facilement, que j’étais sur mes gardes. A peine arrivé, j’étais reçu au siège du comité central du PCUS, par une des étoiles montantes de la Perestroïka, Andreï Gratchev, que j’avais connu, quelques années plus tôt, lorsqu’il était vice-président de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique. Dans un français parfait, Gratchev parlait le langage de la vérité, décrivant le marasme dans lequel l’URSS s’était enfoncée.
Il était conscient de la situation paradoxale de Gorbatchev qui conduisait le changement, ouvrait toutes les pistes, tout en incarnant le passé maudit, en tant que secrétaire général du PC. Toutes les oppositions convergeaient contre lui : celle des conservateurs staliniens, attachés à leurs privilèges, celle des profiteurs pressés de s’enrichir, celle des démocrates radicaux exigeant de presser le pas, celles des mouvement indépendantistes dans les Républiques, celles des minorités. Et celle des dirigeants conservateurs de la RDA et de la Tchécoslovaquie. Pour ne pas parler de la majorité russe, furieuse des restrictions de vodka.
Obstinément, Gorbatchev s’est accroché à la voie des réformes démocratiques, espérant sauver l’URSS.
Il était trop tard.
J’ai vu, entendu tant de choses surprenantes et rencontré tant de gens au cours de ces voyages, que je ne puis en rendre compte ici. Je garde le souvenir de Moscou découvrant la liberté et retrouvant la mémoire. On dira ce que l’on voudra, on jugera les fautes et les hésitations.
Mais Mikhaïl Gorbatchev demeure celui qui par lequel les Russes et les peuples de l’URSS ont connu une liberté qu’ils n’ont pas su garder.
Guy Konopnicki
Monsieur Konopnicki je ne sais de quelle liberté vous parlez. Entre la chute de l’URSS et l’arrivée de VP la Russie a connu une période particulièrement sombre : la « thérapie de choc ». Pays en ruine, hypercriminalite et misère effroyable ayant cause au minimum 3 millions de morts (source unicef). La liberté pour qui ? Les mafieux et les oligarques.