Maxime Tandonnet. Vers une rentrée sociale « à haut risque »?

Entretien pour Atlantico avec Arnaud Benedetti et Luc Rouban

Sur une échelle de 1 à 10, quelle est selon vous la probabilité d’explosion en raison de l’inflation, de la crise énergétique et de l’instabilité politique ?

Je note d’abord que les explosions se produisent souvent au moment où on ne les attend pas. Nul n’avait anticipé Mai 68 en pleine « Trente Glorieuses » à l’exception du journaliste Pierre Viansson-Pontet selon lequel « la France s’ennuyait ». En 1995, l’ampleur de la révolte sociale contre le plan Juppé de réforme de la sécurité sociale et des retraites n’avait été envisagée par personne. Pas plus que la révolte des banlieues en 2005 ou la crise des Gilets Jaunes en 2018… Pour qu’une crise sociale se produise, il faut que trois paramètres soient réunis : premièrement l’insatisfaction ou mécontentement populaire, deuxièmement une forte impopularité, carence de l’autorité politique ou défiance envers les dirigeants et troisièmement un élément déclencheur qui va catalyser la colère. Les deux premières conditions sont largement réunies aujourd’hui. Mais il reste l’élément déclencheur, l’étincelle qui peut mettre le feu aux poudres… Après l’expérience des Gilets Jaunes et du mouvement social sur la réforme des retraites, on peut imaginer que le gouvernement va se cantonner à la prudence et tout faire pour éviter l’explosion. En outre, le pouvoir politique dispose d’outils de communication relativement efficaces pour contenir les tensions, notamment en jouant sur les peurs collectives et leur effet anesthésiant (covid19 hier, guerre Russie-Ukraine aujourd’hui).

Quels sont, dans la conjoncture actuelle, les éléments les plus susceptibles d’être moteurs d’une explosion sociale ?

Le dossier des retraites est explosif comme tout ce qui touche aux questions sociales et dans le contexte inflationniste, tout sujet relatif au pouvoir d’achat. Des décisions ressenties comme aggravant les difficultés financières des ménages démunis ou de la « classe moyenne » seraient hautement inflammables. Cependant, en ce moment le pouvoir politique communique habilement sur la distribution des chèques (sans provision…) prolongeant le « quoi qu’il en coûte » et aggravant la dette publique. Il a porté à la perfection la politique du « en même temps », c’est-à-dire l’art de juxtaposer d’une part des annonces tonitruantes pour donner l’illusion de la réforme et d’autre part l’immobilisme tranquille… Dans les mois qui viennent, il ne prendra sans doute pas de vrai risque. Cependant, le chaos peut partir d’un événement imprévisible comme le décès de deux jeunes garçons en 2005 lors d’une intervention policière ou à l’occasion d’une mesure d’apparence anodine à l’image de la taxe carbone en 2018, d’une provocation de trop, voire d’un scandale particulièrement insupportable pour l’opinion … L’explosion peut se produire au moment le plus inattendu et pour des raisons les plus improbables. Le mécanisme est bien connu : une catégorie de la population se mobilise autour d’un chiffon rouge, d’un symbole, d’un drame médiatisé ou d’une mesure gouvernementale même d’apparence anodine qui prend soudain une dimension emblématique, entraînant l’opinion derrière elle.

Si explosion il y a, quelle pourrait en être l’ampleur ? Et les conséquences ?

C’est difficile à dire car on est dans l’irrationnel, la psychologie de foule… Je pense qu’un gouvernement confronté à un fort mouvement de protestation dans les semaines ou mois à venir aurait pour réflexe de reculer très vite… Cependant, une fois que le mouvement est déclenché, un recul même rapide ne suffit pas forcément pour l’arrêter en cas de contagion des mécontentements et de surenchère des revendications. Le gouvernement dispose certes de l’arme du carnet de chèques sans provision – à laquelle il n’a aucun scrupule à recourir – pour éteindre les incendies mais jusqu’où peut-il l’utiliser sans provoquer une crise financière majeure ? Et puis, le passage de la crise sociale à la crise politique est désormais une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête. Dès lors que le pouvoir exécutif ne dispose plus de la majorité absolue à l’Assemblée nationale, une situation de chaos social et de violence généralisée dans la rue peut se traduire par une coalition des oppositions au Parlement. Dès lors, la crise sociale peut dégénérer en crise politique dans un engrenage fatal : vote d’une motion de censure, chute du gouvernement, suivie d’une dissolution de l’Assemblée nationale et pour la suite, tout est imaginable selon que le chef de l’Etat sort renforcé du vote législatif ou désavoué…

Maxime Tandonnet

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

1 Comment

  1. Monsieur TANDONNET vous n’avez rien compris ! Ce sont nos gouvernements et ceux qui les soutiennent qui sont dans l’irrationnel !…Et devraient rendre des comptes au reste de la population. Macron est parvenu à faire main basse sur quasiment tous les médias et a fait de notre pays au mieux une démocrature. En fait une authentique dictature. Donc la seule issue possible et la seule réponse souhaitable c’est un mouvement gilets jaunes puissance 10. Ce qui serait proprement irrationnel, ce serait de continuer avec de pareils dirigeants, une pareille désinformation orwellienne, un tel système éducatif, judiciaire et médiatique…Le plus irrationnel serait de continuer à subir un tel suicide collectif.

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*