Hagay Sobol. Le Hezbollah sera-t-il le fossoyeur du Liban ?

Le Liban et Israël n’ont jamais été aussi proche d’un accord sur leur frontière maritime, ouvrant ainsi la voie à l’exploitation des ressources gazières offshore pour le pays du Cèdre, augure d’embellie économique et de paix. C’est paradoxalement cette bonne nouvelle qui pourrait être la source d’un nouveau conflit car le Hezbollah perdrait alors sa raison d’être et l’Iran son bras armé.

Photo: REUTERS: Aziz Taher

Autrefois considéré comme la suisse du Moyen-Orient, le Liban est aujourd’hui un pays failli vivant l’une des pires crises économiques de la planète. Sa seule option est l’exploitation des ressources gazières de sa zone économique exclusive en Méditerranée orientale. Pour cela, il faut impérativement régler le différend frontalier, relativement mineur, avec son voisin israélien. Les négociations indirectes menées par le conseiller principal des USA, Amos Hochstein, faisant la navette entre Beyrouth et Jérusalem, seraient sur le point d’aboutir. Cependant, ce n’est pas le gouvernement officiel du Liban qui exerce le pouvoir, mais le Hezbollah chiite dont l’agenda est organisé depuis Téhéran.

Le retour à l’accord de Vienne ou JCPoA de 2015

Réunis à Vienne (Autriche) le 14 juillet 2015, les ministres des Affaires étrangères des pays signataires de l’Accord annoncent le succès des négociations. Wikipédia

Initialement négocié par les grandes puissances (Union européenne; Pays du P5+1: Allemagne, Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie) et l’Iran, cet accord était censé mettre un frein au programme militaire nucléaire perse. Mais en 2018, sous l’administration Trump, les USA s’en sont retirés suite au non-respect des engagements de Téhéran. Depuis le programme qui n’avait jamais cessé, s’est encore accéléré. Si pour certains experts, le point de non-retour est déjà atteint, le Président Biden a fait de la remise en selle du JCPoA sa priorité, quel qu’en soit le coût. En effet, ce serait la seule réalisation de politique extérieur à mettre à son crédit, alors que les élections à mi-mandat approchent, après le calamiteux retrait d’Afghanistan et la mauvaise gestion de la guerre en Ukraine.

Les Maîtres d’échec iraniens

Si l’est une qualité que l’on doit reconnaitre aux négociateurs iraniens, c’est leur maitrise de la manipulation. Les occidentaux naïfs ou trop pressés de trouver un substitut aux hydrocarbures russes ont cédé à pratiquement toutes les injonctions perses. Pour les Mollahs, cet accord est vital, non par crainte d’une action armée occidentale, mais parce qu’il leur permettrait de toucher une rente annuelle de 100 milliards de dollars, au prix d’un minimum de concessions, alors que le pays a été durement touché par les sanctions américaines. Pour les pays sunnites modérés et Israël, voisins de la Théocratie chiite et de ses affidés mais exclus des négociations, la crainte est grande que cette manne alimente les visées hégémoniques de Téhéran, en finançant et en armant sans limite le Hezbollah au Liban, le Jihad islamique palestinien (JIP) à Gaza ou les Houthis au Yémen.

La course contre la montre du Hezbollah

Seule faction ayant conservé ses armes après la guerre civile, au nom de la « résistance contre l’entité sioniste », le Hezbollah, assure son emprise sur le pays du Cèdre grâce à un arsenal considérable, dont près de 200 000 roquettes, et les canaux financiers de Téhéran. On comprend dès lors, que l’échec des négociations sur le tracé frontalier entre le Liban et Israël est une nécessité absolue pour ce groupe considéré comme terroriste par de nombreux pays. Un accord signerait sa fin et rapprocherait incontestablement le Liban des autres pays sunnites, donc des accords de paix d’Abraham, et augurerait une indépendance économique du Liban dégagé de la tutelle chiite. Raison pour laquelle, le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, multiplie les exigences nouvelles sur le tracé frontalier, et les provocations, dont la menace de destruction des plateformes offshore israéliennes, même en cas d’accord entre les gouvernements de Beyrouth et de Jérusalem. Pour l’Iran, il est primordial de revitaliser le JCPoA, avant l’aboutissement des négociations israélo-libanaises, pour conserver ses leviers stratégiques, en dollars sonnants et trébuchants, et son influence régionale, quitte à déclencher une guerre.

La réponse d’Israël en acte et en paroles !

Si la dissuasion a opéré depuis la fin de la seconde guerre du Liban, déclenchée par le Hezbollah, ce dernier est aujourd’hui acculé et pourrait prendre une décision extrême et suicidaire, sous l’impulsion de Téhéran. Israël, anticipant ce scénario, a pris les devants en agissant sur le front intérieur, au niveau régional et en portant des attaques à une très grande distance contre ses ennemis.

Sur le Front intérieur et son voisinage immédiat l’Etat hébreu, a agi contre les groupes terroristes islamistes armés par la théocratie chiite, en Israël, en Cisjordanie et à Gaza et fracturé le front chiite-JIP-Hamas. Ni ce dernier, ni le Hezbollah libanais ne sont intervenus pour porter secours à leur « frère » du Jihad islamique lors de la récente campagne de 3 jours à Gaza. En outre, leur affaiblissement, renforce le Fatah et l’Autorité Palestinienne en perspective de la lutte de pouvoir sans merci que vont se livrer les factions pour la succession de Mahmoud Abbas.

Pour augmenter encore la pression sur les Mollahs perses, Israël, pour la première fois, a laissé fuiter ou a reconnu à demi-mot des actions à très longue distance, bien au-delà de la Syrie, théâtre de la destruction régulière par Tsahal de convois d’armements avancés à destination du Hezbollah, mais non officiellement endossés. Tout d’abord au Yémen, où une usine de fabrication de missiles balistiques a été complétement détruite, privant Téhéran, via les Houthis, d’une attaque contre « l’ennemi sioniste », lors de la campagne d’aout à Gaza. Une telle opération suppose la participation de pays tiers, ne serait-ce que pour autoriser le survol de territoires, voire le décollage, des appareils (avec ou sans pilote) devant réaliser la mission. Mais plus humiliant encore, pour la Théocratie chiite, la presse arabe, Saoudienne en l’occurrence, s’est faite l’échos de survols de son territoire par des F-35 furtifs israéliens, ces deux derniers mois, tenant en échec les radars russes et iraniens.

Le Liban assis sur un baril de poudre !

Pour bien faire passer le message, et qu’il n’y ait aucune ambiguïté, l’establishment politique et militaire hébreu a fait savoir aux intéressés quel serait sa réponse en cas d’attaque du Hezbollah : son fief, c’est-à-dire le Sud-Liban, serait « ramené à l’âge de pierre » et « son chef éliminé » comme l’ont été récemment ceux du JIP. Les arsenaux de la milice chiite étant entreposés dans les habitations, les écoles, les hôpitaux, les mosquées, des souterrains parcourant tous son territoire, voire au-delà, et que les habitants, hommes, femmes, enfants servent de boucliers humains, dire que le Liban est assis sur un baril de poudre n’est pas une image mais une triste réalité. L’ONU, par l’intermédiaire de la FINUL, avait pourtant comme mission d’empêcher le Hezbollah de se réarmer après la guerre de 2006. Il s’agit là d’un manquement criminel de la part de la communauté internationale !

Il est tragique de penser que c’est au moment où une solution est en vue qui apporterait la prospérité et la paix que le risque est le plus grand. Cette perspective devrait normalement ramener à la raison, même les personnes les plus irréfléchies. Malheureusement, l’histoire a démontré à maintes reprises que la raison n’est pas une valeur universelle.

Par fatalité, ils sont de plus en plus nombreux, au pays du Cèdre, y compris parmi la population chiite, depuis la destruction du port de Beyrouth, à considérer qu’une guerre serait un moindre mal si cela leur permettait de se débarrasser définitivement du Hezbollah et de recouvrer leur indépendance.

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7 Comments

  1. C’est comme au western. Il y a de gentils et de méchants.
    Les gentils, c’est nous. Les méchants, c’est le Hezbollah et l’Iran.

    Non seulement ils sont méchants, mais ils sont aussi stupides.
    Signé Schnurh !

    • Nesaka74,
      En théorie, ce devrait être simple.
      Mais on l’a vu avec le récent conflit à Gaza, le jihad islamique qui n’a vraiment rien pour lui (groupe terroriste islamiste, djihadiste, homophobe, opposé à l’émancipation des femmes, utilisant des boucliers humains, enrôlant des enfants soldats…), et pourtant, il en est dans nos contrées, jusque dans les cénacles démocratiques, à leur apporter leur soutien contre la seule démocratie du Moyen-Orient. Au motif qu’ils sont palestiniens et qu’il s’oppose au seul Etat juif… tout cela au nom des valeurs humanistes !

  2. Lors du mandat francais sur le Liban,on a sous estime les shiites,juges trop pauvres.Et on ne leur a donne que la presidence de la chambre.
    Lors de l intervention des “marines” a Beyrouth en 1958,la CIA a dresse une mise en garde;les shiites rejoignaient le PC libanais de Georges Haoui et Nicolas Chaoui.
    Apres le debut de la guerre en 1975,le KGB a dresse une mise en garde;les membres de la garde populaire quittaient le PCL pour le mouvement Amal de Nabih Berri,soutenu par la Syrie.
    Puis l Iran des mollahs est intervenu,depouillant Amal au profit du Hezbollah.La poussee demographique a desormais place les shiites au sommet de l echiquier libanais,alors qu en 1978 ils avaient ete nombreux a se ranger du cote de l armee du Liban libre du major Haddad,soutenue par Begin.
    La seule issue pour Israel est de negocier le retrait des fermes de Shebaa contre la paix,car un remake du Golan ne pourra jamais se concretiser avec un parti confessionnel,soutenu par l Iran,et qui ne s alignera jamais sur le Baas syrien,qui est passe en situation de dependance.

  3. Lamponeon,
    Merci pour votre commentaire très détaillé et argumenté. Je suis sur la même ligne hormis les fermes de Shebaa (initialement situées en territoire syrien et non libanais).
    Je ne crois pas que ce soit le sujet mais plutôt un prétexte, à l’image de la contestation de la frontière maritime entre le Liban et Israël qui ne repose sur aucune réalité, comme le confirme la proposition initiale du gouvernement officiel du Liban. Ces revendications illégitimes n’ont pour unique objet que de maintenir la tension.
    Ensuite, il s’agit d’un rapport de force téléguidé depuis Téhéran. Céder sur ces deux points entrainerait une surenchère. Israël doit donc fixer les limites et le prix à payer en cas dé dépassement.
    C’est la force de dissuasion qui empêche les guerres et non les concessions à sens unique.
    Une diplomatie efficace n’existe pas sans une menace crédible.

  4. L Iran n est pas un pays arabe,mais grace a la religion shiite,dispose desormais d une fenetre de tir sur la mediterranee.Le Hezbollah dispose dune profondeur strategique (alaouites en Syrie,shiites en Irak,regime des mollahs en Iran) alors que les franco anglais avaient tout fait pour laisser des regimes faibles,diriges par des minorites (les Assad alaouites en Syrie,les Takritis sunnites en Irak).Aucun general ne pourra aplatir le hezbollah,qui joue aux resistants antiisraeliens avec bien plus d efficacite que les palestiniens.Les attentats de 1983 marquent un tournant militaire qui n est pas acheve.Les auteurs d attentats suicides ne s inspirent pas de Marx,Lenine,Mao ou Nasser.En revanche,ils savent que les hashashins (etymologie du mot assassin)ont tue nombre de chefs croises.Sans traite de paix definitif,il n y aura jamais de paix au Proche Orient,car la religion,fut elle devoyee,contrairement a l ideologie,sait resister aux defaites et changements politiques.

  5. Les premieres cartes geographiques serieuses editees sur le Liban sont l oeuvre du service cartographique de l armee francaise lors de l expedition decidee par Napoleon III.Dans le cadre du demantelement de l empire turc,la France a recu mandat de la SDN pour exercer sa souverainete sur ce territoire jusqu a son independance.L independance du Liban datant de 1943,et reconnue par l ONU,est anterieure a celle de la Syrie,qui date de 1946.Le clan Assad n a donc aucune legitimite,et encore moins legalite,pour revendiquer quoi que ce soit.Le Liban a ete sanctionne par le monde arabe (accords du Caire en 1969) pour n avoir participe qu a la premiere guerre israelo arabe (journal de marche des batteries d artillerie du sud Liban) et privilegie le commerce et le tourisme par la suite,choix tres comprehensible.Il n a donc pas a supporter par ricochet les consequences territoriales du face a face Israel-Syrie,Golan ou pas.Tout le monde sait tres bien que les cartes militaires de 1923-1932 attribuent les fermes au Liban.C est une carte des FFL,troupes un peu improvisees dans l enthousiasme,qui a denature les travaux anterieurs et induit en erreur l IGN.
    Ce territoire rikiki de 20 km2 est sans commune mesure avec le Sinai,restitue a l Egypte,mais pour les libanais-excepte Mr Joumblatt,en tres bons termes avec les druzes d Israel-c est un territoire non negligeable.Faut il rappeler que le Liban est un etat minuscule de la taille de la Dordogne.

  6. Et si la disparition du Liban était normale et prévisible ?

    Vu que le Liban, comme TOUS les pays du Proche-Orient (à l‘exception peut-être de l’Egypte) est la conséquence du dépeçage de l’empire Ottoman par les puissances coloniales victorieuse de la première guerre mondiale, la Grande Bretagne et dans une moindre mesure la France.
    Dépeçage se déroulant dès 1917 et surtout pendant la décennie 1920.

    En l’occurrence c’est la France qui a hérité du mandat sur le territoire correspondant à la Syrie et au Liban actuels ; et c’est elle qui a scindé la Syrie et le Liban, créant ce dernier « ex nihilo » vu qu’elle considérait que la forte communauté chrétienne de ce pays était son « allié naturel ».

    Or, les chrétiens partaient massivement et les musulmans, notamment chi’ites, se reproduisaient vite. La démographie a voulu que la raison d’être du Liban disparaisse avec le temps.

    D’où TOUTE la problématique libanaise actuelle. Il n’y a AUCUNE raison que ce pays ait une véritable indépendance ; il en est d’ailleurs incapable.

    « Le Hezbollah sera-t-il le fossoyeur du Liban ? », demande l’article.
    Lui ou un autre, on s’en fout… Le Liban tombera de lui-même.

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