Hébron est connue pour être l’une des plus anciennes villes du monde. Abraham y a acheté à Ephron le Hittite, la caverne de Ma’hpela pour y enterrer sa femme Sarah.
Hébron est surtout mentionnée comme la ville du Tombeau des Patriarches: Abraham, Isaac, Jacob, Sarah, Rébecca et Léa. Croisés, mamelouks, sultans, califes, se succédèrent de guerre en guerre, dans cette région appelée la Syrie du Sud.
La fin de la Première Guerre mondiale marquera la fin de 400 ans de domination turque. Après la conférence de la paix de 1919, les pays non-turcs furent placés sous l’autorité et le contrôle de la Société des Nations qui délégua ses pouvoirs à des États alliés. Le Congrès de San Remo confia à l’Angleterre le mandat de la Palestine. Le High Commissioner avait pour mission d’y assurer l’établissement d’un foyer national israélite et d’intensifier l’immigration des juifs. La présence juive constante et acceptée était appelée le Yishouv. Après les différentes vagues d’immigration il y eut la distinction entre vieux et nouveau Yishouv. Le drapeau de Palestine comportait une Étoile de David
Hébron
Vers la fin du XIXème siècle, la ville comptait, selon une estimation d’une délégation scientifique anglaise 17 000 habitants, dont 1400 juifs environ, qui vivaient dans un quartier juif, bien souvent appelé ghetto. Israël Romano, un notable turc installé à Hébron y fait construire en dehors des murs une bâtisse Beit Romano qui permit d’accueillir de nouveaux juifs réfugiés de Turquie. Grâce à Israël Romano, un mouvement se dessine et les juifs s’installent désormais hors du ghetto. Durant la Première Guerre mondiale, les Turcs organisent la mobilisation y compris des juifs et les familles se retrouvent dans une précarité extrême. Le Consul des Etats-Unis, Galsburg, fait parvenir de l’argent et de l’or aux juifs, leur apportant un soutien financier indispensable.
1920-1929
Le Haut-Commissaire nommé en Palestine, Herbert Samuel, doit faire face aux mauvaises relations entre juifs et musulmans, notamment sur la question de l’immigration juive. La pression des Arabes portera ses fruits et l’immigration juive sera limitée avec la parution des différents livres blancs qui contiennent les mesures de restriction de l’Alyah. Chaque nouveau juif est désormais perçu par les Arabes comme un ennemi, la différence entre le vieux Yishouv, jusqu’alors accepté, s’efface devant les revendications nationalistes. Pour tenter d’apaiser la situation, en 1921, Herbert Samuel nomme Hadj Amin El Husseini, mufti de Jérusalem. Mais, le futur ami d’Hitler, donne une dimension religieuse au conflit, car le mufti veut mobiliser le monde musulman contre « la menace juive pour le Mont du Temple ». On notera la similarité avec les messages qui accompagnent aujourd’hui chaque accès de juifs sur la Mont du Temple que les agences de presse traduisent par « les juifs attaquent et prennent d’assaut la Mosquée Al Aqsa ». Des mots qui traversent le monde musulman et incitent à la haine contre les juifs. La coexistence avec les juifs est alors qualifiée de « trahison » tout autant que la normalisation des relations avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham l’est aujourd’hui. Les relations entre les notables de la communauté juive de Hébron et le mufti sont, de notoriété publique, mauvaises, mais les responsables communautaires se veulent rassurants auprès de leurs membres.
Hebron, 20 août 1929
Le 20 août dans la nuit, un officier de la Haganah, organisation de défense du Yishouv, et quelques hommes viennent proposer d’organiser la défense de la Communauté et apportent des armes. Leur proposition fut mal accueillie et refusée. Le lendemain matin, le groupe reprend la route de Jérusalem. Cette mauvaise évaluation de la situation, ce refus de ce qui fut perçu comme une ingérence sera payée au prix fort.
Hebron, 23 août 1929
Dans l’après-midi du 23 août, la rumeur commence à se répandre dans Hébron que les Juifs massacrent des Arabes à Jérusalem. Une foule, que Cafferata, l’officier de police britannique chargé de Hébron, estimera à 700 personnes, se réunit à la gare d’autobus d’Hébron, dans l’intention de se rendre à Jérusalem ; Cafferata tente de les apaiser. Il recommande aux Juifs de rester dans leurs maisons et tente de disperser la foule. Selon les comptes rendus de journaux juifs de l’époque, différents survivants diront avoir entendu des Arabes menacer de « séparer les femmes [juives] ». Des propriétaires arabes dirent à leurs voisins qu’il y aurait un « grand massacre ». Plusieurs victimes prenaient le thé avec des soi-disant amis qui, dans l’après-midi, devinrent leurs assassins.
Vers 16 heures, des Arabes se rassemblent autour de la maison d’études, la Yéchiva de Hébron, et commencent à lancer des pierres. Shmuel Halevi Rosenholz, un étudiant de 24 ans, blessé, tente de fuir ; la foule le rattrape ; il est poignardé à mort. Cafferata demande à Abdallah Kardous, gouverneur de Hébron de convoquer les mukhtars locaux et de leur donner la responsabilité de préserver le calme ; Kardous refuse. Vers 18 h 30, Cafferata demande des renforts à Jérusalem ; on lui répond qu’il n’y en a pas de disponibles ; il s’adresse à ses collègues de Gaza et de Jaffa qui promettent de l’aider. Vers 21 heures, plusieurs mukhtars viennent trouver Cafferata, ils lui disent que le mufti leur a demandé — selon les sources — de venir à Jérusalem ou de passer à l’action, en raison du « massacre juif d’Arabes » à Jérusalem, les menaçant d’amendes en cas de refus ; Cafferata leur dit que tout est calme et leur demande de rentrer chez eux et d’y rester.
Le 23 août au soir, des personnes revenant de Jérusalem parlent d’un bain de sang provoqué par les juifs sur le Mont du Temple. Les démentis de la police locale n’arrêteront pas la colère.
Hébron 24 août 1929
Vers 8 h 30, le samedi 24 août au matin, une foule d’Arabes armés de gourdins, de haches et de couteaux est dans la rue. La première attaque est lancée contre la maison de la famille Heichal, sur la rue principale. Les deux fils de la famille, Elyahu et Israël, âgés de 16 et 20 ans, en sortent et cherchent protection auprès de policiers à cheval. Ils sont tués par la foule. Cafferata, présent, tire et tue deux Arabes. La foule lui jette des pierres. Tandis que Cafferata fait chercher des fusils, la foule entre dans les maisons des Juifs. Quand les policiers tirent sur elle, ils sont défiés aux cris de « Au ghetto ! » La foule se répand dans le bazar et pille, selon Cafferata, toutes les échoppes sans discrimination. Cafferata rapporte notamment avoir abattu un Arabe qui coupait la tête d’un enfant avec une épée et un autre homme, en civil, penché sur une femme avec un poignard
Des Arabes tuent environ 67 Juifs, en blessent 53 et pillent des maisons et des synagogues. 435 Juifs survivent aux événements dont 300 environ grâce à l’intervention de voisins arabes qui ont ouvert leurs portes et se sont interposés. Ils sont évacués par les autorités britanniques les jours qui suivent. Le massacre d’Hébron en particulier est un pas supplémentaire dans l’évolution des relations entre Juifs et Arabes dans la région et y joue un rôle déterminant. Elles mettent un terme à une présence juive de plusieurs siècles à Hébron.
Hébron, après 1929
Deux ans après le pogrom, des juifs décident de retourner vivre à Hébron. Les Rav Kook et Ouziel lancent un appel pour aider le retour des juifs dans la Ville des Pères. Chaque année donnera lieu à son lot de menaces et d’espoir jusqu’en 1936. Le 23 avril 1936, la menace est trop grande, les personnes de la Communauté sont exfiltrées et déplacées à Jérusalem. Seul un juif restera à Hébron, seul durant onze ans, Yaacov Ezra. Il reprend la fromagerie de son père et déambule dans la ville hostile qui le regarde avec étonnement. Suite au découpage effectué par la Société des Nations, le seul juif de Hébron doit quitter la ville le 30 novembre 1947. Jusqu’à l’arrivée du Rav Goren, Aumônier en chef des Armées d’Israël, qui, lors de la Guerre des Six Jours, fut le premier à entrer à Hébron. Le Maire de Hébron remit les clés de la ville en un acte de reddition immédiat à un officier de Tsahal.
Le 24 août 1924, il n’y avait pas d’Etat juif, pas de soi-disant apartheid, il n’y avait qu’un rejet violent, haineux des juifs, alimenté par une propagande mensongère. Voilà pourquoi il faut se souvenir du massacre de Hébron.
© Evelyne Gougenheim
Titulaire d’un DESS en relations de travail et d’un Diplôme d’aptitude à la médiation, Evelyne Gougenheim a occupé dans le civil le poste de Directeur des Ressources Humaines dans une grande entreprise paraétatique, puis a notamment créé une galerie d’art contemporain.
Elle occupa plusieurs postes d’importance dans notre communauté: Administrateur du Consistoire de Paris, du Consistoire Central, Vice-Présidente de la CJFAI ou Confédération des Juifs de France et Amis d’Israël. Celle qui a enfin effectué plusieurs Volontariats Civils en Israël et s’est impliquée fortement dans « l’Affaire Sarah Halimi » est Secrétaire générale du BNVCA depuis 2020.
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