ETATS-UNIS : CHAUTAUQUA / ATTENTAT JIHADISTE CONTRE SALMAN RUSHDIE
3e partie
Analyses / Témoignages
Nous n’avons pas entendu l’avertissement de Salman Rushdie
Bari Weiss / Common Sense / 13 août
[extraits]
Les mots ne sont pas la violence. La violence est la violence.
Je connais l’Institution Chautauqua. J’ai participé au programme sur l’éthique de la dissidence en 2018, sur la même scène où Rushdie s’apprêtait à intervenir l’autre jour. On ne peut pas imaginer un lieu plus bucolique que Chautauqua avec ses vieilles maisons victoriennes aux vérandas avec moustiquaires, ses portes qu’on ne ferment pas à clé, ses drapeaux américains et ses glaciers partout. Etablie en 1874 par des Methodists comme colonie de vacances pour des institutrices chargées de cours de religion [Sunday school], elle attire aujourd’hui des parents et grands-parents férus des interviews de Terry Gross sur la radio publique et du jeu de Wordle du NY Times. Il n’y a pas de lieu plus improbable comme scène d’une telle sauvagerie meurtrière.
Interrogé par L’Express en 2015, longtemps après les années où il vivait caché, Rushdie a dit que notre époque est « la plus noire » qu’il ait jamais connue. Pourquoi la plus noire ? Parce que les valeurs occidentales, la protection féroce de la liberté de pensée et d’expression qui lui avaient sauvé la vie, s’affaiblissaient. « J’ai eu alors la sensation que, si les attaques contre Les Versets sataniques avaient lieu aujourd’hui, ces gens ne prendraient pas ma défense et useraient de ces mêmes arguments contre moi, en m’accusant d’insulter une minorité ethnique et culturelle ».
L’interview avait été réalisé à l’occasion de la remise du prix Courage et Liberté d’expression de la PEN américaine à Charlie Hebdo, une décision contestée par plus de 200 auteurs célèbres, dont Joyce Carol Oates, Lorrie Moore, Michael Cunningham, Rachel Kushner, Michael Ondaatje, Teju Cole, Peter Carey, Junot Díaz. Ces écrivains laissaient croire que ceux qui ont vu leurs amis assassinés pour avoir publié une revue satirique, y étaient pour quelque chose , qu’on ne devrait pas publier des choses qui pourraient offenser une minorité et que les dessinateurs de Charlie Hebdo, y compris ceux qui ont été tués, avaient certainement offensé. Les écrivains contestataires ont accusé la PEN de « valoriser sélectivement des œuvres blessantes, des œuvres qui renforcent les sentiments anti-Islam, anti-Maghreb, anti-arabe déjà répandus en Occident ».
(Alors que j’écris ces lignes je reçois un flash info du New York Times m’informant que « la motivation de l’assaillant n’est pas claire ». Pas claire!?
Bien entendu, c’est en 2022 que le couteau des Islamistes atteint enfin Salman Rushdie. Bien entendu, ça se passe aujourd’hui, quand on prétend que la parole est littéralement la violence, que J.K. Rowling menace littéralement la vie des trans et que le fait même de parler de quelque chose qui pourrait blesser quiconque veut dire que vous nier littéralement son droit d’exister. C’est bien entendu maintenant, quand nous sommes entourés de niaiserie, et de faiblesse, et de nombrilisme qu’un homme monte sur scène et plonge un couteau dans le corps de Rushdie, le plonge dans son foie, le plonge dans son bras, le plonge dans son œil. Ça c’est la violence.
https://www.commonsense.news/p/we-ignored-salman-rushdies-warning
Commentaires et témoignages :
13 août LCI –Jean-Éric Baraa, spécialiste des Etats-Unis : « L’islam est une religion de paix ». En tandem avec Tarek Oubrou qui noie le poisson dans la soupe relativiste : « Toutes les religions, partout, tôt ou tard, tous, toutes, tous, toutes …”
15 août — Zoom avec M. qui me dit en passant : « On a une amie qui tient un stand à Chautauqua, pas loin de l’amphithéâtre où l’agression a eu lieu. Elle nous a dit que toutes les activités se sont déroulées comme si de rien n’était. Oh, oui, une chose : ils ont annulé la journée portes ouvertes. Quelle importance ? L’assaillant avait son ticket d’entrée. En fait, nous avons exposé plusieurs fois à l’Institution. Il n’y a rien que ça à Chautauqua. Ce n’est même pas un bourg. »
Salman Rushdie, sous ventilateur, risque de perdre un œil suite à l’agression au couteau
Pilar Melendez, Sean Piccoli, Josh Fiallo / The Daily Beast /13 août
[extraits]
Gabriel Sanchez, 24 ans, un ancien camarade de classe à l’Elizabeth Learning Center (high school) en Californie se confie à la Daily Beast : Sanchez, choqué d’apprendre que Matar est impliqué dans un crime épouvantable, se rappelle de lui comme un musulman pieux qui prenait sa religion au sérieux et faisait les ablutions des pieds dans les toilettes de l’établissement. Il participait aux débats et avait plusieurs amis. « La seule fois où je l’avais vu ‘chauffé’ c’était quand il a écrit, dans son évaluation de fin d’année, qu’il détestait les propos de notre prof de Bio au sujet de la religion ». Matar, pas vraiment un papillon social, jouait au basket pendant la pause déjeuner et passait beaucoup de temps à lire. Il n’a jamais parlé de l’Iran ou de Rushdie. « Je me rappelle qu’on avait parlé de la gentillesse. C’est comme ça que je me souviens de lui et j’aurais voulu que ce ne soit pas lui [le coupable]. Ce n’est pas le Hadi que j’ai connu. Il s’est ensuite installé dans le New Jersey en 2014 ».
[Le voisinage de Matar à Fairview New Jersey]
La plupart des voisins qui regardaient à proximité le va et vient des policiers, disaient ne pas vraiment connaître l’assaillant de Rushdie. Un homme, qui a reconnu sa photo dans les médias, dit qu’ils se croisaient des fois, se saluaient d’un petit geste de la main, rien de plus. Antonio Lopa, 70 ans, un paramédical à la retraite, qui vit en face, le voyait souvent passer mais ne le connaissait pas. Il pense que Matar vivait avec six ou sept autres personnes dans la maison individuelle louée il y a trois ou quatre ans. Wilbur Iza, 40 ans, dit que c’est un quartier où des gens de toutes origines cohabitent tranquillement.
[témoin de la scène à Chautauqua]
Ward Pautler, 76 ans, qui était assis au troisième rang dans l’amphithéâtre, nous raconte que Rushdie venait d’entrer sur scène quand un homme costaud, portant une coiffe noire, s’est jeté sur lui. Croyant tout d’abord que l’homme frappait l’écrivain, Pautler s’est vite rendu compte qu’il le poignardait. On ne porte pas un coup de poing avec le côté de la main. Plusieurs personnes ont rapidement sauté sur la scène, les uns pour maîtriser l’assaillant, les autres pour porter secours à l’auteur.
Salman Rushdie n’a jamais été en sécurité
Daniel Pipes/ Spectator/19 août
L’Ayatollah Ruhollah Khomeini, l’islamiste le plus conséquent du siècle dernier, avait personnellement édicté en 1989 la condamnation à mort (souvent appelé fatwa) de Rushdie pour blasphème commis dans son roman de réalisme magique, Les Versets Sataniques. Pendant plus de douze ans, Rushdie a vécu sous un pseudonyme, en cachette, protégé par la police britannique, changeant constamment de refuge. Sa vie a été bouleversée.
Et pourtant, déjà à cette époque, Rushdie avait tenté des ruses pour se convaincre d’un relâchement de la sentence. En 1990, il a désavoué des éléments du roman qui remettent en cause le coran ou l’Islam. Ses ennemis n’en étaient pas dupes, mais Rushdie se disait soulagé.
En 1998, suite à des concessions balbutiées par des responsables iraniens, Rushdie criait victoire : il n’y avait plus de menace du côté iranien, la fatwa allait « flétrir sur la vigne ». Après tant de mauvaises nouvelles, cette bonne nouvelle sonnait comme si on t’annonçait que ton cancer était parti sans laisser de traces. « Alors, c’est fini, le cancer. »
Convaincu d’être libéré de la menace, Rushdie a reproché aux organisateurs du Festival d’écrivains de Prague en 2001 d’avoir mis en place des mesures de sécurité excessives, gênantes, qu’il avait préalablement déclinées. Surpris de découvrir le dispositif, il s’est dit happé par un « time warp, renvoyé vers une époque révolue ».
En 2003, Rushdie a demandé à son ami Christopher Hitchens de me remonter les bretelles. J’avais supplié Rushdie, dans au moins six textes publiés, de reconnaître que la condamnation de Khomeini ne serait jamais levée et qu’il ne serait jamais à l’abri d’un fanatique déterminé à l’agresser. Hitchens, tout guilleret, se moquait de mon entêtement « aigri et puéril » quand « Rushdie vit aujourd’hui à New York sans garde du corps et se déplace librement ».
Invité d’une émission comique en 2017, Rushdie a méprisé le coran (« lecture peu agréable») et s’est moqué de la condamnation à mort , tout en se vantant du « fatwa sexe » accordé par des femmes excitées par le danger.
En 2021, surprise : Rushdie avoue sa propre addiction aux illusions. « C’est vrai, je suis bêtement optimiste et je crois que ça m’a servi pendant les années horribles car j’étais quasiment le seul à croire au happy ending ».
Enfin, en 2022, quelques jours avant l’agression, Rushdie a déclaré que la sentence n’était plus d’actualité. « Aujourd’hui je mène de nouveau une vie normale ». A la question de savoir ce qu’il redoutait, Rushdie avait répondu :« Autrefois j’aurais dit le fanatisme religieux mais je ne le dis plus. Le plus grand danger à présent est la perte de notre démocratie ». C’était par rapport à la décision de la Cour Suprême, confirmant l’argument que le droit à l’avortement n’est pas inscrit dans la Constitution.
Alors que Rushdie et ses amis reléguaient la condamnation au passé, ses ennemis islamistes répétaient sans arrêt qu’elle était toujours en vigueur et qu’ils finiraient tôt ou tard par l’appliquer. Et ils l’ont fait ! Il a fallu un tiers de siècle mais l’assaillant est enfin venu, quand Rushdie s’est présenté, sans protection, au public.
Allons-nous tirer la leçon de ce triste conte de fanatisme et d’illusion réunis ? La Russie et la Chine sont, sans doute, des adversaires redoutables, mais l’Islam est une menace idéologique. Ses praticiens couvrent toute une gamme, depuis les enragés (ISIS) aux faux amis (la Turquie de Recep Tayyip Erdoğan), en passant par les totalitaires (la République islamique d’Iran). Ils nous agressent avec la propagande, la subversion, la violence. Ils ne se mobilisent pas seulement dans les grottes d’Afghanistan mais également dans des lieux de loisirs idylliques comme Chautauqua, New York.
Nous souhaitons à Salman Rushdie un rétablissement total et que, grâce à ses souffrances, nous soyons guéris du wishful thinking.
Mr. Pipes, président du Middle East Forum, est l’auteur de The Rushdie Affair (1990).
https://www.danielpipes.org/21387/salman-rushdie-was-never-safe
VOIR AUSSI:
Rushdie and me: A Persian tale | Ali Deilami | The Blogs (timesofisrael.com)
When elementary school teachers discuss authors, they usually talk about those who write for children and teens. Salman Rushdie is not that kind of writer, but one perk of growing up in the Islamic Republic of Iran was that I had already heard his name by the time I was in fourth grade. It was Quds Day […] and the principal gave a speech in which he talked about Salman Rushdie. In keeping with Islamic countries’ tradition of linking anyone you don’t like to Israel, he labeled Rushdie a “Zionist mercenary.”
Ali was a journalist in Iran, working for ISNA (Iranian Students News Agency) from 2019 to 2021. He lives in Milan, Italy.
https://www.frontpagemag.com/fpm/2022/08/my-encounter-salman-rushdie-frontpagemagcom/
My Encounter with Salman Rushdie
Will I be the next victim?
Hamed Abdel-Samad / Frontpage Magazine / 18 août
n 1989, I was still a high school senior in an Egyptian village when Khomeini called for Rushdie’s death. Our Arabic teacher claimed that an Indian writer paid by the West and called Salman Rushdie has insulted prophet Mohammed and called Rushdie “a dog.” He quoted a poem by the famous Egyptian poet Farouk Gouida criticizing Rushdie and accusing him of blaspheming Islam and its prophet. The poet described Rushdie as a person whose heart was possessed by the devil and prophesied that one day a Muslim knight would cut off his satanic head. Yes, it was not an imam, but a poet who had stirred up my hatred against Rushdie. As a devout Muslim who revered the Prophet, I had no choice then but to hate Rushdie, just like everybody else around me.
The Chautauquan Daily
Bearing witness: the events of Aug. 12 in photos
DAVE MUNCH /AUGUST 15, 2022
Bearing witness to tragedy is hard, but it is also deeply important. As the horrible events of Aug. 12 unfolded, The Chautauquan Daily photographers Sean Smith, Georgia Pressley, Dylan Townsend and Joeleen Hubbard, all college journalism students, tirelessly documented events as they occurred. From the sudden horror of the attack in the Amphitheater; the heroic efforts to care for Salman Rushdie and evacuate him to the hospital; and the collective grief of a community united in mourning, they were there.
Nidra Poller
Nidra Poller, née aux Etats-Unis dans une famille d’origine mitteleuropéenne et posée à Paris depuis 1972, est une romancière devenue journaliste, le 30 septembre 2000, par la force des choses, dit-elle, par l’irruption brutale, dans mon pays d’adoption, d’un antisémitisme génocidaire, Nidra Poller est connue depuis comme journaliste, publiée entre autres dans Commentary, National Review Online, NY Sun, Controverses, Times of Israel, Wall Street Journal Europe, Jerusalem Post, Makor Rishon , Causeur, Tribune Juive, Pardès …
Elle rédigea longtemps le vendredi une Revue de la Presse anglophone pour la newsletter d’ELNET.
Elle est l’auteur d’une œuvre élaborée en anglais, en français, en fiction et en géopolitique, dont L’Aube obscure du 21e siècle (chronique), madonna madonna (roman), So Courage & Gypsy Motion (novel)
J’assume la contradiction, ajoute Nidra, me disant romancière mais pas auteure.
Observatrice des faits de société et des événements politiques, elle s’intéresse particulièrement aux conséquences du conflit israélo-palestinien et aux nouvelles menaces d’antisémitisme en France. Elle fait partie des détracteurs de Charles Enderlin et France 2 dans la controverse sur l’Affaire Mohammed al-Durah et soutient la théorie d’Eurabia (en particulier avec Richard Landes).
Elle a fondé les Éditions Ouskokata.
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