Tout le monde en parle, mais rares sont ceux qui savent réellement ce qu’est une fatwa. Certes, c’est une puissante arme à tuer, mais pas seulement. C’est aussi un avis juridique sur le quotidien des croyants. Dans les mosquées, il s’en fabrique chaque jour des milliers et autant sur les plateaux de télévision et sur le Net. Des fatwas en live ou en podcast très suivis par des millions de férus musulmans soucieux de ne point heurter la sensibilité de leur Dieu. Et ça part comme des petits pains, avant même que les quelques neurones du cheikh ne les pétrissent et que sa bouche pieuse n’ait fini de les prononcer. Habituellement, seuls les oulémas (les gens du savoir) sont autorisés à en cuisiner. Mais puisque le fanatisme est un domaine qui a tendance à se démocratiser plus rapidement que d’autres, les fatwas, très lucratives, sont devenues un véritable fonds de commerce pour beaucoup de malins en barbe et djellaba.
Les fatwas tueuses à tête chercheuse sont les plus connues, car dangereuses et médiatisées. C’est un ordre donné à tous, sans limite d’âge, d’espace ou de temps, puisque le croyant appartient à Dieu qui possède la terre, les gens et toutes les dimensions. Un appel au meurtre transunivers. Et avec le Net, une autorité religieuse qui se trouve dans un coin moisi d’une bourgade d’Islamabad ou de Bagdad peut atteindre un « indésirable » à New York ou à Paris. « Vous avez vos drones, nous avons nos fatwas » semblent-ils nous prévenir. Entre l’ordre de tuer et la détonation, il n’y a parfois qu’un clic de souris. Et aucun service d’ordre ne pourrait l’anticiper, puisqu’aucun lien n’existe entre le mufti et le bourreau, seulement une croyance.
Le terroriste, qui a attenté à la vie de Salman Rushdie n’a que 24 ans. Au moment où les jeunes de son âge sont occupés à étudier ou à voyager, lui va exécuter la sentence d’une condamnation d’un autre siècle, la déterrer d’entre l’oublie et Khomeini, poignarder l’écrivain et nous rappeller que le fanatisme islamique est patient comme un sniper qui a la mémoire rancunière d’un chameau.
L’ayatollah a jeté son sort peu de temps avant sa disparition. C’est que la mort est vraiment cruelle; non parcequ’elle prend les meilleurs, mais parcequ’elle tarde souvent à nous débarrasser des pires !
Le monde redécouvre, stupéfait, la portée d’une condamnation venue d’un autre âge et le danger d’une justice religieuse archaïque, sans tribunaux, procès, témoins ou défense. On peut tuer un humain, parce que quelqu’un qui dit lire dans les pensées d’Allah le croit coupable. Un délire assassin bien réel qui a besoin de croyants lobotomisés et non de citoyens curieux, ce que fabriquent à la pelle les pays arabo-musulmans. La cible est unique et les couteaux d’Allah nombreux !
Ce mode d’exécution sommaire s’appuie également sur des ignorants en détresse et la promesse d’un au-delà meilleur, où guérissent les plaies d’une vie de misère. Il s’appuie sur une religion qui leur offre des passeports au paradis quand un visa pour Londres, Berlin ou Stockholm n’est qu’un mirage dans la vraie vie. Il se base sur une croyance qui sépare le monde entre fidèle et kafir, peuple choisi et banni, les gens du paradis et ceux des enfers. Deux mondes inconciliables où le pays d’Allah triomphera. C’est la prophétie et elle devra se réaliser. « L’Antéchrist descendra sur un terrain salsugineux de Mar Qanat, et les femmes constitueront la majorité de ses partisans. A tel enseigne que l’on sera amené à attacher ses plus proches parentes comme sa mère, sa sœur, sa fille et sa tante, de peur qu’elles n’aillent rejoindre l’Antéchrist. Et puis Allah donnera aux musulmans la victoire sur lui, et ils le tueront et en feront de même de ses partisans, au point que le juif se cachera derrière un arbre ou une pierre et que l’arbre ou la pierre dira au musulman : viens tuer le juif caché derrière moi ». (Rapporté par Ahmad dans son Mousnad et par Ibn Madja d’après Abou Umana al-Bahih qui le tenait du Prophète Mohammed.)
Qu’apportent ces fatwas à l’islam à part le mépris et la méfiance des autres terriens? Avec l’attentat perpétré contre l’écrivain Salman Rushdie, le monde, ahuri, braque ses lumières sur le côté obscur de l’islam qu’on voudrait ne jamais voir. Cette religion est minée de l’intérieur par des textes venimeux et a un besoin urgent d’être désamorcée et purifiée si elle veut continuer à vivre et traverser les siècles. Ce n’est pas lui rendre service, ni à ses partisans d’ailleurs, que de porter en étendard ce visage de la haine, si vil et si obscur. Avec cette agression, contre un homme aimé, l’islam est plus que jamais fragilisé, malmené, et caricaturé par ceux-là mêmes qui prétendent le défendre. Ils lui accrochent une ceinture de fatwas explosives, qui, dans l’abomination qu’elles portent en elles, finiront par l’emporter dans le vrai au-delà, c’est-à-dire dans le néant de l’indignité.
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