Les années où je prenais des gardes à l’hôpital St Louis, à Paris, j’appréhendais d’être appelé pendant la nuit pour une urgence dans un des pavillons un peu reculé. `
Il y avait encore un service pour les lépreux.
Ces malades ne sortaient que la nuit, et cachaient dans l’ombre leurs visages défigurés par la maladie. Les moignons au bout de leurs bras ne quittaient pas leurs poches, ce qui donnait à leur démarche un côté chancelant. Je pressais le pas quand je croisais ces silhouettes fantomatiques.
Hier, j’ai poursuivi ma promenade dans Emek Refaïm, jusqu’à Beit Hansen, la maison des lépreux à Jérusalem. Depuis l’année 2000, cette belle demeure, construite au XIXème siècle par un philanthrope allemand, entourée d’un jardin de cyprès et d’un potager, n’accueille plus de malades. Elle a été transformée en centre culturel où se déroulent des expositions et des performances artistiques.
Mais, au premier étage, 2 pièces gardent le souvenir de la léproserie où se réfugiaient les malades errants dans les rues de la vieille ville de Jérusalem, et devant qui toutes les portes se refermaient. Un cabinet médical et une salle avec des photos d’époque et un registre détaillant les symptômes des malades.
Je suis resté à Beit Hansen jusqu’à la nuit tombée, assis sur un banc dans le jardin de cyprès, à contempler le ciel et sa lune presque pleine.
J’ai vu le gardien commencer à refermer les grilles de la maison. Un instant, j’ai cru qu’il allait m’enfermer pour la nuit, certain que les fantômes des lépreux n’avaient pas quitté Beit Hansen.
Daniel Sarfati
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