« Les bras m’en tombent ». La chronique de Denis Parent. Mardi 16 aout

Denis Parent. Photo prise au Mémorial de la Shoah à Berlin

Les bras m’en tombent. Mardi 16 Aout.

Ce matin, dix heures tapantes (les heures sont aussi victimes de la violence du patriarcat, il vaudrait mieux dire “dix heures tapées”), je me pointe à Marinella, le teint brumeux, la sandale erratique, et l’oeil bubble-gumé. Une nuit difficile oui, ne me dites pas que c’est ma conscience. Mais avec la chaleur et les cris du gang de Rodolphe-le-fuckin’goéland ma porte onirique bat, un vrai saloon. 

Et pénètrent dans mon inconscience des gens, vrais et faux, aimés et détestés, sans compter des inconnus et, croyez-moi les inconnus dans un rêve c’est encore plus inconnu. Ça fait peur. Mon sommeil paradoxal l’est tellement que ça en devient un quai de gare. Je suis obligé de distribuer des tickets. Prenez votre tour, les spectres, bonjour mamie, bonjour Marie, bonjour cloclo, bonjour mon prof de philo de terminale, qu’est-ce que tu fous là, t’es pas mort quand même ?

Bref j’arrive, plus peuplé que d’habitude, à Marinella, parce que j’avais rendez-vous avec mon nouvel éditeur qui a l’élégance de prendre ses vacances en Corse. Figurez-vous bande d’amis que je l’avais jamais rencontré Jean-François, on se suit ici sur FB depuis des années. L’homme est orchestre : peintre, concepteur de maison écolo (si j’ai bien compris), auteur, théâtreux, C’est mon amie Sophie Bastide-Foltz qui a tiré une fusée d’alarme parce que je n’avais plus d’éditeur. Et Jean-François l’a aperçue.

Et voilà que l’homme lance une nouvelle maison d’édition où il publiera fin d’année mon nouveau roman, “Habiter les musées”. Moi ça me porte chance les premières fois : première radio libre (Radio Ivre),  premier numéro d’un grand magazine (Studio), première chaîne thématique sur le satellite (Ciné Classics), premier livre chez un nouvel éditeur (Stéphane Million), premières émissions cinéma sur une nouvelle plateforme (Filmo), je compte plus les fois où j’ai reçu un coup de fil : “eh ça te dit de participer au lancement d’une radio, télé, maison d’édition, plateforme de streaming ? “ Ouais mec j’aime les fous et l’aventure des premières fois.

On papote avec JF (Broggio Jean François si vous voulez aller voir sa peinture, je suis pas commissaire-priseur mais ça me plait et ça marche), on fait copain, il me parle de la Kabbale et du CO2, ce genre de mec, des villages corses du Taravo, je me dis que j’aurais pu tomber pire. Dans l’édition, croyez-moi, le pire n’est jamais décevant. Et soudain il me lance une idée que j’attrape au vol (elle venait de décoller du nid, pas difficile) : et si on publiait un almanach des meilleurs “Bras m’en tombent” de l’année ? Hein ? Hein ? « Les bras m’en tombent 2022, l’agenda grognon de Denis Parent « ?

J’ai en stock des centaines de chroniques, depuis des années, et la masse m’a toujours découragé. Pour moi c’est comme le journal : à peine publié, déjà périmé. Mais comme on m’en parle souvent, pourquoi pas ? En 365 jours je dois pondre quelques 200 chroniques, si j’en garde 150 ça fait un petit livre qui parle de l’année écoulée. A offrir ou à garder pour se souvenir du 22 mars 2022 où vous avez rencontré l’amour pendant que j’écrivais sur Manu-le-relatif, le Général Tapioca, une fleur des champs ou la pluie qui me tombait sur la paire de clarks que je venais d’ acheter. Il a raison JF, peut-être que mes bras à force de tomber sont comme un calendrier de mauvaise humeur utile à la bonne humeur ? Soyons prétentieux : une borne dans la vie des autres. Z’en pensez quoi bande de lecteurs ?

© Denis Parent

La Chronique de Denis Parent « Les bras m’en tombent », que tous ses lecteurs assimilent à ses humeurs, est née il y a trente ans dans « Studio Magazine », où l’auteur nous entretenait de cinéma.

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