Natacha Polony. Les « droits » sacrés des prêcheurs retors

« Cette interprétation de l’État de droit comme faisant systématiquement prévaloir l’individu prépare gentiment la victoire de ceux qui, un jour, détruiront l’État de droit et opprimeront les individus. »
Hannah Assouline

L’imam Hassan Iquioussen restera pour l’instant en France. Ainsi en a décidé le tribunal administratif, saisi par l’intéressé après l’annonce par Gérald Darmanin de son intention de faire expulser cette incarnation des Lumières et de la tolérance.

Bien entendu, personne n’est dupe de l’opération de communication lancée par le ministre de l’Intérieur en pleine torpeur estivale pour assurer aux Français que tout est sous contrôle et que l’hydre islamiste n’a qu’à bien se tenir. Mais après la décision du tribunal administratif, et avant que l’affaire ne remonte jusqu’au Conseil d’État, on est tenté de se demander comment un fiasco de ce genre est encore possible.

Résumons : un prêcheur multiplie depuis trente ans, par toutes les voies possibles, conférences ou chaîne YouTube à 176.000 abonnés, les déclarations sexistes, antisémites ou complotistes, citant par exemple le 11 septembre, les attentats de Madrid et de Londres ou Mohammed Merah pour expliquer que ces «pseudo-affaires» sont orchestrées pour faire monter l’islamophobie (toute personne qui évoquerait des propos ressemblants de Jean-Luc Mélenchon sur le «grave incident» Merah a fort mauvais esprit…). Il est né en France de parents marocains mais a choisi à sa majorité de conserver la seule nationalité marocaine, de sorte qu’il doit réclamer régulièrement un titre de séjour.

Pour la première fois depuis des décennies, l’administration française se dit que, peut-être, un tel individu pourrait être invité à aller prêcher ailleurs et ne lui renouvelle pas son titre. Le ministre de l’Intérieur en profite pour faire sa propre publicité dans un tweet triomphateur. Même la Cour européenne des droits de l’homme estimait que cette mesure ne risquait pas de causer des «dommages irréparables» aux droits de Hassan Iquioussen (ce qui ne signifie pas, comme le prétend Gérald Darmanin, qu’elle avait jugé la procédure d’expulsion légale ; le droit est subtil…). Et patatras ! le tribunal administratif dit stop.

Décision emblématique

Évidemment, la décision est parfaitement argumentée. Il en ressort que, mis à part quelques propos récents sur les femmes (dont la place est à la maison pour servir leur mari), les déclarations les plus décoiffantes (notamment sur les juifs «avares et usuriers» ou sur «les rabbins, les religieux, les curés, les évêques», qui «exploitent les petites gens en leur prenant leur fric, en abusant de leurs femmes») datent un peu. Depuis, le sieur a appris la prudence… Du coup, priver cet homme délicat de son «droit à la vie privée et à la vie familiale» en l’envoyant vivre dans le pays dont il a la nationalité a semblé «disproportionné» par rapport au risque de «trouble à l’ordre public». En fait, cette décision est emblématique.

Toutes les voix qui se sont fait entendre, du côté des Insoumis en particulier, pour expliquer que Hassan Iquioussen n’avait jamais été condamné pour ses propos et que son expulsion mettrait en danger l’«État de droit», sorte de totem dont plus personne ne prend la peine d’analyser ce qu’il recouvre, en ont conclu que le sympathique imam était donc légitime à demeurer sur le territoire français. Ce qui pose divers problèmes.

Premier point, le juge considère donc que, puisque pendant vingt ou trente ans on a laissé un individu prêcher la haine, l’intolérance et la détestation des institutions françaises, il n’est plus temps de se ressaisir et d’agir enfin. Accessoirement, les commentateurs qui répondent benoîtement qu’il respecte lesdites institutions puisqu’il appelle les jeunes musulmans à aller voter n’ont jamais pris la peine de se pencher sur la nature et sur les méthodes des Frères musulmans et devraient donc être priés de se taire.

«L’interprétation de l’État de droit comme faisant systématiquement prévaloir l’individu prépare la victoire de ceux qui, un jour, opprimeront les individus.»

Saper l’héritage des Lumières

Deuxième point, le juge fait prévaloir le droit individuel (le «droit à la vie familiale») sur la préservation de la société. Pourquoi ? Parce que les propos du prêcheur islamiste sont envisagés uniquement sous le prisme, là encore, individuel, du «trouble à l’ordre public» et jamais pour ce qu’ils sont : une entreprise de propagande visant à saper peu à peu tout ce qui, depuis le siècle des Lumières, constitue la base philosophique et politique de la société française, à savoir l’exercice de la raison universelle par des citoyens progressivement émancipés des superstitions et de la soumission à un ordre divin. Cette interprétation de l’État de droit comme faisant systématiquement prévaloir l’individu prépare gentiment la victoire de ceux qui, un jour, détruiront l’État de droit et opprimeront les individus.

C’est la raison pour laquelle, quand il s’est agi d’appliquer la loi de 1905, les législateurs, portés par un libéralisme politique bien compris, héritier de ce Condorcet qui considérait que, sans un peuple éduqué, la démocratie deviendrait rapidement la tyrannie des imbéciles, ont fait en sorte que les décisions vis-à-vis des simples croyants aillent dans le sens de l’ouverture et de la réconciliation, tandis que les juges devaient se montrer impitoyables pour les prêcheurs et les confréries qui prétendaient enseigner. Il faut relire le petit livre de Patrick Weil,  De la laïcité en France, pour bien comprendre ce mécanisme. Évidemment, juges et politiques de l’époque ne pouvaient imaginer ce que serait un monde où les abrutisseurs en chef ne seraient plus dans les écoles mais sur YouTube. Il serait temps de s’adapter.

Natacha Polony

https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwiV3ej47Mr5AhUvxYUKHfinAZYQFnoECBAQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.marianne.net%2Fagora%2Fles-signatures-de-marianne%2Faffaire-hassan-iquioussen-droit-individuel-vs-preservation-de-la-societe&usg=AOvVaw2tITkQgSBW68vgbFSToJoa

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2 Comments

  1. 1) L’islamophobie n’existe pas. C’est une invention des islamistes et des indigénistes.
    2) L’Etat de droit n’existe plus nulle part en France, voire en occident.
    3) les abrutisseurs se trouvent très majoritairement non pas sur YouTube ou sur internet mais dans les universités, à la Télévision (notamment France Télévision), à la radio (notamment Radio France) et dans la presse… Y compris Marianne depuis un an ou deux (moins que d’autres journaux) pour plaire à ses lecteurs Mélenchonistes.

  2. @Lucie Totalement d’accord.

    Au sujet des médias occidentaux…Ils ont présenté un mouvement néo nazi et suprémaciste comme un mouvement antiraciste.
    Ils ont présenté un parti raciste, xénophobe, puritain et va t en guerre comme le summum du progressisme. Et criminel de guerre sénile comme le président du monde libre.
    Ils ont véhiculé (la pseudo affaire Traore) l’une des plus ignobles fake news des temps modernes.
    Ils ont fait d’une élection présidentielle en France une campagne de propagande digne de la Chine populaire.
    Ils font depuis plusieurs mois une propagande guerrière tellement délirante et honteuse que le monde entier se fiche de nous.
    Ils diffusent la propagande des Frères Musulmans et du Hamas.
    Plus aucune personne lucide et dotée d’intelligence n’accorde aujourd’hui une once de crédibilité aux médias occidentaux.
    A l’inverse YouTube regorge aujourd’hui de contenus d’une qualité supérieure à tous ce que les médias traditionnels ont jamais pu produire depuis des décennies(y compris dans les domaines de la vulgarisation scientifique et de la culture). Natacha Pololy n’est pas idiote et on sent chez elle comme chez les autres journalistes pas complètement idiots un vent de panique : ils se rendent plus ou moins compte qu’ils n’ont plus aucune crédibilité sauf auprès des imbéciles.

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