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Pourquoi les médias de la planète couvrent, diffusent, transmettent, massifient depuis des décennies un conflit somme toute mineur à l’échelle de la planète ?
Si ce n’est parce que c’est une vieille histoire chrétienne qui date depuis 2000 ans.
Dans l’inconscient millénaire, le mal est Juif. Israël est donc le coupable de rêve. L’idéal, l’absolu des nations.
Le seul sur lequel on fait retomber la responsabilité. La victime expiatoire du tout. Jusqu’à la psychopathologie transgénérationnelle des peuples.
Israël est né coupable. Il ne pouvait pas en être autrement. Après la Shoah. Il fallait trouver le moyen de se laver symboliquement de toutes les injustices, de toutes les fautes. Le meilleur moyen de se purifier était de faire de la victime le bourreau. Pour que tout revienne dans l’ordre. Des choses. De l’histoire des peuples. Et de ses répétitions.
Le mal, ancien, perfide, la détestation du peuple Juif ne pouvait donc donner naissance qu’à une nouvelle métaphysique, la détestation de l’Etat Juif.
Les Israéliens ne sont pas des enfants de chœur. Quand on les attaque, ils se défendent. Ils ont payé le prix pour apprendre. Le fonctionnement des nations.
Dans la région. Ils ont créé le seul Etat démocratique. Et pourtant, ils exaspèrent le monde. Par la seule énergie qu’ils ont. Le capital des cerveaux. Qu’ils mettent au service de l’imagination. De l’avenir. D’un monde meilleur. En total déséquilibre avec leur nombre.
« Les Allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux Juifs », a dit Zvi Rex, un psychanalyste israélien.
Ou en créant le concept de la culpabilité des Juifs dans la Shoah, ils ont mis en place un procédé psychologique de déviation de la culpabilité.
In extenso, l’Europe ne pardonnera jamais Auschwitz aux Juifs.
Elle ne veut pas vivre sous le poids psychologique du passé et les Juifs le lui rappellent, défaillant, de morale. Elle projette alors sur l’Etat d’Israël et les Juifs certains de ses traits de caractères pour s’en débarrasser.
Ou comme dit l’auteur allemand Henryk Broder, qui a saisi la toxicité de la culpabilité pathologique de la Shoah, mêlée au désir de détruire Israël : « Vous êtes les enfants de vos parents, votre Juif est l’Etat d’Israël ». (The Jerusalem Post – Why Europe blames Israel for the Holocaust: Post-1945 anti-Semitism)
Voilà l’explication d’une Europe absente de compassion. Alors que l’opinion s’identifie toujours aux victimes. Les survivants des camps n’avaient pas ce droit. De parler. Déposer. Un vécu effroyable. Ils devaient taire une guerre. Un après-guerre où personne ne voulait les entendre. Et à présent que l’horreur est connue s’en excéder.
L’aubaine. D’un autre peuple. Bercé aux chants de la peste brune. Et pourtant acclamé par les politiques. Comme une amnésie. Du passé. Antisémite. Où peu s’indignent. Lorsqu’Israël est accusé de génocide. Et ses soldats assimilés aux nazis.
Ou quand l’excès de morale d’une époque. Disculpe un avant, un pendant, un après- guerre déflationniste.
Notre aînée était partie vivre l’été de ses dix-huit ans à l’étranger pour perfectionner son Anglais.
Elle nous parlait de lui. Ils s’étaient liés d’amitié. Ils se fréquentaient depuis des semaines. De cours ou d’après cours. De cafés en sorties. Elle ne révélait pas, il ne découvrait pas son identité. Pendant longtemps. Elle gardait le secret. Comme un jeu de cache-cache. Qui n’en était peut-être plus un. Le jour où elle lui avoua enfin qu’elle était juive, son ami saoudien répondit qu’il s’en doutait. Qu’elle était tellement différente de tout ce qu’il avait entendu sur les Juifs. Dans certains pays musulmans où on apprend à les haïr.
Notre cadette était partie vivre à l’université du Mont Scopus à Jérusalem. Une expérience d’un an, disait-elle.
C’était le millésime de tous les dangers. La Seconde Intifada faisait rage. Elle sévissait des deux côtés de la barrière. Qui n’existait pas encore. Pour cesser le flux des attentats-suicides. Qui ramassaient les corps en lambeaux. Une fois la ceinture explosée. Des civils pour la plupart. Des femmes et des enfants. Selon la formule consacrée.
En l’espace de quelques semaines, elle était prise au piège. De la réalité des jours. Monter dans un bus, manger au restaurant ou à la cafétéria du campus, faire des courses ou du shopping, sortir en boîte étaient une gageure. D’une seconde à l’autre, la vie pouvait basculer. Où il n’y a plus de retour. Les morts jonchaient les pavés de sa nouvelle existence. Elle déprimait. Angoissait. Hésitait. La décision. Rester ou écourter son séjour. Comme un recul ou une fuite. Voire un sentiment de honte.
Le dimanche, elle rentrait à la maison. Le mercredi soir à table, la grande nous annonçait qu’elle partait en Erasmus, le programme d’échange d’étudiants entre les universités à l’étranger, avec la fille de l’ambassadeur de l’Autorité de la Palestine. Alors que Nelle et moi, nous nous regardions incrédules, sa soeur intervenait : « De toute façon, vous n’avez rien à dire, elle est en droit de choisir sa vie. »
Elles sont parties ensemble. Et lorsqu’un parent avait des nouvelles des filles, il téléphonait à l’autre famille pour prévenir qu’elles allaient bien.
De retour, elle avait un important travail à rendre. Elle m’a demandé des idées. J’ai répondu qu’il n’y avait rien de plus beau à raconter que la rencontre, l’expérience du vivre-ensemble et de l’amitié d’une petite-fille de Juifs et de Palestiniens.
Cela n’a pas été au goût de l’enseignant. Il a sanctionné la juive. Ma fille s’est contentée cette année-là d’une distinction. De l’antisémitisme ordinaire. Au lieu de l’habituelle grande distinction. De son intelligence.
Tout le monde savait. En 1942. Les journaux anglais en parlaient.
Comment les Européens, qui ont laissé se perpétrer le massacre de six millions de Juifs ont-ils le droit juridique de contester la démocratie israélienne ou le droit moral à prétendre enlever à l’Etat d’Israël les défenses indispensables à sa survie ?
Sinon les antisémites de tout poil, déguisés en antisionistes pour perpétrer une seconde Shoah, sans avoir l’air d’y toucher.
Ou la clarté aveugle des citoyens du monde où le grand nombre refuse de regarder le réel en face. Comme la diplomatie, faisant fi des désidératas d’assassiner tous les Juifs, demande au chef de l’Etat d’Israël, de faire rien de moins que la moitié du chemin. Des concessions au péril de son existence.
Georges Clemenceau disait : « Tel est le rôle historique de l’affaire Dreyfus.
Sur ce bouc émissaire du judaïsme, tous les crimes anciens se trouvent représentativement accumulés ».
Rien de nouveau sous le soleil. Il suffit de lire les pairs des héritiers d’aujourd’hui. La presse de l’Affaire Dreyfus en France. Celle des années (19)30 et suivantes. Des papiers à merdes, du transgénérationnel.
Le nouveau discours donne : « Tel est le rôle historique du conflit israélo-palestinien. Sur ce bouc émissaire de l’Etat d’Israël, tous les crimes se trouvent représentativement accumulés ».
Le monde n’a pas changé. Il est toujours complice. Il fait semblant de ne pas voir ou savoir. Il est pareil à une classe d’école. Dont Israël est le bouc émissaire. La fuite de ses responsabilités. Le coupable de ses crimes.
L’injustice est toujours israélienne. Il ne pourrait en être autrement.
Sinon comment justifier le transfert sur autrui de ses propres travers ?
Comment justifier qu’ils sont dix, qu’ils sont vingt, qu’ils sont cent, qu’ils sont mille, journalistes à se concentrer sur un si petit bout de terre ?
Comme s’il s’agissait du centre du monde. Et que par ailleurs le monde est si vaste.
Israël est le bouc émissaire des nations. Les crimes dont elles sont responsables. Une faute dont il est innocent. Et pourtant coupable de tous les malheurs de la société. D’exister. Le lavage des cerveaux du plus grand nombre. Ou la classe d’école. De l’exclusion.
Quelle plus formidable invention que l’antiracisme, où les cartes à points du racisme se lâchent sous le couvert d’humanisme. Quelle formidable invention de se dire humaniste, pour les droits des Palestiniens et antisioniste pour perpétrer le crime sous le couvert des droits de l’homme. Alors qu’au Moyen-Orient, le seul pays où les droits de l’humain sont respectés est justement l’Etat sioniste.
Après la Shoah, on disait : « Plus jamais ça ! » Et pourtant… les « ça ! » se poursuivent dans l’indifférence générale. Certains « ça ! » n’ont toujours pas été reconnus. La communauté internationale s’en fout. Des peuples qui souffrent. Les dirigeants de la planète font des sacrifices humains. Aux dieux. De la realpolitik.
Après la Shoah, on disait : « Plus jamais ça ! » Un plus jamais ça, mort dans l’œuf de sa conception. En reprenant dans la fonction publique les petites mains de la collaboration jusqu’aux nazis de la « Solution finale », on inoculait la peste dans la société. Les virus du passé. Les chevaux de Troie de la pensée. Le temps de la mémoire, du silence ou de latence, dépassé. Le nauséabond ravivé.
Comment s’étonner encore que le seul pays à être boycotté est l’Etat Juif ?
Le boycott d’aujourd’hui rappelle la foi crasse. Des politiques. A remettre le couvert.
L’antisémitisme des gouvernements d’antan a fait place à l’antisionisme des gouvernants d’aujourd’hui. Qui suent les pores de la diplomatie. Où les mots d’apaisements ne suffisent plus. Devant les actes de la bête immonde. Revenus. Avec la constante de tuer des Juifs parce qu’ils sont Juifs.
L’antisionisme d’état, de la société, est le nouveau racisme. Du déni. Du droit du Juif. A trouver un refuge. Quand les horizons s’assombrissent.
Le bon Juif de nos jours doit être antisioniste. Un numerus clausus de la pensée raciste. En totale contradiction avec le fait Juif. Qui prône depuis deux millénaires, le retour à Sion : « Si je t’oublie Jérusalem, que ma (main) droite m’oublie ».
Tout se répète, comme se répète l’Histoire.
Ne me parlez pas des papes. J’ai du mal avec les autorités de l’Eglise. Je ne m’explique toujours pas pourquoi elles ont favorisé la fuite des nazis. Pour échapper à la Justice des hommes.
Theodor Haecker écrit au début des années (19)30, pour s’opposer au nazisme : « L’homme ne devient homme que par le « croisement » du Juif et du Grec ».
Le Grec a disparu, le Juif existe. Toujours.
Quant aux papes de l’information. L’occupation préférée de la presse. Les territoires occupés des médias. Qu’ils cessent d’user de faux- semblants. A utiliser les mauvais vocables, on transforme le discours. En propagande. De la désinformation.
Je n’ai pas à défendre les Palestiniens. Tant d’autres s’en chargent. Jusqu’à la lie du discours médiatique. Extrêmement partisan. Ou de l’incompréhension. Du pourquoi ? Comme ça !
A force de dresser les échecs moraux de l’Etat d’Israël. A force de pourchasser les soldats israéliens comme des criminels de guerre. A force de disculper les terroristes palestiniens. A force de les appeler des résistants. On se dit qu’à la banque des valeurs, l’action palestinienne est la valeur montante. On se dit qu’à la bourse des valeurs de la souffrance mondiale, le meilleur rendement est la valeur palestinienne. Elle squatte tous les marchés. Des statistiques. Ou le crash de la vérité. Le tableau de l’antisémitisme. Ou sa reproduction.
Ou comment expliquer que la souffrance palestinienne reçoit mille fois plus d’échos ou d’adhésion. Au détriment de toutes les autres. Jusqu’à celles des peuples qui risquent leur éradication. Les Tibétains en Chine, les Indiens en Amérique du Sud, les Chrétiens en Afrique etc… Ou jusqu’à dire le nouvel aphorisme. « La souffrance du monde est palestinienne ou n’est pas ». La souffrance d’aujourd’hui est palestinienne, ou n’est pas, lorsqu’elle est commise par des Palestiniens ou des musulmans.
Ou quelle magistrale invention. Que de se dire qu’elle a délogé la juive. De la Shoah. Dans l’inconscient des peuples.
Au décompte de toutes les souffrances qui existent. Ou à venir.
Lorsque la souffrance a un nom. Toutes celles qui existent, ou à venir, n’existent pas.
Lorsque le mot est défroqué, le tout est permis. Le « génocide palestinien » est indéniable au marché des aveugles. Alors que de nombreux génocides ne sont pas reconnus. Ou sont en cours.
Ou d’aphorisme en postulat. Le tout est antisémitisme. Comme dans une classe d’école, un groupe, une famille, une société, le monde ne fonctionne qu’avec bouc émissaire. Israël est le rêvé. De l’inconscient des nations.
Ou le curieux et tragique paradoxe de l’antisémitisme qui pousse à vouloir prendre la place du judaïsme ou du Juif. A voir le christianisme, l’islam, les Palestiniens.
Après tant d’autres qui s’y sont cassé les dents. Et dont il ne reste plus rien. Sinon quelques pierres. Ou quelques traces. Dans des musées. Aux tréfonds des sols. Ou de la mémoire.
La mémoire, cette chose insupportable. De l’ADN des peuples. Qui rappelle le passé. Les passés qui ne passeront pas. Aux desserts de l’hérédité. Ou l’amnésie collective de groupes ou de familles. Prêtes à remettre le couvert de l’antisémitisme.
Alors que j’écris ces lignes. Le terrorisme percute les pianos de l’Occident.
Où les fausses notes des cordes frappées résistent encore et toujours. Aux ratés de la politique. D’apaisement. Des nations
Lorsque les mots sont violés par la rhétorique d’une propagande, ils n’existent plus pour dénoncer les vérités. Leur sens se perd, à perdre leur valeur. Avant de se désintégrer ou se perdre au néant. Il faudrait un magicien du verbe, un architecte de la parole pour réinventer une nouvelle langue. A dire le vrai. Des mots et de leurs significations.
A force de me pousser. Ou de me rendre. Par peur ou manque de volonté. Au déni du droit des autres. A m’accorder la liberté. D’identité. A devoir ôter la kippa. Ou cacher l’étoile de David. Sous le manteau. Dans le silence. Des autorités. De la presse. Alors que le voile se découvre. Ou s’allonge. Et que ma liberté d’expression raccourcit. Je m’autorise. A mettre en mots. Clairs. Ce que j’éprouve confusément depuis si longtemps. Tant j’ai la nausée. Qu’on me dise être chez moi. Ou pas. Tout en m’accusant de tuer des enfants.
Aux Aymeric Caron, Clémentine Autain, Mathilde Panot et autres salauds
© Win Freddy
Chapitre 134. Extrait du manuscrit Le Porteur de Fantôme. Non publié à ce jour
Win Freddy est l’auteur du Porteur de Fantôme. Non publié à ce jour
« Les Israéliens ne sont pas des enfants de chœur. Quand on les attaque, ils se défendent. Ils ont payé le prix pour apprendre. Le fonctionnement des nations. »
Et ils ont bien raison ! Ils ont compris la leçon. D’un mal, la Shoah, est jailli est bien, la Terre promise .
On dit que ce qui ne nous abat pas nous rend plus forts.
La Shoah a été une abomination mais elle a permis de rendre plus forts ceux qui ont survécu, et de rendre plus forte leur descendance pour qu’elle réalise la prophétie.