Tribune Juive

Georges Benayoun. Le Monde. Ou l’affaissement professionnel et éthique d’un quotidien qui fut un grand journal

Éditorial du Monde sur Gaza, qui engage donc le journal, sa rédaction. Il dit les limites du genre, la pauvreté de l’analyse politique, et la bascule du journalisme vers l’état d’âme incertain mais toujours empathique pour les mêmes.

Une partition bien huilée mais sans entrain, au refrain fatigué. Et une distribution sans surprise.

J’ai du relire ainsi trois fois ces faméliques colonnes pour être sûr de ne pas y avoir vu la moindre référence au Hamas, parti islamiste au pouvoir dans la bande, à l’Iran et au Qatar, ses principaux bailleurs de fonds et soutiens idéologiques. Voilà pour les absents.

Pour le reste, les victimes et les bourreaux courent dans leurs couloirs assignés, au rythme d’une plume amère qui s’efforce de lutter contre le vide de sa propre mécanique.

Peine perdue. Les victimes sont sublimes, le Djihâd islamique est un groupe armé que « l’état Hébreu et ses alliés occidentaux considèrent comme terroriste », mais pas Le Monde, il a cette distance et cette triste image de lui-même à tenir.

Les victimes sont au meilleur de leur forme, elles meurent, elles sont pauvres -malgré les milliards de dollars déversés depuis des décennies par les occidentaux et les pays arabes- et irresponsables de leur propre malheur – elles votent Hamas depuis 15 ans, mais le Hamas, l’éditorialiste ne connait pas-.

Les bourreaux sont malins, ils ont fait copains avec les monarchies arabo-musulmanes qui ne veulent plus s’embarrasser des palestiniens, mauvais pour le business.

Les bourreaux sont trop forts.

Tout est dans le trop.

Il faudrait qu’Israël accepte de se faire défoncer un peu plus, laisse s’écraser des roquettes sur les immeubles surpeuplés de juifs (de préférence) pour que le jeu soit équitable.

La guerre avec handicap.

Le dôme de fer fausse la partie, il rend la vie des israéliens presque « normale ». Insupportable pour la grande âme laborieuse.

Le Monde fut un grand journal. Il s’enfonce, sûrement, dans le piège élaboré par Plenel avant de s’en faire vider, il y a quelques années. Cet éditorial confirme, s’il en était besoin, l’affaissement professionnel et éthique d’un quotidien qui semble avoir fait sienne la version juive de la formule « Un bon indien est un indien mort ».

© Georges Benayoun

Producteur de cinéma et de télévision, Georges Benayoun est auteur et réalisateur de documentaires pour France Télévisions.

A son actif, L’assassinat d’Ilan Halimi. France, terre d’accueil : Profs en territoires perdus de la République ? Complotisme: les alibis de la terreur , avec Rudy Reichstadt. Chronique d’un antisémitisme nouveau, en 2019.

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