Tribune Juive

André Markowicz. Un petit goulag

Dans la torpeur de l’été, sur la page de Cécile Vaissié, je trouve un renvoi à une video de Mikhaïl Khodorkovski, qui montre, certes — heureusement — floutées, deux photos : des têtes humaines sur des piques. Ce sont des prisonniers ukrainiens, décapités, et dont les têtes sont mises comme ça, sur des piques — je n’ai pas compris où. Mais photographiées, — pas par les Ukrainiens.

J’ouvre la page de Maria Damcheva, — et le site desmédia alter-actif Les humanités , animé par Jean-Marc Adolphe, et je trouve une traduction d’un article du Guardian, sur ce que c’est vraiment que le pénitencier d’Olinivka, — sur l’enfer que c’est, pour les milliers de détenus, civils ou militaires, qui s’y trouvent enfermés, sans aucune hygiène, sans aucun soin, le plus souvent sans eau, et des tortures permanentes, — je vous laisse lire : c’est là que, soi-disant, le Himars ukrainien est tombé, providentiellement, sur un seul baraquement dans lequel on avait regroupé 200 combattants du régiment Azov (le reste du pénitencier restant absolument intact).

Et ni l’ONU ni la Croix-Rouge n’ont accès à Olinivka, malgré les demandes répétées (puisque l’ONU et la Croix-Rouge sont théoriquement garants du sort des prisonniers de guerre).

Je regarde la page FB du journaliste ukrainien Denis Kazanskyi, et je tombe sur une conversation entre un journaliste russe, Serguéï Mardan, animateur de la radio du journal « Komsomolskaïa Pravda » (journal russe évidemment officiel).

Ce Serguéï Mardan discute avec un journaliste qui s’appelle Dmitri Stechine, qui est en reportage dans les zones occupées —

Ce Stechine est d’ailleurs, je l’apprends de Denis Kazanskyi, un néo-nazi avéré, impliqué dans un double meurtre politique en 2011 (mais passons). Dmitri Stechine explique que la population occupée est totalement hostile à la Russie, qu’il y a des sabotages constants, mais que, le pire, c’est la situation avec la rentrée scolaire : la moitié des enseignants des zones occupées (en l’occurrence la région de Zaporijia) ont démissionné, parce qu’ils refusent d’enseigner selon le programme russe, et en russe.

Et là, Serguéï Mardan demande : « on ne les a pas fusillés ? » — « Et les membres de leurs familles ? », poursuit-il, devant le silence de Stechine (qui, tout néo-nazi qu’il est, semble interloqué) ? Eh bien, pourquoi ne pas leur créer, continue Mardan, avec un grand sourire, un petit goulag, pour eux et leurs familles, pour leur montrer le monde russe ?… Il faudrait les fusiller, tous.

Trois faits, en l’espace de 24h, trois signes, après l’émasculation et le meurtre du prisonnier ukrainien. — Nous n’avons, nous, encore aucune idée de l’ampleur de la monstruosité déclenchée par Poutine le 24 février (et présente, comme je ne cesse de le dire, bien avant en Russie même et sur tous les terrains d’opération de l’armée russe — Tchétchénie ou Syrie).

Nous n’en avons aucune idée malgré Boutcha, malgré tous les autres massacres.

L’impression que j’ai c’est que, pour le moment, aussi terrible à dire et à comprendre que ce soit, nous ne faisons que trouver des petites bribes, meme si toutes ces bribes montrent qu’il s’agit bien d’un génocide, d’une invasion sur le modèle nazi. — sans Treblinka.

Le tableau complet ne sera visible qu’au moment où la Russie sera vaincue. Ce qui, même si, oui, l’initiative n’est plus à l’armée russe, n’est pas demain la veille.

Je vous ennuie, je sais. Profitez des vacances.

André Markowicz

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