Quand elle n’instrumentalise pas la rafle du Vel d’Hiv, la Nupes entretient la détestation d’Israël
Alors que Mathilde Panot vient de susciter un tollé, suite à sa récupération partisane, très malvenue, de la rafle du Vel d’hiv’, plusieurs députés de la Nupes signent une proposition de résolution visant à faire condamner l’État hébreu par la France pour « apartheid ». Le député socialiste de l’Essonne Jérôme Guedj s’en indigne, mais est bien le seul.
Cultiver la haine à l’égard d’Israël au nom de l’amour de la Palestine est une posture très fréquente à l’extrême-gauche. C’est d’ailleurs un de de ses facteurs de convergence idéologique avec les islamistes. Aujourd’hui, cette extrême-gauche est dominante au sein de la Nupes, elle y impose ses thèmes. D’où le dépôt, à l’Assemblée nationale, d’une résolution commune associant des députés PCF, LFI, EELV et PS « condamnant l’institutionnalisation par Israël d’un régime d’apartheid à l’encontre du peuple palestinien ». Celle-ci n’a aucune chance de passer, mais ses promoteurs s’en moquent : il s’agit ici d’entretenir leur clientèle en flattant ses pires obsessions. En reprenant l’argumentaire islamiste et la mystique entretenue autour de Palestine comme symbole de la persécution des musulmans par les Juifs avec la complicité de l’occident, elle espère capter et fidéliser le vote communautariste. Et peu importe si cela met en danger les Français de confession juive, victimes de l’instrumentalisation de ce conflit et de son importation à des fins de déstabilisation politique.
Cela a fait réagir le socialiste Jerôme Guedj sur Twitter. Il dénonce « ces 24 pages (qui) transpirent la détestation d’Israël », réfute l’accusation d’apartheid et affirme que le PS n’est pas du tout sur ces positions. On ne peut mettre en doute son indignation, mais on ne peut que constater le silence d’Olivier Faure, lequel, en bon supplétif, semble être devenu incapable de défendre un quelconque principe s’il contrarie le vent dominant…
Pourtant, cette résolution, qu’ont notamment signée le communiste Fabien Roussel, les Insoumis Adrien Quatennens et David Guiraud, la socialiste Christine Pires-Beaune ou les écologistes Sabrina Sebaihi et Aurélien Taché ne peut être qualifiée que d’indigne.
Une accusation d’apartheid destinée à semer la haine
Sur le fond, l’argumentation de cette résolution ose toutes les outrances. Or l’apartheid a une définition précise, c’est un régime de ségrégation basé sur la race. En Afrique du Sud, les relations sexuelles étaient par exemple interdites entre Blancs et Noirs, ils ne pouvaient vivre dans les mêmes quartiers, ne pouvaient utiliser les mêmes moyens de transport ou fréquenter les mêmes hôpitaux… En Israël vivent deux millions de Palestiniens, ils ont la nationalité israélienne. L’arabe est une langue officielle au même titre que l’hébreu. Les Arabes israéliens ont le droit de vote, ils ont des députés qui siègent à la Knesset, l’Assemblée nationale du pays. Des Arabes israéliens occupent des postes élevés dans la fonction publique, les travailleurs arabes bénéficient des mêmes salaires et avantages sociaux que les travailleurs israéliens. Arabes et Juifs fréquentent les mêmes universités, vont dans les mêmes hôpitaux, ils ont les mêmes droits que les citoyens israéliens. Quant à l’accusation de génocide qui est sous-jacente à la résolution et présente dans le discours de trop de pro-palestiniens, quelques chiffres : les réfugiés palestiniens étaient 500 à 700 000 en 1949, ils sont 6 millions aujourd’hui ; le conflit Israélo-palestiniens a fait 10 000 morts en 20 ans, la guerre en Syrie a fait plus de 350 000 morts en sept ans. La communauté arabo-musulmane représente 20% des citoyens d’Israël, en revanche, dans les pays arabes il n’y a quasiment plus de communauté juive. Pour répondre à l’accusation d’illégitimité de la présence juive, il suffit enfin de rappeler qu’historiquement, cette terre fut juive avant même d’être romaine et que le texte commun aux trois religions monothéistes raconte l’histoire des Juifs, de leur installation en Palestine et des conquêtes qu’ils subirent.
Quand on en revient au factuel, les représentations délirantes de ceux qui instrumentalisent la cause palestinienne pour prôner en réalité la haine des Juifs s’effondrent. D’ailleurs leur indignation et leur humanisme sont parfaitement simulés. En effet, aucun de ces élus ou des forces politiques auxquels ils appartiennent n’a songé par exemple à déposer un projet de résolution quand on a découvert qu’il existait des marchés d’esclaves en Libye. Il se trouve aussi que nombre de pays arabes de la région ne sont pas des démocraties et refusent l’égalité. Ils la refusent au nom de l’appartenance ethnique ou religieuse, ils la refusent aux femmes au nom de leur sexe. Ils persécutent les homosexuels, les athées… Mais cela ne dérange aucune des bonnes consciences, si promptes à dénoncer des apartheids imaginaires et à ne pas voir les ségrégations réelles.
Pourquoi une telle haine envers Israël?
Alors pourquoi une telle haine contre Israël ? Pourquoi une telle obsession de la Palestine dans la propagande d’une certaine gauche et surtout dans celle des Frères musulmans ? Cela s’explique notamment parce que le Proche et Moyen Orient sont considérés comme terre d’Islam, donc territoire sacré et que la présence de l’État juif est insupportable avec cette volonté d’hégémonie. Alors que le discours européen sur la situation commence et se termine toujours par l’invocation de la création de deux États, il le fait en niant la situation réelle : la plupart des pays arabes ne veulent pas d’une solution avec deux États et ceux qui connaissent la région le savent parfaitement. Mais ce discours permet de se donner bonne conscience et d’éviter les sujets qui fâchent. Pour les États arabes, la présence d’un État juif est un blasphème. Il ne peut y avoir deux États car le refus de l’État d’Israël n’est pas politique, il est religieux et on ne compose pas avec le sacré. Tant que le rapport de force est assumé par Israël et que l’État hébreu est vu comme capable de se défendre, il pourra continuer à exister, sinon il n’est entouré que de prédateurs potentiels. Les accords d’Abraham ne changent rien à cela. Aucun pays arabe, aucun islamiste ne veut de la solution des deux États. Israël doit être éradiqué, c’est même un devoir pour un croyant, un fiqh, une obligation sacrée.
Pourquoi une certaine gauche s’associe-t-elle à ces marchands de haine ? Parce que ceux-ci utilisent l’État juif pour faire le procès d’un Occident responsable de son existence et de sa perpétuation. La haine d’Israël devient assez rapidement procès de l’Occident et de ses valeurs. Elle peut donc être instrumentalisée en faveur de la révolution dont rêvent ces gauchistes. Une révolution qui n’est que destruction car ces révolutionnaires de salon n’ont aucun projet de société à proposer. Ils ne font que rechercher des coupables pour canaliser à leur profit la rancœur et la colère qu’ils génèrent.
Des députés qui participent à la montée de l’antisémitisme en se prenant pour des justiciers
Jérôme Guedj pose ainsi la bonne question en indiquant qu’il ne comprend pas « en quoi une telle mise au ban d’un Etat fait avancer d’un millimètre la paix ? ». La réponse est dans la question. Mais, surtout, les promoteurs de ce texte se moquent éperdument de l’influence de leur résolution sur la situation au Moyen-Orient. Ils savent parfaitement qu’elle est nulle. Ils sont là pour se donner une stature morale à peu de frais. Dans les faits, ils ne font qu’alimenter et justifier la montée de l’antisémitisme dans sa composante arabo-musulmane, alors qu’ils prétendent le combattre quand il émane de l’extrême-droite.
Mais il y a bien pire, les mensonges et l’idéologie qui imprègnent tout le texte ont pour vocation de semer la haine et y arrivent très bien. Il se trouve qu’il n’y a pas si longtemps, en 2014, les cris de « Mort aux Juifs » ont résonné dans les rues de Paris et ont entraîné de grandes violences à Sarcelles. Or ce sont des manifestations pro-palestiniennes, soutenues par la gauche qui ont été à l’origine de cette désinhibition de la haine des Juifs. Aujourd’hui ce type de discours est toujours aussi virulent chez nombre de militants pro-palestiniens, mais tout le monde fait semblant de ne rien entendre et de ne rien comprendre. Pourtant les violences que subissent les Français de confession juive sont liées à cette propagande victimaire et haineuse. On le constate via le fait qu’ils ne représentent que 1% de la population et entre 40 et 50% des agressions liées à la religion. Cela est corroboré par le fait que les enfants juifs dans certains territoires ne puissent être accueillis à l’école de la République. Enfin qu’il existe une alya interne : les communautés juives chassées par les tensions liées à la forte influence des islamistes et au regain de l’antisémitisme, quittent les banlieues de l’est de la région parisienne pour se réfugier à l’ouest.
Cette résolution illustre parfaitement ce phénomène. Ce texte reprend tout l’argumentaire déployé par les islamistes tendance Frères musulmans pour alimenter la haine des Juifs. Persuadés que ces derniers jouissent d’une forme de privilège que leur confère la Shoah, il tente de transformer les victimes en bourreau, donc les juifs en avatars de nazis. Voilà pourquoi ils tiennent à mettre en avant le terme d’apartheid et la notion de crime contre l’humanité : les Juifs ont été victimes du racisme des Nazis et d’un crime contre l’humanité ? Il faut alors ancrer l’idée qu’aujourd’hui ce sont eux les racistes, donc eux qui commettent un crime contre l’humanité. La démarche est abjecte, mais elle est pourtant parfaitement assumée. Elle sème la haine et la violence, mais ses promoteurs se prennent pour des justiciers. Tous ceux qui ont signé ce projet participent à la mise en danger des Français de confession juive. Ils exposent une partie de nos concitoyens pour assurer la rente de pouvoir et d’avantages que leur confère le clientélisme communautariste. Ils sont la honte de la politique.
© Céline Pina
https://www.causeur.fr/resolution-israel-apartheid-nupes-jerome-guedj-238726
Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste et militante. Elle est la fondatrice de «Viv(r)e la République», elle a également publié Silence coupable (Kero, 2016) et Ces biens essentiels (Bouquins, 2021).
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