“Avoir toujours raison… c’est un grand tort”, selon le titre du tome 1 des Mémoires d’Edgar Faure (Plon 1982).
La formule n’est certes pas modeste, mais tellement juste. Il est difficile de critiquer un projet de loi sur la protection du pouvoir d’achat soutenu à l’Assemblée par la majorité, la droite et le parti lepéniste et recueillant un vaste consensus dans le pays.
Quoi? On va voter enfin une loi qui protège votre pouvoir d’achat! Quelle chance!
Et que dire de l’ermite solitaire, le Misanthrope grincheux et ronchon qui exprime son scepticisme?
A quoi sert la loi? En principe, la loi sert à définir les normes de la vie sociale ou le budget de l’Etat. “La croissance ne se fixe pas par décret”, comme avait dit un homme politique dans les années 1970 (VGE ou Barre, je ne sais plus), quand il restait une once de bon sens dans ce pays. Pour le paraphraser: le pouvoir d’achat ne se détermine pas par un vote du Parlement.
Beaucoup de mesures que comprend le projet de loi ne nécessitent pas de loi (la hausse des minima sociaux).
Cette loi pouvoir d’achat reprend en auberge espagnole tout un tas de mesurettes sans rapport entre elles (minima, primes secteur privé, redevance TV, plafond loyers etc.).
L’action de l’Etat en faveur du pouvoir d’achat ne saurait être qu’une œuvre de long terme, notamment liée à une politique économique favorisant le travail et la compétitivité, à la qualité de la gestion des finances publiques pour lutter contre le chômage, la dette et l’inflation.
Il est mensonger de faire croire au pays qu’une simple loi intitulée protection du pouvoir d’achat est de nature à préserver le pouvoir d’achat face à des tensions inflationnistes et au chômage massif dont le pouvoir politique (de décennie en décennie) est largement responsable. Cela n’existe pas.
La logique qui est à l’œuvre est celle d’un pouvoir politique dans le rôle de pompier pyromane.
Certes, grâce au résultat des législatives, l’attention collective a partiellement basculé du perron de l’Elysée à l’hémicycle du Palais Bourbon. Tant mieux pour le moral car la fanfaronnade narcissique devenait imbuvable.
Mais de la fanfaronnade narcissique au grand Guignol de cour de récréation, la différence de fond est-elle si importante? Non, tout cela n’est qu’apparences et jeu d’illusions.
Nous restons dans le même principe: celui de la com’ à outrance, circus politicus, pour masquer l’échec, l’impuissance et l’appauvrissement.
© Maxime Tandonnet
Le pouvoir d’achat ne se décrète pas et ne se légifère pas.
Il est la conséquence d’une évolution socio-économique longue et complexe et toute tentative gouvernementale de l’améliorer ne peut qu’être un long travail d’investissement, de construction (surtout industrielle) et de consolidation de l’économie.
Cela nécessite en général bien plus qu’un quinquennat et doit se faire indépendamment de toute motivation politicienne ou électorale.
Ces conditions ne sont évidemment pas réunies actuellement, notamment vue les résultats des élections. Autrement dit, nous avons affaire à une gesticulation politicienne propagandiste et non à une volonté sincère et sérieuse d’amélioration.
Pire : le comportement suicidaire de l’Occident en général, de l’Europe en particulier et notamment de la France dans l’affaire russo-ukrainienne est de nature à aggraver la problématique du pouvoir d’achat ; moyennant des sanctions à double tranchant que nous paierons in fine plus cher que la Russie et qui alourdissent déjà les factures énergétiques et alimentaires ; et on n’a pas tout vu.
Cette « loi sur le pouvoir d’achat » est une baliverne. On nous prend pour des abrutis.