« Le rapport Auschwitz », Témoignage d’une évasion de l’enfer. En salle le 27 juillet

Le rapport Auschwitz.  Peter Bebjak

Auschwitz, 7 avril 1944. Un matin semblable à tous les autres dans le plus grand complexe de mort de l’Allemagne nazie. Alignés et immobiles telle l’armée de terre cuite de l’empereur Qin, les milliers de détenus attendent la fin de l’appel pour commencer une nouvelle journée de labeur.

Seulement voilà, ce matin du 7 avril 1944 n’est pas semblable à tous les autres. Deux prisonniers du baraquement numéro 9 manquent à l’appel ! Déportés deux ans plus tôt, Walter Rosenberg et Alfred Wetzler, juifs de Slovaquie, ont disparu.

Impossible. On ne s’échappe pas d’Auschwitz-Birkenau ! Et pourtant…

Après avoir passé trois jours cachés sous des planches, les deux hommes parviennent à quitter le camp, et fuient vers le sud en direction de la rivière Sola, à la frontière entre la Pologne et la Slovaquie. En possession de preuves irréfutables — dont une étiquette de bonbonne de Zyklon B —, leur but est de révéler au monde ce qu’est vraiment Auschwitz, ainsi que le projet d’extermination des juifs de Hongrie, pour lesquels des voies ferrées viennent d’être spécialement construites, entrant directement dans le camp, au pied des chambres à gaz.

« J’avais une raison impérative de le faire. Ce n’était plus seulement pour faire rapport d’un crime, mais pour en éviter un. »

Walter Rosenberg au sujet des lignes de chemin de fer créées pour préparer l’arrivée et l’extermination des Juifs de Hongrie.

Le 20 avril 1944, exténués après dix jours de cavale, les deux hommes arrivent enfin dans la ville slovaque de Zilina. Interrogés par un membre de la Croix Rouge et d’autres du Conseil Juif local, ils ne vont pas tarder à comprendre que leur témoignage, si authentique soit-il, n’en paraît pas moins difficile à croire.

Durant trois jours, d’abord ensemble puis séparément, Walter Rosenberg et Alfred Wetzler vont livrer un rapport de trente-deux pages extrêmement détaillé expliquant la réalité d’Auschwitz-Birkenau. Il ne s’agit pas là d’un camp de prisonniers, mais bel et bien d’une usine de mise à mort systématique des juifs d’Europe.

« L’évasion de Wetzler et Vrba (Walter Rosenberg, qui prendra ensuite le nom de Rudolf Vrba NDLR) n’était pas seulement une tentative pour sauver leur propre vie, mais une mission qu’ils s’étaient fixée, destinée à révéler le massacre planifié de façon industrielle qui se déroulait à Auschwitz […] Le monde a besoin de héros. Nous avons besoin de voir les histoires de personnes réelles qui ont risqué leur propre vie pour en sauver des milliers d’autres. Cela nous donne l’espoir que, grâce à ces personnes, le monde peut devenir meilleur. »

Peter Bebjak, réalisateur.

Incrédules — ou préférant peut-être éviter une panique générale au sein de la communauté —, les responsables du Conseil Juif vont choisir d’ignorer ce témoignage. Il faudra attendre le mois de juin 1944 pour qu’il arrive en possession du War Refugee Board, en Suisse, puis transmis à Londres et à Washington. Des articles dans le New York Times, le Jewish Chronicle ou encore le Manchester Guardian vont alors lui être consacrés. Sous la pression des Etats-Unis, la déportation des juifs de Slovaquie est interrompue, à la colère d’Hitler.

Ce rapport, rédigé entre le 25 et le 27 avril 1944, est aujourd’hui connu sous le nom de Rapport Vrba-Wetzler, ou Protocole d’Auschwitz. Si la déportation des juifs de Slovaquie repris à la fin de l’année 1944, on estime que 120.000 juifs de Hongrie ont pu être sauvés grâce au rapport de Walter Rosenberg et Alfred Wetzler.

« Alfred Wetzler était un véritable héros. Son évasion d’Auschwitz, et le rapport qu’il a contribué à rédiger, révélant pour la première fois la vérité sur le camp en tant que lieu de massacre, ont directement permis de sauver la vie de milliers de Juifs – les Juifs de Budapest qui étaient sur le point d’être déportés vers la mort. Aucun autre acte unique de la Seconde Guerre mondiale n’a permis de sauver autant de Juifs du sort qu’Hitler avait décidé pour eux. »

Martin Gilbert.

Bien que chacun des deux héros ait écrit un récit à propos de cette évasion, c’est Escape From Hell, récit rédigé par Alfred Wetzler, qui a retenu l’attention du réalisateur slovaque Peter Bebjak. Il signe avec Le rapport Auschwitz son cinquième long-métrage, ainsi que le scénario.

Filmées avec des éclairages différents, les trois parties distinctes du film — l’évasion, le passage de la frontière slovaque, et la tentative de persuasion — ne font pas de place à la fiction. Aussi rares que mesurés, les dialogues renvoient à la réalité de ce que fut Auschwitz-Birkenau, et comme pour soutenir plus encore cette recherche d’exactitude, Peter Bebjak a choisi de ne pas montrer explicitement les atrocités et les fours crématoires. En effet, ceux-ci ne faisaient pas partie du quotidien de Walter Rosenberg et Alfred Wetzler.

Soixante-seize détenus ont tenté de s’évader du camp d’Auschwitz-Birkenau. Seuls cinq y sont parvenus, dont Walter Rosenberg et Alfred Wetzler.


Si vous désirez aller plus loin :

Je me suis évadé d’Auschwitz, de Rudolf Vrba, aux éditions J’ai lu. 416 pages. 8.50€.
Auschwitz, les nais et la Solution Finale, de Laurence Rees, aux éditions Livre de Poche. 480 pages. 8.20€.
Auschwitz, de Tal Bruttmann, aux éditions La Découverte. 128 pages. 10.00€.
Les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale, ouvrage collectif, aux éditions Perrin. 320 pages. 20.00€.
Le rapport Pilecki, déporté volontaire à Auschwitz, de Witold Pilecki, aux éditions Champs Vallon. 324 pages. 25.00€.

Et pour la jeunesse :

Auschwitz. L’histoire d’un camp d’extermination nazi, de Clive A. Lawton, aux éditions Gallimard Jeunesse. 48 pages. 14.00€.
Auschwitz, de Pascal Croci, aux éditions Paquet. 64 pages. 16.00€.
Le rapport W. Infiltré à Auschwitz, de Gaétan Nocq, aux éditions Daniel Maghen. 264 pages. 29.00€.

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