23 juillet 1979
Il y a 43 ans…
Disparition du grand Jef Kessel après avoir vécu une vie bien remplie, une vie d’aventures, de voyages, de rencontres, de dangers, de bravoure, sorti vivant et vainqueur des deux guerres mondiales.
A la tête d’une œuvre littéraire copieuse, d’innombrables articles de presses, de grands reportages et même de scénarios pour le cinéma.
31 janvier 1898, naissance de Joseph Elie Kessel au sein de la colonie Clara, en Argentine.
Son père Samuel n’alla le déclarer à l’état civil de la colonie Clara, au beau milieu de la pampa argentine que dix jours plus tard, le 10 février…
Joseph Kessel est né à dans la colonie Clara (Argentine). Fils de Samuel Kessel, médecin juif d’origine lituanienne qui vint passer son doctorat à Montpellier, puis partit exercer en Amérique du Sud, Joseph Kessel vécut en Argentine ses toutes premières années, pour être emmené ensuite de l’autre côté de la planète, à Orenbourg, sur l’Oural, berceau de Raïssa, sa mère (née Lesk), où ses parents résidèrent de 1905 à 1908, avant de revenir s’installer en France.
Il fit ses études secondaires au lycée Masséna, à Nice, ensuite au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Infirmier brancardier durant quelques mois en 1914, il obtint en 1915 sa licence de lettres et se trouva engagé, à dix-sept ans, au Journal des Débats, dans le service de politique étrangère.
Tenté un temps par le théâtre, reçu en 1916 avec son jeune frère au Conservatoire, il fit quelques apparitions comme acteur sur la scène de l’Odéon. Mais à la fin de cette même année, Joseph Kessel choisissait de prendre part aux combats, et s’enrôlait comme engagé volontaire, d’abord dans l’artillerie, puis dans l’aviation, où il allait servir au sein de l’escadrille S.39. De cet épisode, il tirerait plus tard le sujet de son premier grand succès, L’Équipage. Il termina la guerre par une mission en Sibérie. Ainsi, quand le conflit s’acheva et que Kessel, dès qu’il eut atteint sa majorité, demanda la nationalité française, il portait la croix de guerre, la médaille militaire, et il avait déjà fait deux fois le tour du monde.
Il reprit alors sa collaboration au Journal des Débats, écrivant également à La Liberté, au Figaro, au Mercure de France, etc. Mais, poussé par son besoin d’aventure et sa recherche des individus hors du commun, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, il allait entamer une double carrière de grand reporter et de romancier. Il suivit la guerre d’indépendance irlandaise et la naissance d’Israël ; il explora les bas-fonds de Berlin ; au Sahara, il vola sur les premières lignes de l’Aéropostale, et navigua avec les négriers de la mer Rouge.
Son premier ouvrage, La Steppe rouge, était un recueil de nouvelles sur la révolution bolchevique. Après L’Équipage (1923), qui faisait entrer l’aviation dans la littérature, il publia Mary de Cork, Les Captifs (Grand Prix du roman de l’Académie française en 1926), Nuits de princes, Les Cœurs purs, Belle de jour, Le Coup de grâce, Fortune carrée (qui était la version romanesque de son reportage Marché d’esclaves), Les Enfants de la chance, La Passante du Sans-Souci, Le Lion, ainsi qu’une biographie de Jean Mermoz, l’aviateur héroïque qui avait été son ami. Tous ces titres connurent, en leur temps, la célébrité.
Avec Georges Suarez et Horace de Carbuccia, il fonde en 1928, à Paris, un hebdomadaire politique et littéraire, le Gringoire. Romain Gary, qui deviendra plus tard son ami, y publia même deux nouvelles à ses débuts, L’Orage (le 15 février 1935), puis Une petite femme (le 24 mai 1935), sous son véritable nom, Roman Kacew. Joseph Kessel fut également membre du jury du prix Gringoire, fondé par l’hebdomadaire, parmi d’autres écrivains de l’époque et sous la présidence de Marcel Prévost. Lorsque le journal, « fortement orienté à droite, puis à l’extrême-droite », afficha des idées fascistes et antisémites, Gary renonça à envoyer ses écrits.
Kessel appartenait à la grande équipe qu’avait réunie Pierre Lazareff à Paris-Soir, et qui fit l’âge d’or des grands reporters. Correspondant de guerre en 1939-40, il rejoignit après la défaite la Résistance au sein du réseau Carte, avec son neveu Maurice Druon. C’est également avec celui-ci qu’il franchit clandestinement les Pyrénées pour gagner Londres et s’engager dans les Forces Françaises libres du général de Gaulle.
En mai 1943, dans l’enceinte du pub de Coulsdon The White Swan dans la banlieue sud de Londres, l’oncle Kessel et son neveu Druon composent les paroles du « Chant des Partisans », chant qui deviendra de ralliement de la Résistance, et Kessel publie, en hommage à ses combattants, « L’Armée des Ombres ». Il finit la guerre, capitaine d’aviation, dans une escadrille qui, la nuit, survole la France pour maintenir les liaisons avec la Résistance et lui donner des consignes.
À la Libération, il reprend son activité de grand reporter, voyage en Palestine. Il reçoit le premier visa du tout nouvel état d’Israël quand il se pose à Haïfa, le 15 mai 1948.
Il continue ses voyages, ces fois-ci, en Afrique, en Birmanie, en Afghanistan. C’est ce dernier pays qui lui inspire son chef-d’œuvre romanesque, Les Cavaliers (1967).
Entre-temps, il avait publié Les Amants du Tage, La Vallée des Rubis, Le Lion, Tous n’étaient pas des anges, et il ferait revivre, sous le titre Témoin parmi les hommes, les heures marquantes de son existence de journaliste.
En 1950 parait Le Tour du Malheur, livre comportant quatre volumes. Cette fresque épique, que l’auteur mit 20 ans à mûrir, contient de nombreux éléments de sa vie personnelle et occupe une place à part au sein de son œuvre. Elle dépeint les tourments d’une époque (La Grande Guerre puis l’entre deux guerres), des personnages sans commune mesure dans leurs excès et une analyse profonde des relations humaines.
Consécration ultime pour ce fils d’émigrés juifs, l’Académie française lui ouvre ses portes. Joseph Kessel y est élu le 22 novembre 1962, au fauteuil du duc de La Force, par 14 voix contre 10 à Marcel Brion, au premier tour de scrutin. Il tient à faire orner son épée d’académicien d’une étoile de David.
« Pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant un millénaire dans les annales de la France, déclara-t-il dans son discours, dont les ancêtres grands soldats, grands seigneurs, grands dignitaires, amis des princes et des rois, ont fait partie de son histoire d’une manière éclatante, pour le remplacer, qui avez-vous désigné ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît. Un juif d’Europe orientale… vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui. De la sorte, messieurs, vous avez donné un nouvel et puissant appui à la foi obstinée et si belle de tous ceux qui, partout, tiennent leurs regards fixés sur les lumières de la France. »
Citons encore ce bel hommage rendu à Joseph Kessel par François Mauriac, dans son Bloc-notes : « Il est de ces êtres à qui tout excès aura été permis, et d’abord dans la témérité du soldat et du résistant, et qui aura gagné l’univers sans avoir perdu son âme. »
Il meurt de sa « belle mort », certains diront d’une rupture d’anévrisme le 23 juillet 1979 entouré des siens. Il avait 81 ans.
© Hubert Bouccara
Je recommande avec insistance à tous les lecteurs (de tribunejuive.info) de suivre attentivement la biographie très impressionnante de Joseph Kessel, magnifiquement racontée par Hubert Bouccara, que pour ma part je remercie très chaleureusement :
Superbe article !!!