« Les choses humaines » Entre gris clair et gris foncé…
Le réalisateur français Yvan Attal, sa compagne Charlotte Gainsbourg et leur fils Ben Attal sont en Israël pour présenter leur film Les choses humaines, inspiré du roman éponyme de Karine Tuil. Ils assisteront les 22 et 23 juillet aux projections du film dans le cadre du Festival International du film à Jérusalem.
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Hier soir la projection de presse du film Les choses humaines a eu lieu à la cinémathèque de Tel Aviv. Une salle comble était au rendez-vous, le couple Attal-Gainsbourg ayant depuis toujours son public en Israël.
Pour rappel, le réalisateur est né à Tel Aviv et l’actrice est la fille de Serge Gainsbourg qui a composé en 1967, en pleine guerre des Six-Jours, la marche militaire Le sable d’Israël.
Lectrice fidèle de l’auteur Karine Tuil, j’avais découvert le roman dès sa sortie ; en tant que scénariste, je sais que l’adaptation cinématographique d’un roman est un exercice difficile, voire casse-gueule, en qualité de lectrice assidue, je suis plutôt réticente à voir un film adapté d’un roman que j’ai beaucoup aimé : je préfère en effet préserver intacts en moi l’univers et les représentations que je m’en suis faite ; même réticence que je rencontre encore lorsque je confie un de mes scenarii à un réalisateur : je sais qu’il va ré-écrire mon histoire en image et que les acteurs vont s’approprier mes personnages ; vous me direz que c’est le but de l’exercice, donner vie à une œuvre initialement écrite…
Attal a pris des libertés par rapport au roman et je ne vais pas en dresser la liste, la controverse reste la même ; un jeune homme bien sous tous rapports est accusé de viol par une jeune femme, il clame son innocence et plaide le consentement, elle se bat pour faire reconnaître sa vérité … mais n’y-a-il qu’une seule vérité ?
Le film est articulé en trois parties :
Lui, Elle, Le Procès.
Le choix de commencer par Lui, soit la version des faits, la vérité du jeune homme, peut sembler un parti-pris du réalisateur ; je pense qu’il sert l’histoire plus qu’autre chose, le procès étant clairement la partie la plus fidèle au roman mais aussi la plus prenante, même si sa cinématographie peut paraître un peu trop classique …
Ayant lu le roman, je savais déjà le verdict, mais le procès a réussi à me tenir en haleine tant les performances d’acteurs sont convaincantes.
Ben Attal, qui pourtant s’exprime peu pendant le procès, incarne à la perfection la profondeur du tourment de son personnage. Suzanne Jouannet, interprète de Mila, la jeune femme juive de famille pratiquante et victime présumée, tient son moment lorsqu’elle se révolte devant les journalistes après le témoignage du père de l’accusé, journaliste célèbre et homme à femmes sur le déclin interprété par Pierre Arditi et qui parle de zone grise pour qualifier la problématique du consentement.
L’avocate de la jeune femme, interprétée par Judith Chemla, parle pour sa part de zone rouge…
Charlotte Gainsbourg, interprète de la mère du jeune accusé, essayiste féministe qui déjà au cœur d’une polémique pour s’être offusquée qu’on crie au danger de diabolisation après qu’un groupe de migrants ait commis sur le sol français un viol collectif sur une jeune femme, voit sa vie et ses convictions voler en éclat quand son fils unique, étudiant brillant , sa pride and joy, se retrouve sur le banc des accusés et livrera un monologue poignant où l’on comprend combien elle est déchirée entre ses convictions de femme et ses certitudes de mère.
Son discours fait écho dans ma tête de femme qui a vécu sa jeunesse avant le #metoo et n’a pas toujours su balancer son porc, et évidemment dans mon cœur de mère ; J’ai eu deux enfants, une fille puis douze ans après un fils, « Presque le choix du roi » comme on dit, ou encore « avoir gagné au Loto« , Pourtant ma profonde inquiétude de mère est qu’un jour un homme fasse du mal à ma fille et qu’un jour mon fils fasse du mal à une femme… Même si je vous dirai, comme le personnage de la mère, que mon fils en serait incapable…
Dans le film, lorsque la nouvelle et jeune compagne du père de l’accusé balance : Qu’est-ce que tu ferais si c’était ta fille ?, Lui répond sans hésiter : Je le tuerais !
Revient à l’esprit que Karine Tuil avait déjà raconté dans L’invention de nos vies des destins exceptionnels se brisant avec perte et fracas sous fond de menace terroriste, et que Attal dans Le brio avait dénoncé, certes avec humour, comment un regrettable dérapage verbal avait mis en danger la carrière d’un professeur d’une grande université parisienne…
S’impose à nous le questionnement de savoir si la problématique du consentement est exacerbée par le Wokisme ambiant…
En s’attardant sur ces deux destins brisés, Yvan Attal ne cherche pas à trancher entre ces deux vérités, le simple fait qu’il y ait une autre vérité étant déjà une fin en soi.
Le verdict n’a plus d’importance.
© Lisa Mamou
Lisa Mamou a fait ses armes au Cours Florent, au Cours Viriot et chez Haim Bouzaglo Workshop et est scénariste, traductrice, productrice, directrice de casting Free-lance. Elle est encore journaliste free-lance et Envoyée Spéciale en Israël pour Tribune juive.
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