J’ai des lecteurs, mélenchonistes (ne me faites pas dire que tous les mélenchonistes sont comme ça, ce n’est pas vrai), et, je le découvre par hasard, d’autres lecteurs, fortuits, qui se révèlent d’extrême-droite (genre Zemmour, ou, plus souvent encore, allez savoir pourquoi, Dupont-Aignant), qui disent qu’il faut négocier, qu’il ne faut plus livrer d’armes à l’Ukraine (ce que demande aussi Poutine). — Hier, Serguéï Lavrov vient d’expliquer que le but de « l’opération spéciale » de l’armée russe avait, une nouvelle fois, changé : il ne s’agit plus de « libérer » le Donbass, il s’agit de s’emparer de quatre provinces : Lougansk, le Donbass, Kherson et Zaporijia, — ce que disaient d’ailleurs depuis des semaines beaucoup de commentateurs, dont moi-même. Et que ce n’était pas seulement ça : l’arrivée des Himars impliquait la démilitarisation du reste de l’Ukraine (« parce que la Russie n’accepterait jamais une telle menace à ses frontières »…) donc, sa disparition en tant qu’entité indépendante.
Et donc, pour le gouvernement ukrainien la question est toute simple. Si vous devez négocier, vous négocier quoi ?… Votre disparition en tant qu’Etat ? C’est-à-dire qu’au lieu du mot « négocation », il faudrait mettre le mot « capitulation » ?
C’est évidemment impossible. Pour au moins deux raisons. Et une troisième.
La première, là encore, toute simple, est évidente. La déclaration de Lavrov officialise une violation flagrante de tous les statuts de l’ONU, dès lors qu’elle remet en cause des traités signés (y compris par la Russie elle-même), et, par là-même, l’intangibilité des frontières reconnues par l’ONU. Dieu sait que ces frontières sont souvent disputées. Si le monde entérine cette violation-ci, le résultat immédiat sera une série d’autres guerres dans le monde entier, pour les mêmes raisons : à un moment donné, tel gouvernement de tel pays voudra annexer ou récupérer tel bout de terre de son voisin, et, bref, nous revenons au Moyen-Age. La déclaration de Lavrov signifie, concrètement, autre chose : que la Russie a cessé de reconnaître la légitimité de l’ONU, et de toute « communauté internationale », alors même qu’elle est membre du Conseil de Sécurité. C’est-à-dire que nous sommes passés à une autre époque. Il n’y a plus, pour la Russie, aucun héritage de l’après-deuxième guerre mondiale. Concrètement encore, cela signifie que la Russie est passée, activement, à la Troisième guerre mondiale.
Ce sera sans doute le 11 septembre, journée d’élections générales en Russie (à part la présidentielle) que la Russie organisera des référendums avec ce qui reste de population dans les zones occupées, sachant que la Russie revendique, officiellement, « abriter » 2.600.000 Ukrainiens (mais, en fait, beaucoup plus), — et qu’il existe des propositions de lois officielles pour installer ces personnes « dans les régions désertiques de la Russie », c’est-à-dire en Sibérie… pour que ces régions soient repeuplées. Parce qu’un des résultats de la politique de Poutine depuis vingt ans a été le dépeuplement de régions entières (déjà peu peuplées auparavant), à cause de la ruine des services publics et de l’agriculture de petites exploitations.
À l’évidence, aucun pays du monde (sauf, je ne sais pas, l’Iran, la Corée du Nord ou le Turkménistan) ne pourra accepter ça — juste d’un point de vue légal.
La deuxième raison est d’ordre militaire. — La Russie fait cette annonce officielle au moment où l’équilibre des forces commence sérieusement à bouger. Le rouleau-compresseur russe continue, mais encore plus lentement qu’avant, et les Ukrainiens ont reçu les premières armes, américaines, qui leur permettent de frapper les dépôts de munitions et les états-majors. C’est-à-dire que, de plus en plus, l’effort de la logistique russe est mis à mal. Et les Russes comprennent parfaitement qu’ils n’ont pas les moyens de renverser la situation. Au contraire. La guerre d’usure, monstrueuse, est beaucoup plus terrible, militairement, pour les attaquants que pour ceux qui défendent, et tous les rapports concordent pour dire que la Russie n’est plus capable de remplacer les pertes — en hommes, et, surtout, en matériel. Bref, qu’il va arriver un moment où cet équilibre sera rompu, et, là, la défaite sera inévitable.
C’est la raison pour laquelle Poutine insiste sur le chantage avec le blé : il est prêt à « assurer la sécurité » du transport de blé ukrainien sur la mer Noire (blé qu’il a pillé pour une grande partie) en échange d’un arrêt des sanctions. — J’ajoute ici que, d’après ce que je sais, les produits alimentaires et les produits pharmaceutiques n’ont jamais fait partie d’aucun « paquet de sanctions » de la part des Alliés, et qu’il n’y a pas, au moment où j’écris, d’embargo sur l’import-export de ces biens.
C’est aussi la raison du chantage au gaz. Oui, Poutine va couper le gaz à l’Europe tout entière. Il peut se permettre en ce moment, parce que les prix sont tellement hauts, et qu’il peut vendre, quasiment sans profit, à la Chine et à l’Inde. Mais il est prêt à vendre à perte (pour la Chine, c’est déjà le cas pour un grand nombre de produits — j’en avais parlé en son temps). Il est prêt à cela, parce que, ce qu’il dit, c’est que, lui, il ne négociera jamais. Il ira jusqu’au bout, quitte à laisser la Russie complètement exsangue, ruinée, ravagée par la défaite, les sanctions, et ses quasiment 25 ans de règne. Et il ne peut qu’aller jusqu’au bout, pour la troisième raison.
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Cette troisième raison, c’est la justice. Les crimes de l’armée russe, de la Fédération de Russie en général, sont tels qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, qu’ils soient jugés (j’en ai parlé et reparlé). Et, à encore, la surenchère constante à laquelle Poutine se livre le montre tous les jours : plus Poutine accumule les crimes (génocide, crimes de guerre, crimes économiques, répressions de toutes sortes contre sa propre population), plus il lance un défi au monde : ça (mettez Boutcha, Marioupol, des dizaines et des dizaines de noms), comment vous le jugerez ? Et vous jugerez qui ? Et où ? — Poutine a parfaitement compris qu’il joue sa survie physique.
Je ne pense pas qu’il se laissera arrêter, qu’il acceptera de céder (et pas maintenant…— dans des mois et des mois). Il est, oui, comme Hitler. La déclaration de Lavrov dit cela d’une façon très limpide : jamais nous ne négocierons ; le jour où nous serons battus, par l’armement de l’OTAN, par les sanctions, nous aurons tout détruit autour de nous. Nous mourrons, oui, peut-être. Mais tellement d’autres mourront avec nous.
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Et cette déclaration est aussi un défi à l’Europe. Si, après cela, l’Ukraine se fait imposer des négociations parce que l’Europe ne supporte pas l’embargo énergétique alors que son territoire est démembré (pas après la libération de ces territoires), c’est que l’Europe en général a renoncé à toute liberté. C’est qu’elle a accepté sa servitude.
Nous pensions que, nous, ici, en Europe occidentale, nous pouvions vivre sans guerre pendant plusieurs générations. La guerre est là, devant nos yeux.
Markowicz nous dit, entre autres, « La déclaration de Lavrov signifie….que la Russie a cessé de reconnaître la légitimité de…. Toute communauté internationale ».
Quelle « communauté internationale » ?
Le soutien absolu et inconditionnel à l’Ukraine contre la Russie est l’apanage d’un certain « Occident » inféodé aux USA, dirigés (provisoirement) par un pyromane sénile.
Cet « Occident » suicidaire pratique des sanctions à double tranchant qui tournent déjà à son détriment et qui n’auront à terme aucun effet sur la politique russe.
Cet « Occident » suicidaire frôle la cobelligérance, à livrer des montagnes d’armes et d’argent à l’Ukraine et à lui fournir divers services, dont assistance et renseignements militaires cruciaux contre la Russie.
Cet « Occident » courre, somnambule, vers le précipice qui pourrait être nucléaire.
A ne surtout pas confondre avec le reste du monde : la majorité des pays et de la population mondiale est, soit indifférente à l’Ukraine soit favorable à la Russie.
La « communauté internationale » a bon dos ; elle n’est pas DU TOUT ce que prétend Markowicz.
N’oublions pas la leçon apprise par Bonaparte en laissant son armée (1812) geler à mort à la Berezina ; et celle apprise par Hitler en 1942, à Stalingrad :
on peut gagner des batailles contre la Russie, mais PAS la guerre.
L’Ukraine paye ses manœuvres d’approche à l’Otan. Voyons le contrat (en Anglais) de collaboration stratégique (U.S.-Ukraine Charter on Strategic Partnership) signé le 10 novembre 2021 (trois mois et demi avant l’invasion russe) entre les USA et l’Ukraine :
https://www.state.gov/u-s-ukraine-charter-on-strategic-partnership/
C’est une déclaration de guerre des USA, moyennant le vassal Ukraine, contre la Russie. Poutine ne pouvait simplement pas réagir autrement que par la guerre.
Vous auriez été pour l’annexion des Sudetes en 1936!
Vous auriez été pour la condamnation d’Israël en 1967!
Les Sudètes de 1936 ? Quel rapport avec aujourd’hui ? Vous croyez qu’un anachronisme simpliste et une posture morale avantageuse permettent de comprendre et d’agir lucidement sur la situation actuelle ? On peut détester Poutine sans tomber dans la propagande la plus paresseuse qui soit. Nazifier Poutine tout en soutenant les mercenaires ukrainiens d’Azov n’est pas sérieux. Si la Russie n’avait pas déclaré la guerre, l’Ukraine inféodée aux Etats-Unis l’aurait fait pour défendre des intérêts crapuleux qui vont bien au-delà de la défense de la patrie. Le suivi minutieux de l’engrenage du conflit entre les deux pays le montre clairement.
L’annexion des Sudètes date de 1938. Ne nous fatiguez plus avec cet argument éculé et hors sujet, nous vous en serions reconnaissants.
@ Wallaby
22 JUILLET 2022 À 9 H 59 MIN
Pour compléter votre lien en anglais, on peut lire un texte officiel de l’Otan en français :
https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_37750.htm
D’accord avec Wallaby. En outre les sanctions économiques unilatérales de nos dirigeants (les plus ineptes de la planète) se retournent déjà contre nous, alors que la Russie avait déjà anticipé cette réaction et trouve d’autres débouchés. Échec sur toute la ligne pour l’UE qui après commis la politique du pire dans absolument TOUS les domaines depuis 30 ans n’est plus qu’une simple succursale des États-unis. A notre effondrement sociétal correspond l’accélération de notre déclin géopolitique : en effet l’Europe passe aux yeux du monde entier pour le valet des USA qui eux-mêmes sont de plus en plus isolés et voient leur suprématie contestée presque partout : même l’Arabie saoudite pourtant considérée comme leur allié historique a commencé à se débarrasser du dollar au profit du yen dans ses échanges commerciaux. L’Afrique est tombée aux mains de la Chine et de la Russie (d’ailleurs tant mieux pour nous) et une crise alimentaire géante se profile à l’horizon. Or deux puissances disposent de réserves considérables dont elles vont pouvoir tirer profit, et il se trouve que les deux puissances en question sont la Chine et la Russie. Pendant ce temps-la notre « allié » Erdogan trépigne de joie et continue ses exactions au Kurdistan en toute tranquillité.
De son côté Israël a tout intérêt à multiplier les partenariats avec d’autres puissances arabes comme le Maroc car l’Europe est clairement antisioniste et les USA risquent de le devenir au vu de l’antisémitisme galopant dans le camp démocrate (ou devrais je dire national-démocrate).
La guerre ukrainienne joue le rôle d’accélérateur dans la chute de l’Europe et indépendamment de la question « Poutine est-il méchant ou gentil ? » nos propres dirigeants agissent systématiquement contre leurs propres pays.