Serge Linkès raconte Joseph Kessel

« Je ne regrette vraiment rien; je recommencerai [ma vie], minute par minute », Joseph Kessel.

Vidéo de France Culture, à propos de la sortie, en 2020, des romans et récits de Joseph Kessel dans La Pléiade, sous la direction de Serge Linkès, en deux tomes, album par Gilles Heuré

« Si j’ai aimé, si j’aime encore aussi fort l’aventure, ce n’est pas tout-à-fait de ma faute, dit-il. Grand reporter aux confins du monde, Joseph Kessel (1898-1979) a écrit des dizaines de romans à succès, notamment : L’Équipage, Le Lion, Belles de jour, Les Cavaliers. Volontaire à 18 ans pendant la première guerre mondiale, il sort décoré de la deuxième pour sa bravoure dans la Résistance.

Russe d’origine, voyageur infatigable, il écrit Le Chant des partisans en Angleterre, avant de devenir Académicien à Paris. Il a le panache des mousquetaires, l’allure d’un colosse, le regard tendre et l’alcool fraternel. »


Serge Linkès, professeur de littérature : « Ce qui fait la force de Kessel, c’est qu’il ne les a pas simplement écrites ; il les a vécues, ces choses-là. La plupart des choses qu’il raconte, notamment concernant la guerre, il les a vécues : il a été aviateur, il a été résistant ; il reprend sa fonction de journaliste après ça, mais tout le monde sait que Kessel, ce n’est pas simplement celui qui écrit sur la guerre, c’est celui qui fait la guerre sans hésiter, qui est prêt à se sacrifier, qui prend des risques ».

Son enfance, Kessel la passe entre une colonie juive de la pampa argentine et une capitale cosaque [Orenbourg], d’où sa mère est originaire. « Je suis né dans des conditions de vie sauvages, primitives, très dures », dit-il.

Son adolescence, il la brûle : apprenti comédien sur les planches du théâtre de l’Odéon, il finance son conservatoire par des piges pour la presse. À 18 ans, la défense de la patrie l’appelle ; il s’engage, intrépide, dans l’aviation.

« Ma vraie aventure, comme celle de beaucoup de gens, a commencé avec la guerre. J’ai appris la camaraderie de vie et de mort, les risques du vol et, surtout, l’extraordinaire fraternité de l’équipage ».

Jeune soldat, il est enrôlé dans un tour du monde de Brest à Vladivostok. via San Francisco. Ovationné, il y découvre les beuveries, il y découvre les femmes. Il y rencontre sa première femme qui le laissera veuf à 30 ans. Il croise une foule de personnages troubles qui le fascinent et peupleront ses textes.

« Pour être franc, j’ai éprouvé moi-même ce délire du Tout est permis, et je crois que c’est pour ça aussi que les cosaques, aussi bien que les truands de Berlin, que ceux de Montmartre, des gens perdus, ont eu confiance en moi et m’ont traité en ami, parce que, non seulement je ne les jugeais pas, mais ils sentaient en moi une part d’eux-mêmes.

Serge Linkès : « c’est quelqu’un qui est toujours entier ; il a une sorte d’engagement plein, complet, que ce soit en ce qui a trait aux amis, au sujet qu’il traite. Il part faire des sujets de façon complètement délirante. Quand il part en Abyssinie, c’est un territoire complètement perdu ; il se lance comme ça sur les pistes ; c’est un truc complètement fou ».

Grand reporter, brillant, Kessel couvre les conflits du siècle : Irlande du Nord, Espagne, dans la résistance auprès de « l’armée des ombres », auprès des esclaves en Abyssinie, dans le jeune État d’Israël dont il obtient le premier visa.

Ami indéfectible de patrons de presse, comme Pierre Lazareff, et de grands éditeurs, comme Gaston Gallimard, Kessel puise dans ses grands reportages la matière de récits et de contes adaptés en romans, puis, souvent, réadaptés en films. Même Le Lion, son plus grand succès, une historie d’amitié entre une petite fille et un lion, il l’a puisée dans son expérience au Kenya.

« Comme dans toute histoire, je crois, il y a une part de vérité. Là, il y a une immense part de vérité, mais dans le sens de la coexistence de la bête et de l’homme ».

Toujours en quête de fraternité, toujours en quête d’humanité, il campe des héros atemporels, décrit des aventures intrépides pour le plaisir de ses lecteurs.

Serge Linkès : « à chaque fois, on a l’impression qu’il met le même cœur dans ce qu’il fait ; que ce soit dans le reportage, le roman, le conte ou l’article, ou une rubrique nécrologique pour un collègue. Il a été très souvent ruiné, car s’il gagnait beaucoup d’argent avec ses œuvres ou avec ses reportages, il en dépensait énormément en dilapidant à tout-va. C’est à dire que la générosité de Kessel est à tous les niveaux, aussi bien dans l’écriture que dans la vie de tous les jours ».

Joseph Kessel : « je ne regrette vraiment rien ; je recommencerai ma vie minute par minute ».

Joseph Kessel, Romans et Récits, La Pléiade, Gallimard, 2020.

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