Sarah Cattan. Quand Shmuel Trigano évoquait “Le signal du départ”

A écouter hier le discours présidentiel à Pithiviers, discours annoncé à coups de clairon comme s’il allait d’un coup de baguette magique éradiquer le prurit antisémite, ce mal devant lequel ils sont tous là, prompts à se prosterner et sécher quelques larmes en répétant Plus jamais ça, consensuels qu’ils sont encore et toujours à pleurer les Juifs morts, ceux d’hier, d’aujourd’hui et sans doute de demain,

A lire concomitamment les témoignages postés par les enfants des déportés-raflés-torturés- brûlés-assassinés à bout portant-jetés par la fenêtre,

A regarder où la France en est Et comment la Justice a tué une deuxième fois dans l’indifférence quasi générale une Sarah Halimi,

On ne peut que regarder et écouter à distance ce Président ou sa PM venus dire leur émotion mais encore “promettre”…

On ne peut que se souvenir, avec Shmuel Trigano s’il faut en citer Un, de ce passé français si récent. Et on ne peut alors qu’être sombre à relire ce texte écrit le 16 juillet 2014.

Sarah Cattan


Le signal du départ ?

“Ce qui s’est passé le dimanche 13 juillet 2014 à Paris[1] est, à de nombreux points de vue, un événement considérable, un tournant dans la vague antisémite commencée au début des années 2000. C’est comme la répétition en bonne et due forme d’un pogrom qui a échoué mais qui risque de se reproduire. Il aurait pu réussir, cependant, et provoquer mort d’homme, si ce n’était la résistance improvisée du Beitar et de la Ligue de défense juive devant la synagogue de la Roquette. Telle était l’intention des émeutiers vu les armes dont ils étaient pourvus et l’ampleur des cibles  visées: 2 synagogues (et la veille Belleville et Aulnay sous Bois) et le signalement d’adresses juives, cibles potentielles, sur le parcours de la manifestation.

L’acte est manifestement antisémite car ni les émeutiers ne sont des « Palestiniens », ni les Juifs français agressés ne sont des Israéliens. L’événement est franco-français. Il émane non pas d’une idéologie politique mais d’une appartenance ethnique et communautaire, religieuse (arabo-musulmane). De même, sa cible ne concerne pas les adhérents d’un parti politique mais une appartenance ethnique et religieuse, les Juifs (pour l’occasion identifiés aux Israéliens), en deçà de toute option, ce qui en fait un acte typiquement raciste, quoiqu’un racisme de source religieuse comme les symboles identitaires des assaillants et leurs slogans le montraient.

Par ailleurs, le lien de cette manifestation avec une campagne internationale, sans doute par le biais des Frères Musulmans, semble évident. « Chameau ne voit pas sa bosse » pour des gens qui fustige le « sionisme international »… Le prétexte invoqué est dilatoire: il y a eu 170 morts à Gaza, dont une majeure partie de terroristes, et 170 000 morts en Syrie. La comparaison vaut le détour car 170 000 morts n’ont suscité aucun scandale ni aucune compassion dans l’opinion musulmane. Aucune manifestation. Le caractère de prétexte est donc ici clairement évident. C’est les Juifs qui sont en question, pas les Palestiniens.

Depuis l’an 2000, la cause palestinienne est l’emblême de l’activisme islamique en France qui a trouvé dans l’antisionisme dominant dans les médias et la société une justification « morale » à son éruption violente sur la scène publique et une avenue à son développement. Cela n’a été que la première étape d’une violence qui a gagné tous les territoires de la société, à la façon dont les 500 agressions de 2001 ont précédé la « révolte des banlieues » de 2005.

Sommes nous en France en situation de guerre civile? La confiance dans le fair play citoyen d’une partie de la société française risque fort d’avoir été définitivement rompue. Mais que va-t-il se passer dans la vie quotidienne, la vie civile, la vie économique, la vie administrative? Car il y a d’autres informations inquiétantes venant de ces domaines. Déjà les populations juives, celles qui le peuvent, se sont d’elles mêmes repliées dans des quartiers plus sûrs. Les enfants juifs ont déserté en masse l’école publique incapable d’assurer leur protection. Les étudiants juifs évitent certaines universités. Un élément juif dans un CV est souvent fatal. Les écoles juives elles mêmes et les synagogues sont devenues des casemates. Les Juifs sont progressivement repoussés d’un espace qui n’est plus « public » mais fragmenté sous l’effet de la « diversité ». L’image des Juifs, d’Israël, voire du judaïsme, est sans cesse bafouée… Sans compter les terroristes potentiels du djihad qui sont parmi nous.

A celà s’ajoute la complaisance de la société et la somnolence de l’Etat, qui durent depuis 14 ans. Empétrés dans le politiquement correct européen, les hommes d’Etat ont fait une erreur d’analyse stratégique considérable qui non seulement n’a pas fait obstacle à la dégradation mais  l’a empirée de plus belle. Dans les interventions des deux têtes de l’Etat après La Bastille, cette erreur est réïtérée. Manuel Valls ne veut pas laisser « le conflit israélo-palestinien s’importer en France » . C’est ce que pense Hollande  « Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s’importer. L’antisémitisme ne peut pas être utilisé parce qu’il y a un conflit entre Israël et la Palestine« . C’est un déni de la nature du problème qui est français, religieux, ethnique. Israël n’est qu’un prétexte, à l’inverse de ce que dit Hollande. En faisant référence à Israël, on accumule encore plus l’opprobre sur lui, on enrage encore plus les émeutiers, et on renforce leur « raison » de manifester. On évite ainsi de se confronter au problème strictement français. Jean Yves Le Drian  en demandant « à Israël de faire preuve de mesure dans sa riposte, de respecter le droit international et de faire en sorte que les victimes civiles soient épargnées» ne fait que répéter le mantra gaulliste de 1967 qui vise à interdire à Israël le droit à l’auto-défense. Plutôt que toucher à un seul Palestinien il vaut mieux que les Israéliens se laissent tuer. C’est le même « politiquement correct » qui sévit en France et déforme la réalité, transporté sur le plan international. Juifs, souffrez en silence!

Le plus terrible reste cependant la réaction ou l’absence de réaction de la société et notamment des médias. La dépèche de l’AFP est un modèle du genre en matière de réécriture des événements dans le sens de leur dénaturation[2], mâtinée de l’opinion du grand « expert » en la matière, Pascal Boniface:« Interdire ce type de manifestation serait un remède pire que le mal». Les manifestants fustigeant la cruauté d’Israël sont abondamment cités et bien sûr l’AFP incrimine la Ligue de défense juive. Elle fournit dans sa dépêche un schéma sur les pertes à Gaza comme pour justifier implicitement la manifestation.

Quel va être l’impact de cet événement sur les Juifs de France? Il pourrait jouer le rôle que des faits de ce type ont rempli dans le passé pour les Juifs du monde arabe: un événement symbolique très fort (une émeute,un assassinat…) qui donne le signal du départ en donnant à comprendre aux Juifs qu’ils n’ont plus d’avenir dans le pays qui était le leur. Ce phénomène s’est répété dans les 10 pays d’où les Juifs ont été chassés en masse. Après tout ce serait plausible car c’est comme si l’exclusion des Juifs, qui avait commencé en Afrique du Nord et qui, d’une certaine façon menace, depuis, ceux d’entre eux qui ont trouvé refuge en Israël, se poursuivait sur le sol français. De la “Françalgérie”?”

[1] Et à Marseille, à Nice, etc.

[2] Voir l’excellente analyse de Jean Szlamowicz

http://www.europe-israel.org/2014/07/pogrom-a-paris-le-silence-des-medias-francais-par-jean-szlamowicz/


https://frblogs.timesofisrael.com/le-signal-du-depart/

 © Shmuel Trigano


Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités

Fondateur de l’Université Populaire du Judaïsme

http://www.unipopu.org ; universitedujudaisme.akadem.org

Fondateur de la Revue européenne d’études juives, Pardès

http://www.inpress.fr/pardes-2/ ; http://www.cairn.info/revue-pardes.htm 


Le site internet de Shmuel Trigano:

http://www.shmuel-trigano.fr

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2 Comments

  1. Le signal de depart est desormais donné chaque jour de l année , les aneries debitées au kilometre par macron et ses sbires ne peuvent pas cacher la duplicité et la responsabilité des pouvoirs en place .
    Chaque juif doit reflechir a son avenir , autant qu a celui de ses enfants .Les responsables communautaires niais et obsequieux seront comptables de leur incurie

  2. Malheureusement ce phénomène n’est pas “franco-français”. Faut-il rappeler les manifestations antisémites de BLM aux États-unis ? Est-il nécessaire de rappeler le militantisme antisémite de nombreuses célébrités de la musique et du cinéma britanniques ? Ou encore l’explosion d’agressions et de crimes antisémites (dont le viol et le meurtre d’une adolescente) en Allemagne suite à la “généreuse” politique d’immigration d’Angela Merkel et de l’UE ? Non il ne s’agit aucunement d’une réalité franco française : c’est celle de toutes nos pseudo “démocraties” occidentales et la trahison criminelle des gouvernants français vis à vis des Juifs et de la population non “racisée” est ni plus ni moins la même que celle des gouvernants américains, britanniques, belges ou allemands.

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