Tribune Juive

Étienne de Montety. Molière, au secours !

Une romancière contemporaine conspuée pour avoir écrit un texte jugé trop difficile par des apprentis bacheliers chargés de le commenter, le mot « ludique » qui suscite une semblable animosité de la part de lycéens qui n’en connaissent pas le sens. Molière, au secours !

Les raisons de ce décrochage sont multiples ; pour une part il faut les chercher dans les errements pédagogiques de l’Éducation nationale, longtemps aimantée par l’actualité au détriment des grands textes.

Autre observation : depuis un demi-siècle, le langage oral triomphe, notamment promu par la communication audiovisuelle, politique et institutionnelle, avec ses tics et autres « éléments de langage » faits de néologismes, d’euphémismes, d’anglicismes.

Et que dire de la fascination contemporaine pour les jargons, ceux du monde numérique comme ceux des cités. Pour pittoresques qu’ils soient, ils isolent les plus jeunes, les plus défavorisés.

Et voilà pourquoi votre fille n’est plus muette, mais décontenancée par un texte écrit en français classique. Elle ne comprend pas « ludique », car, dans son monde, on dit « fun » ou « kiffant ».
La langue d’aujourd’hui vise la simplicité, la rapidité, l’efficacité, qui sont des vertus cardinales de notre époque. Soit, mais le style de Voltaire ou de Stendhal brillait aussi par sa clarté, son élégance, son sens des nuances, autant de qualités qui en firent la langue de la conversation et l’instrument de la diplomatie.

Que faut-il faire ? Abaisser le niveau des textes pour ne pas désespérer nos lycéens ? Mais jusqu’où ? Ou alors, choix plus courageux, grâce à des parents, à des professeurs exemplaires, permettre aux élèves d’accéder à l’émerveillement devant un poète ou un romancier.

Leur apprentissage du monde en dépend. Leurs relations avec leurs contemporains aussi. C’est un cadeau que notre société ne doit pas renoncer à leur faire, fût-ce contre leur gré.

Le ministre de l’Éducation nationale annonce vouloir intégrer aux programmes « les thématiques liées au réchauffement climatique et à l’environnement ». Il ne serait pas inutile qu’il pousse l’audace jusqu’à y accroître l’apprentissage de la langue et de la littérature françaises.

© Étienne de Montety

Ecrivain et journaliste français, Étienne de Montety a remporté le Grand prix du roman de l’Académie française 2020 avec La Grande Épreuve.

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