Ce temps est-il vraiment révolu, ce temps où les passagers d’un autobus n’étaient pas plongés dans leurs téléphones mais se parlaient entre eux ?
Trois histoires personnelles pour vous montrer qu’il n’en est rien.
– Il y a quelques années je suis assise, perdue dans mes pensées, portant un haut sympathique de chez Zara aux imprimés lézards. Un homme d’une soixantaine d’années, assis en face de moi, hoche la tête et fronce les sourcils en signe de désaccord. Avec son hébreu à l’accent yéménite, pleins de lettres gutturales, il m’interpelle : Une jeune fille religieuse comme toi, mais pourquoi ?! Pourquoi porter un t-shirt avec des lézards?! Ces bêtes impures de la Torah ! Tu n’aurais pas pu mettre un t-shirt avec une vache ou un mouton ? (Bêtes pures dans la tradition juive).
– Un soir vers 18h, dans un bus double à Jérusalem. On n’entend qu’un homme au téléphone qui règle plusieurs points épineux d’un testament. Tous les passagers écoutent, passionnés. Au bout de vingt longues minutes, après avoir passé en revue tous les paragraphes et expliqué le pourquoi, très habile, de chaque clause, il n’oublie pas de préciser: “Tout cela reste entre nous, hein, ne le dis à personne.” Pas d’inquiétude, je ne le raconterai pas.
– Je suis encore célibataire et je rentre d’un shabbat près de Bné Brak. Ma voisine, jeune femme hassidite de 17 ans commence la conversation. Très rapidement elle m’annonce qu’elle est fiancée et qu’elle se marie dans quatre mois. Puis elle me demande: “Mais dis-moi, comment ça se passe chez vous les rencontres ? Ce n’est pas le rabbi qui décide, n’est-ce pas? Ce doit être très difficile de choisir ?”
Je lui décris le processus en quelques mots : les amis qui présentent leurs amis à d’autres amis, etc. Je passe sur le rituel du verre offert dans le lobby d’un grand hôtel pour ne pas la choquer. Et bientôt, j’en profite : c’est à mon tour de poser des questions. Je découvre un autre monde où les fiancés se fiancent en quelques rencontres et patientent plusieurs mois, sans se voir ni se parler, avant de se marier.
Quand je descends à ma station, nous sommes chacune persuadée que notre vie est bien plus simple que celle de notre voisine. Et que nous avons eu beaucoup de chance d’êtres nées dans nos familles respectives !
© Eliana Gurfinkiel
Ce sont deux cultures différentes qui nous sont présentées sous la plume de Éliana Gurfinkiel. La jeune hassidite qui va épouser un inconnu,et Eliana qui se mariera,peut-être, avec un homme qu’elle aura choisi. L’épisode du testament qu’un personnage déballe à qui veut l’entendre ,les détails du dit testament qui doit rester confidentiel sauf que la conversation téléphonique a lieu dans un bus double et ça c’est vraiment drôle et c’est le reflet de la société israélienne.