Maxime Tandonnet. Un pouvoir gravement déstabilisé

« Le président de la République, qui a chargé Elisabeth Borne de bâtir «un nouveau gouvernement d’action», a annoncé pouvoir aller «des communistes aux LR» mais a d’office exclu la France Insoumise et le Rassemblement national [car] ces formations ne s’inscrivent pas comme des partis de gouvernement. »

L’exclusion a priori de deux partis politiques fortement représentés à l’Assemblée est un exercice douteux au regard des principes fondamentaux de la démocratie française qui se traduisent dans la Constitution. Selon son article 3, les représentants de la Nation (députés et sénateurs) ont pour mission essentielle d’exprimer la souveraineté nationale. Chaque député, individuellement, est un représentant de la Nation, nonobstant sa couleur politique. Il est, d’un point de vue formel, institutionnel ou juridique, du fait même de son élection, le détenteur d’une fraction de la souveraineté à égalité avec les autres membres de l’Assemblée nationale. .

Le président, en tant que gardien des institutions, au-dessus de la mêlée, ne peut donc pas jeter l’anathème sur une partie des députés, avant même qu’ils n’aient commencé à siéger, en les privant indirectement – à travers leur exclusion de toute vocation à exercer le pouvoir contrairement aux autres – d’une partie de leur légitimité démocratique issue des urnes. Selon l’article 4, les partis politiques doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Dès lors, s’ils ne sont pas dissous ou interdits et s’ils ont été autorisés à prendre part aux élections, avant d’entrer au Parlement, ils sont présumés répondre à ces critères.

D’ailleurs, l’idée de contrat de gouvernement avec une partie (présumée fréquentable) de l’Assemblée nationale est elle-même discutable. Le rôle du Parlement est de voter la loi, contrôler l’action du gouvernement et de l’évaluer (article 24). L’enfermement d’une partie de l’Assemblée nationale dans un pacte avec l’exécutif heurte frontalement la Constitution (quel contrôle possible si on est lié par un contrat de gouvernement?) et le principe fondamental de la Séparation des pouvoirs (Montesquieu).

Il faut voir dans ce réflexe une survivance de la logique d’un Parlement servile du fait d’une majorité présidentielle absolue et de députés godillots qui a prévalu jusqu’aux dernières législatives. La logique de l’ancien système s’était notamment traduite avant les élections par la signature d’une « charte de gouvernement » entre l’exécutif et les candidats de sa (présumée) future majorité, par laquelle ils s’engageaient à soutenir ses projets de loi. On n’a jamais assez dit à quel point ce procédé est inconstitutionnel et antirépublicain, violant de plein fouet le principe selon lequel les représentants de la nation sont libres de leur vote (Tout mandat impératif est nul article 27). Aujourd’hui, le pouvoir voudrait perpétuer cette mise sous tutelle à une majorité redéfinie…

Dimanche dernier, par leur vote, les Français ont clairement condamné cette dérive. Il est invraisemblable que le pouvoir ne le sente pas, ne le comprenne pas. En s’accrochant désespérément aux vestige d’un régime en cours d’effondrement, le pouvoir politique ne fait lui-même que s’enfoncer dans le chaos.

Maxime Tandonnet

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6 Comments

  1. L’auteur nous dit : « L’exclusion a priori de deux partis politiques fortement représentés à l’Assemblée est un exercice douteux au regard des principes fondamentaux de la démocratie française qui se traduisent dans la Constitution ».

    NON. Nullement.
    L’absence d’une majorité absolue se traduit par la nécessité de former une (des ?…) coalition(s) ; ad hoc ou permanente. Comme d’ailleurs dans la plupart des pays comparables.

    Le président élu et le bloc parlementaire principal (quoique non majoritaire) qui le soutient sont libres à s’allier avec qui ils jugent bon.
    Le but étant, faut-il le rappeler, d’assurer la gouvernabilité et d’éviter le chaos.

    Le reste n’est qu’arguties non fondées et surtout tortueuses à souhait histoire de brouiller le chaland.
    RIEN n’oblige à inclure dans une coalition ceux que le président élu et le bloc parlementaire principal considèrent comme incompatibles avec leur programme et leur vision du monde.

    L’auteur semble ignorer que nous sommes plusieurs ici à savoir lire. Même la Constitution.

  2. Bonjour Mr Tandonnet. Le problème de votre analyse, c’est que vous semblez ne pas voir que nous sommes dans une démocratie de façade, une démocrature où le parlement, les élections etc ne servent qu’à servir le fanatisme idéologique d’un pouvoir ayant totalement rompu avec les principes républicains.
    En outre la prétendue « élite » est nécessairement inepte et culturellement pauvre : c’est le principe de « la stupidité structurellement induite ».

  3. Un pouvoir de plus en plus autoritaire mettant en place une propagande et une censure digne d’une dictature. Outre le pas de vague maintes fois dénoncé ici, rappeler des faits politiques et des vérités géopolitiques est devenu quasi impossible depuis la guerre en Ukraine. Pire : depuis la nomination d’un indigéniste au poste de la rééducation politique, dénoncer le fascisme indigéniste et son idéologie raciste digne de Mein Kampf devient également impossible. Vous aviez été prévenus. Voter LREM ou voter la NUPES : voter pour le PIR.

    • Tatiyana Ventose a fait une vidéo sur ce sujet. C’est tout juste si nos «  » »journalistes » » » n’ont pas un pistolet sur la tempe.

      En terme de liberté d’expression, la France de 2017 ressemblait à l’URSS. En 2027,ce sera la Corée du Nord.

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