N’oublie-t-on pas toujours l’essentiel ? Lorsque l’on cherche le pourquoi et le comment de ce qui est neuf, n’est-ce pas du côté de l’écriture, de sa structure que se cherche l’explication ? Il faut un bouleversement, une émotion qui suscitent en nous un choc pour se poser cette question.
Ainsi, le livre de Roselyne Madelénat, Sur un air d’interdit.
Ce livre entre thriller et analyse psychologique met en présence et en lumière les femmes.
Des quinquagénaires pour ne pas les nommer.
Graziella héroïne flamboyante vit dans cette ère destructurée une plongée en elle-même grâce à l’amitié qui fleure voire prend nom de sororité.
Que ferions-nous sans l’autre ? Sans le regard bienveillant de l’amie à laquelle on se confie en toute sécurité.
Graziella va découvrir que son âge la place dans une nouvelle posture quasi langagière.
En effet, la construction du texte qui se décompose en chapitres qui ont tous un titre et donnent une profondeur à ce livre qui nous ouvre des perspectives et nous interroge est pertinente.
Qui a tué Jeanne sa voisine et amie octogénaire, et qui a volé son Basquiat ?
Qui est Maxime, cet homme au regard profond dont elle tombe amoureuse, un simple amant au passé trouble ? Ou un amant double ?
Qui peut définir sans jugement les rapports de Graziella avec sa fille Sarah si ce ne sont ses amies et surtout Elisabeth sa quasi sœur, son reflet miroir ?
Reflets brumeux dans cette intrigue policière et ce jeu de dupes.
Mise en situation sans concessions de l’âge, du rôle de mère loin d’être parfaite, de l’amour et de la séduction différente quand on avance en âge.
Mais, la quinquagénaire d’aujourd’hui n’est-elle pas la trentenaire d’hier ?
Et, quand tout explose dans la fureur terroriste du Bataclan, cette ignominie n’entraîne-t-elle pas nécessairement une autre appréhension du monde et du regard sur celui-ci ?
Toutes ces problématiques sont posées dans cet ouvrage dont il ne faut dévoiler l’intrigue afin de laisser le lecteur la découvrir. Car intrigue il y a et celle-ci est haletante.
Roselyne Madelenat qui signe, là, son deuxième roman a réussi d’une plume de maître. Car tant la forme que le fond sont vifs et à quasi contre-temps de l’amollissement consensuel. Style où se conjuguent classicisme et jeu de mots qui donnent un ton léger à un texte profond tant il nous interroge.
Comme l’écrit l’écrivaine :
« Mais est-ce qu’écrire une réalité n’est pas la changer en fiction ? Est-ce qu’un écrivain peut être dans la réalité quand il se met à écrire ? Ou alors, ne pousse-t-il pas la réalité à l’extrême ? »
Superbe questionnement sur l’existence et l’humanisme font de ce livre un texte à ne pas manquer. Car un air d’interdit flotte dans ce parfum d’été et nous emporte dans cet univers teinté d’humour et de l’indéniable profondeur de la sémantique de l’auteure car si « Le diable s’habille en Basquiat », la gouaille et le sens s’habillent en Roselyne Madelénat.
Sur un air d’interdit. Roselyne Madelenat. Éditions : Hugo Roman.
230 pages, 17 euros
© Felicia-France Doumayrenc
Felicia-France Doumayrenc est autrice, critique littéraire, éditrice et peintre.
Une critique magnifique et très pointue du roman de roselyne
Donne vraiment envie de le lire
Bravo à la journaliste et bravo à l’ecrivaine